LETTRE OUVERTE / Maude Desbois, Chargée des communications à Mères au front
Alors qu’en ce moment même sont détenus par la Sûreté du Québec deux activistes environnementalistes qui ont pris part à l’action de désobéissance civile entreprise sur le pont Jacques-Cartier à Montréal le 22 octobre par Last génération Canada et le collectif Antigone, la lutte se poursuit et nous demeurons plus solidaires que jamais. Nous ne pouvons accepter la criminalisation des militant·es non violent·es qui agissent dans le but de protéger l’environnement et de faire bouger nos gouvernements. Il s’agit d’une répression sans précédent au Québec qui est totalement inacceptable.
Alors qu’en ce moment même sont détenus par la Sûreté du Québec deux activistes environnementalistes qui ont pris part à l’action de désobéissance civile entreprise sur le pont Jacques-Cartier à Montréal le 22 octobre
Combien de trains manqués cela prendra-t-il à nos dirigeant·es avant qu’ils ne se décident à embarquer? Combien de communautés abandonnées au nom de l’économie? Combien de zones sacrifiées au nom de la croissance et de notre dépendance à la consommation?
Plus de dix jours déjà depuis que des artistes, des mères au front et des militantes ont immobilisé un train sur le site de la Fonderie Horne à Rouyn-Noranda de manière totalement pacifique, en se couchant à l’endroit qui est fort probablement l’un des plus contaminés du site, mettant ainsi leur santé à risque.
Le dimanche 13 octobre 2024, ces femmes sont montées au front afin de manifester pour l’accès à un droit fondamental : celui d’exister sans craindre pour leur vie et celle de leurs enfants. Celui de vivre dans un environnement sain qui ne respire pas l’auto-destruction provoquée par une multinationale multimilliardaire, soutenue par notre propre gouvernement. Pour cela, elles se sont étendues sous l’un des wagons par lesquels arrivent les intrants toxiques en provenance de différents pays pour être transformés à la Fonderie Horne; des photos de leurs enfants et de leurs petits-enfants posées sur leur cœur, silencieuses, afin de rappeler pour qui elles luttent et la raison de leur présence à Rouyn-Noranda ce jour-là.
Encore aujourd’hui en 2024, alors que nous vivons une crise socio-environnementale sans précédent, le gouvernement accepte de sacrifier des populations à proximité d’usines, de mines, d’industries, en mettant sur le dos de l’économie du Québec la nécessité d’octroyer à ces multinationales des permis de polluer, de détruire le territoire, mettant à risque la survie des écosystèmes en plus de la santé des communautés. Bon nombre de ces usines sont situées dans des milieux où vivent des gens avec leurs familles. C’est le cas notamment à Montréal, Québec, Saguenay, Sherbrooke, Trois-Rivières, Gatineau et, bien entendu, Rouyn-Noranda.
Comment se fait-il que la population, malgré les dangers qui ne sont plus à prouver, se retrouve à devoir lutter afin d’être protégée d’un géant nommé Glencore? Cela fait des années que les Mères au front et plusieurs autres groupes se mobilisent afin d’exiger le respect des normes. Le mouvement a financé ses propres analyses de neige et manifesté à de multiples reprises, sans compter les rencontres avec nos dirigeants qui ont gentiment souri et pris des notes. Rappelons aussi qu’il n’y a actuellement aucun échéancier imposé à la Fonderie Horne pour l’atteinte de la norme provinciale de 3 ng d’arsenic par mètre cube d’air.
On se retrouve à payer de la santé de la population, de notre système de santé qui doit soigner les personnes atteintes de cancers du poumon et des voies urinaires, de maladies pulmonaires chroniques, de maladies du système nerveux, et tant d’autres graves problématiques liées à la présence des contaminants tout droit sortis des cheminées de l’usine. Notre gouvernement utilise l’argent des contribuables pour financer le rehaussement technologique de la Fonderie Horne, car l’entreprise elle-même refuse de payer pour effectuer les travaux d’améliorations nécessaires à la diminution des contaminants rejetés dans l’air de Rouyn-Noranda. Le Québec paie pour les caprices d’une multinationale qui a engrangé un revenu net de 17,3 milliards en 2022, sans compter tout ce qui est caché dans des paradis fiscaux.
Vous comprendrez donc que les personnes qui vivent à Rouyn-Noranda en ont assez de se faire violenter et négliger, coincées sur un territoire pour lequel ils et elles ont un attachement et un amour profond, mêlé à beaucoup de colère et un goût amer dans la bouche, qui lui, ne provient pas uniquement des rejets d’anhydride sulfureux (SO2) de la Fonderie horne.
