Jeux paralympiques : les bénéfices durables de la couverture médiatique

Jeux paralympiques : les bénéfices durables de la couverture médiatique

Il y a quelques semaines, les Jeux paralympiques mettaient un coup de projecteur médiatique sur le sport adapté. Une visibilité rare pour les personnes en situation de handicap, qui attendaient cet instant de représentation avec impatience. Retour à la vie normale pour la communauté, après avoir vécu une parenthèse enchantée dont les effets se font encore ressentir.

Il est 11 heures lorsque l’entraînement de boccia bat son plein au Centre Gadbois à Montréal. Accompagnés de leurs entraîneurs, une vingtaine de pratiquant·e·s de tous niveaux s’exercent à ce sport de boules qui s’apparente à la pétanque. Il n’est toutefois plus nécessaire ou presque de présenter ce sport, tant sa couverture médiatique a explosé durant les Jeux paralympiques de Paris 2024.

« Il y a le Super Bowl tous les ans, la Coupe du monde de football tous les quatre ans, mais nous, notre événement, c’est les Jeux paralympiques », nous confie Marc Dispaltro, joueur de boccia et paralympien. La communauté a suivi avec beaucoup d’intérêt la compétition, qui place le sport adapté et les personnes en situation de handicap sur le devant de la scène médiatique mondiale. Au total, 11 millions de Canadiennes et de Canadiens[1] ont suivi les Jeux paralympiques, au cours de 12 jours d’une couverture médiatique en continu. Souffrant habituellement d’un manque de visibilité, les personnes en situation de handicap disposent, le temps de quelques semaines, d’une représentation qui peut leur bénéficier sur le long terme.

Le sport adapté occupe une place très importante dans la vie de celles et ceux qui le pratiquent. Marc Dispaltro le dit clairement, « sans le sport, je serais mort ». L’athlète est atteint de dystrophie musculaire, entraînant la dégénération de sa condition physique. Face à cette maladie, le sport lui a apporté une communauté et un mode de vie salvateurs. Pourtant, l’athlète aurait pu ne jamais se lancer dans le boccia, pensant que la discipline n’était pas faite pour lui, « ça m’a pris six ans avant de vraiment considérer ce sport-là ». La faute à des stéréotypes coriaces et à un manque d’information.

Une vitrine pour le sport adapté

Selon la directrice du Centre d’intégration à la vie active (CIVA) Marine Gailhard, « il y a une méconnaissance des sports qui sont offerts » aux personnes en situation de handicap. Trouver un sport qui correspond à son niveau de capacité demeure en effet difficile, en raison d’un manque de sources d’information. Résultat, de nombreuses personnes concernées ne savent pas que des sports adaptés à leur condition existent.

Les Jeux paralympiques remédient en partie à ce manque d’information, agissant comme un coup de projecteur sur le parasport. « Ça permet d’avoir un bon panel de disciplines, et de voir toutes les possibilités qui existent, faisant parfois naître des vocations » appuie Mme Gailhard. Un effet confirmé par la forte augmentation du trafic sur la plateforme Trouve ton sport durant les Jeux. Le site, géré par le CIVA, répertorie les différents sports adaptés et leurs règles, et a vu de nombreux visiteurs s’informer sur la disponibilité des disciplines à Montréal et sur les niveaux de capacité requis.

Une source d’inspiration

Cette vitrine médiatique bénéficie également à celles et ceux qui pratiquent déjà un sport adapté, et dont les ambitions sont limitées en raison du manque de représentation. « C’est important de se voir parce qu’il y a bien des athlètes en devenir qui ne sont même pas au courant qu’ils pourraient être des athlètes paralympiques », soutient Marc Dispaltro. Avant de participer aux Jeux de 2012, de 2016 et de 2020, le joueur de boccia « n’avait aucune idée » que c’était possible d’atteindre ce niveau de compétition.

Les jeunes joueuses et joueurs du Centre Gadbois le savent désormais, il est possible de rêver des Jeux paralympiques. C’est le cas d’Alexandre Raymond, 22 ans, rencontré à la pause de l’entraînement de boccia. Pour le jeune joueur atteint de paralysie cérébrale, les athlètes observé·e·s à la télévision « démontrent qu’avec un peu de volonté, on peut se rendre assez loin dans ce sport ». Avoir des modèles l’encourage à continuer : « je me dis qu’un jour, ce serait possible que je me rende aux paralympiques ».

Démystifier le handicap

Incubateur d’espoir, les Jeux rompent ainsi avec l’image tragique et négative souvent associée au handicap. Le public peut y voir des « personnes qui se dépassent et qui performent comme n’importe quel·le athlète », se réjouit Mme Gailhard. De son côté, Alexandre Raymond a « surtout ressenti de la fierté » en se voyant représenté de manière positive.

Tout n’est pas rose non plus dans le handicap, mais les Jeux révèlent la résilience de certain·e·s athlètes au destin tragique. À ce propos, Marc Dispaltro se souvient de la paralympienne belge Marieke Vervoort, décédée deux mois après avoir participé aux Jeux de Rio en 2016. Atteinte d’une maladie rare lui paralysant les jambes, elle avait recouru à une euthanasie en raison de l’aggravation de ses souffrances. « Les gens vont se dire ‘‘oh c’est terrible, c’est triste’’, mais elle a réalisé son rêve de participer aux Jeux tout en sachant que ses jours étaient comptés […], il n’y a rien de plus beau », soutient l’athlète montréalais.

Les Jeux s’attachent également à visibiliser la diversité des handicaps qui existent. « Les gens ont souvent une image très stéréotypée du handicap », regrette Mme Gailhard. Dans l’imaginaire collectif, la déficience physique demeure globalement associée au fauteuil roulant, et la déficience mentale à la trisomie 21, selon la directrice. Le spectre des handicaps est pourtant bien plus large, comme en témoigne l’amplitude de la classification paralympique. Les athlètes sont réparti·e·s selon la nature de leur handicap, et ensuite selon leur niveau de déficience, donnant lieu à 549 épreuves pour 22 sports lors des derniers Jeux.

Information, représentation, éducation… Paris 2024 a semblé agir avec une efficacité décuplée sur la visibilité des personnes en situation de handicap. Cependant, les Jeux paralympiques d’été, et la représentation qui vient avec, reviendront seulement dans quatre ans. N’était-ce qu’une parenthèse enchantée? Pour Mme Gailhard, « tout est bon à prendre ». La directrice du CIVA attend de voir si la couverture médiatique retombera complètement, ou si la visibilité gagnée durant les Jeux perdurera. Quant à lui, Marc Dispaltro veut rester réaliste, « c’est sûr que ça serait le fun d’avoir cette visibilité-là à l’année, mais il ne faut pas se créer d’illusions non plus. »

En attendant les prochains Jeux de Los Angeles en 2028, dont Alexandre Raymond sait déjà qu’il regardera tous les matchs, le Centre Gadbois continuera à accueillir les joueuses et joueurs de boccia de Montréal, que Mme Gailhard espère de plus en plus nombreux·se·s.


[1]Radio-Canada, 2024. « 11 millions de Canadiennes et Canadiens étaient au rendez-vous des jeux paralympiques ». https://presse.radio-canada.ca/corporatif/13411/11-millions-de-canadiennes-et-canadiens-etaient-au-rendez-vous-des-jeux-paralympiques-de-paris-2024-a-cbc-radio-canada/# (consulté le 25 octobre 2024)