D’ailleurs, petite anecdote à ce sujet, alors que nous marchions vers l’usine pendant la manifestation, un goût étrange et inhabituel s’invite sur notre langue. Isabelle Fortin-Rondeau, membre du groupe Mères au front Rouyn-Noranda, attrape le micro et nous lance : « Ce goût dans votre bouche, c’est du dioxyde de soufre. Cadeau de la fonderie! ». Au lendemain de la marche, un graphique partagé par REVIMAT, un organisme local qui milite pour améliorer la Loi sur les mines et pour la protection de l’environnement, indique que l’indice de SO2 pendant la marche montrait un pic grimpant à toute allure d’un niveau « acceptable » à « mauvais ». Selon l’American Lung Association, « le dioxyde de soufre provoque une série d’effets nocifs sur les poumons. Il peut également se transformer chimiquement en particules de sulfate dans l’atmosphère, qui constituent une part importante de la pollution par les particules fines, qui peuvent être emportées à des centaines de kilomètres. » Les personnes qui vivent et travaillent à proximité de ces grandes sources sont évidemment les plus exposées au SO2 et à ses impacts. Apparemment, la Fonderie aime bien gratifier les militant·es d’une bonne bouffée d’air frais lors des manifestations.
Chaque étape de la marche, ponctuée de prises de paroles, de performances artistiques, de témoignages, a ramené l’indignation et la colère au fond de nos ventres. L’envie de scander « Assez, c’est assez! » nous venait tout naturellement.
Les artistes venu·es en solidarité, à la demande des Mères au front de Rouyn-Noranda qui n’en peuvent plus d’appeler à l’aide, se sont plongé·es dans une grande vulnérabilité par leur performance. Arrachant bout par bout les vêtements qui recouvraient leurs corps, Ève Landry, Anaïs Barbeau-Lavalette, Steve Gagnon, Véronique Côté et Laure Waridel, ont dévoilé tour à tour les parties peintes en noir, symboliquement « malades » avec, en trame de fond, les mots de Véronique Côté. « Ta ville est une zone sacrifiée. Ton corps est une zone sacrifiée. Tes enfants sont une zone sacrifiée. » Une vulnérabilité et un courage qu’il faut savoir porter pour revendiquer et tenter d’attirer l’attention sur le nœud du problème.
Alors je me permettrai de répéter ici, en fin de récit, ces mêmes questions.
Combien de trains manqués cela prendra-t-il à nos dirigeant·es avant qu’ils ne se décident à embarquer? Combien de communautés abandonnées au nom de l’économie? Combien de zones sacrifiées au nom de la croissance et de notre dépendance à la consommation?
Le respect des normes québécoises sur les contaminants, c’est tout ce qu’on vous demande.
Nous sommes près de 9000 Mères au front au Québec qui luttons chaque jour pour faire entendre les voix éteintes, les voix inaudibles, tues et ignorées. Soyez avisé·es, « Il ne sera pas question de se fermer la gueule. »*
* Phrase tirée du livre « Arsenic mon amour », co-écrit par Gabrielle Izaguirré Falardeau et Jean-Lou David, aux éditions du Quartz.
Rappelons que l’autorisation ministérielle entérinée en 2023 demeure largement insatisfaisante, permettant toujours à la Fonderie Horne de rejeter dans l’air de Rouyn-Noranda des quantités allant jusqu’à 15 fois la norme nationale sur l’arsenic, celle-ci étant établie à 3 ng/m3. Selon ladite entente, la Fonderie Horne est seulement tenue à graduellement diminuer les émissions à 15 ng/m3 (soit 5 fois la norme), avant de présenter un éventuel plan. Pour permettre l’obtention de métaux critiques, le gouvernement québécois accepte d’exposer la population à des taux d’arsenic qu’il sait lui-même être dangereux.
Depuis des années, la population de Rouyn-Noranda est exposée à de l’arsenic, du plomb, du cadmium, du nickel, du cuivre et du dioxyde de soufre à des taux beaucoup plus élevés que partout ailleurs au Québec. Au moins 25 contaminants sont mesurés dans l’air, l’eau, la neige ou les sols des environs. Plusieurs de ces contaminants sont des cancérigènes et des neurotoxiques sans seuil, ce qui signifie qu’ils entraînent des risques quelle que soit la dose. Les normes sont déjà un compromis.
par Missila Izza, Candidate au doctorat en science politique, Université de Montréal
Christian Rioux s’allie dans sa chronique de lundi le 8 juillet aux éléments de langage des commentateurs des plateaux français dont l’analyse se bute plus souvent que l’inverse au mur du réel. Bon nombre de chroniqueurs et d’analystes politiques bien établis étaient persuadés que le Rassemblement National arriverait au pouvoir le 7 juillet, et ce, appuyé des seuls sondages qu’ils voulaient bien entendre. Le scénario opposé était pourtant souligné comme bien plus probable par certains experts, dontBrice Teinturier, Directeur général délégué d’Ipsos. Comment expliquer cet échec d’analyse ?
Tisser la toile
Pour ce qui est de la petite chanson de l’alliance « contre nature », le « front républicain » permet dans les faits de rassembler les voix d’électeurs de toutes les couleurs politiques pour empêcher l’extrême-droite d’arriver au pouvoir. Cette opération a permis d’éviter l’accession à la présidence du négationniste et tortionnaire de l’OAS, Jean-Marie Le Pen, puis à deux reprises celle Marine Le Pen, qui a consacré sa vie à refaire une beauté marketing au Front National, renommé Rassemblement National. L’exemple choisi par Rioux pour illustrer « l’alliance contre-nature » est qu’Edouard Philippe, de centre-droit, a voté communiste dans sa circonscription. Horreur ! Pas du tout en fait, puisque c’est exactement comme cela que fonctionne le front républicain : voter de façon stratégique pour le candidat qui n’est pas fasciste. Alors, la complainte selon laquelle « le portrait qu’offre cette nouvelle Assemblée est à l’opposé de celui que dessinent les suffrages exprimés » est entièrement fausse.
Avant le deuxième tour des législatives dans les circonscriptions où personne n’a obtenu la majorité nécessaire, bon nombre de candidats en troisième position se sont désistés pour permettre au candidat faisant face au RN d’obtenir ses voix. Nombre d’électeurs ont donc dû voter pour des candidats ne correspondant pas à leur choix du premier tour, comme 70% des électeurs de gauche qui ont voté pour Les Républicains (droite) dans des duels avec le RN. Il est donc malhonnête de comparer les résultats finaux du RN en comptant séparément les voix obtenues par la gauche, le centre et la droite pour défendre que le parti d’extrême-droite aurait dû l’emporter, comme le fait Christian Rioux qui est censé connaître ces notions électorales de base.
La gauche a obtenu moins de voix absolues au second tour car c’est la formation politique qui a opéré le plus de désistements pour permettre de battre l’extrême-droite. Malhonnêteté ou incompétence ? Le journaliste a qualifié le chiffre de 10,1 millions de voix pour le RN de progression « avec l’apport de voix propres et non d’alliances circonstancielles », ce qui est encore faux puisque le chiffre réel est 8,7 millions. Les résultats finaux de l’élection législative sont clairs : l’écrasante majorité des Français n’a pas voté pour l’extrême-droite, et cela sans même compter les abstentions au nombre le plus faible depuis 1981.
Tomber le masque
Que veut Christian Rioux ? Certainement pas la gauche au pouvoir. Il s’affole que le programme du Nouveau Front Populaire (quelques paragraphes après avoir prétendu qu’il n’existait pas) « plongerait dans un chaos indescriptible» la France. Rioux se permet d’omettre que le programme du NFP est le seul qui soit entièrement chiffré et que 300 économistes, y compris la prix Nobel d’économie 2019, Esther Duflo, le soutiennent. Il ajoute ensuite que l’« arrivée d’un premier ministre comme Jean-Luc Mélenchon apparaîtrait comme un coup fatal », affirmation basée sur rien, mais qui néglige surtout d’informer le lectorat que l’union de la gauche était à ce moment précis en pourparlers sur la composition du gouvernement1Depuis la publication de la chronique de Rioux, le Nouveau Front Populaire a donné le nom de Lucie Castets pour qu’elle soit désignée première ministre. Le président, Emmanuel Macron, a largement ignoré ce fait et a décrété une « trêve olympique » lors de laquelle le gouvernement démissionnaire gouverne.. Pourquoi ? Parce que le criaillement que Rioux imite est celui qui participe à la démonisation d’un mouvement politique. Aucune distance.
À la fin de sa chronique, le masque tombe. Il joue à ce que Gabriel Attal appelle « sujet, verbe, immigration » en disant qu’« immigration » et « insécurité » « figurent à peine dans les programmes du centre et de la gauche. » Si le mot « insécurité » est absent du programme des vainqueurs, ce n’est pas, comme le sous-entend Rioux, qu’il n’y a aucune mesure pour assurer l’intégrité physique des individus. La gauche préfère les termes « sûreté, sécurité et justice », à l« insécurité », connotée à droite, voire à l’extrême droite. Le Nouveau Front Populaire propose par exemple, le rétablissement de la police de proximité, ce qui a tendance à baisser la criminalité avec moins de violence- au grand dam de l’extrême-droite dont c’est la partie préférée.
Le terme immigration est bel et bien présent dans le programme du NFP : pour abroger les lois asile et immigration (considérées comme victoire idéologique de l’extrême-droite), pour la création de voies légales et sécurisées d’immigration, ainsi que pour réviser un pacte européen pour un accueil digne des migrants. Christian Rioux n’a-t-il pas lu ce programme ou est-il en fait déçu ? Évitons de faire semblant que Rioux ne fait pas un lien direct entre « insécurité » et « immigration ». La gauche a en effet le défaut, dans le regard des fascistes et des racistes, de ne pas prendre les immigrants comme l’épouvantail de tous les maux du monde. Du côté du RN, c’est à se demander si, en enlevant le mot « immigration » de son programme, il ne resterait pas que les images.
Monsieur Rioux ose même mettre le terme d’extrême-droite entre guillemets pour cette chronique où il étale sa panique face à sa défaite. Quand il dit de façon péremptoire que « les idées du RN n’ont jamais été aussi populaires », peut-être veut-il dire qu’elles n’ont jamais été aussi populaires avec lui.
Rioux verse aussi dans le conspirationnisme en sortant de nulle part l’idée selon laquelle le Rassemblement National « n’a toujours pas le droit de s’approcher du pouvoir. » Le droit ? Croit-il qu’au Québec les idées d’extrême-droite sont normalisées au point de laisser passer ce genre d’insinuations de trucage ou d’injustice envers une formation politique championne de l’exclusion ? Tout cela pour défendre une formation fasciste qui a investi au moins 106 candidats ayant été pris en flagrant délit de haine tombant sous le coup de la loi ou de complotisme, incluant une en casquette de la Luftwaffe ou un autre qui attaque une ancienne ministre de l’Éducation en disant qu’elle n’aurait pas dû accéder à ces fonctions parce que binationale franco-marocaine. Soyons bien clairs : ces gens sont des fascistes. Ils veulent hiérarchiser les citoyens selon leurs origines, retirer des nationalités arbitrairement et déporter des êtres humains. Le livre de chevet de Marine Le Pen, Camp des Saints, est basé sur l’idée suivante : « L’incompatibilité des races lorsqu’elles se partagent un même milieu ambiant. »
Alors quand, en parlant de la déconfiture électorale du Rassemblement National, Christian Rioux nous dit « tout cela n’est peut-être que partie remise », j’hallucine. Comment ce coming-out d’extrême-droite se retrouve-t-il dans les pages du Devoir ? Force est de constater que Christian Rioux est devenu une courroie de transmission de la normalisation des idées du Rassemblement National au Québec. La question qui se pose est celle de la responsabilité de donner une telle tribune dans un des plus grands quotidiens du Québec à un homme qui a désormais renoncé au journalisme au profit de l’extrême-droite.
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Depuis la publication de la chronique de Rioux, le Nouveau Front Populaire a donné le nom de Lucie Castets pour qu’elle soit désignée première ministre. Le président, Emmanuel Macron, a largement ignoré ce fait et a décrété une « trêve olympique » lors de laquelle le gouvernement démissionnaire gouverne.
Traduction d’Alexandre Dubé-Belzile Cet article a été publié par nos partenaires de Colombie, la revue Kalivando.
Cet article fournit quelques éléments d’analyse des relations officieuses entre les multinationales et les dictatures en Amérique latine, de la manière dont les entreprises en ont tiré profit, des faits mis en lumière par les commissions de vérité, des répercussions sur les populations et l’environnement et de ce qui subsiste de nos jours de ces alliances. Depuis des décennies, l’Amérique latine est le théâtre d’interactions complexes entre multinationales et régimes dictatoriaux. Ces relations mutuellement bénéfiques ont suscité nombre de controverses et ont laissé des plaies encore ouvertes dans la région. Cet article fournit quelques éléments d’analyse des relations officieuses entre les multinationales et les dictatures en Amérique latine, de la manière dont ces dernières en ont profité, les faits mis en lumière par les commissions de vérité à ce sujet, les répercussions sur les populations et l’environnement et ce qui subsiste de nos jours des alliances entre États et multinationales. L’étude du rôle des multinationales dans les dictatures d’Amérique latine n’est pas une question de second ordre. Elle nécessite une analyse approfondie et un débat public de grande ampleur.
Les multinationales sont présentes dans la région depuis des décennies. Leur influence économique et politique est considérable et elle a fait l’objet de bon nombre de controverses. Certain·e·s affirment qu’elles ont contribué à la stabilité et au développement économique. D’autres disent qu’elles ont plutôt exacerbé les inégalités et se sont rendues complices de violations des droits de la personne. Pour comprendre ce phénomène, il est important de se pencher sur le rôle que les multinationales ont joué auprès des dictatures latino-américaines et ce qui subsiste de ces relations.
Les multinationales sont des entreprises qui mènent des activités dans plusieurs pays et qui disposent d’un grand pouvoir économique et politique. En plus de ce pouvoir, elles disposent d’un vaste réseau de filiales et d’un grand nombre d’employé·e·s. Leurs secteurs d’activités vont de l’extraction de ressources naturelles à la production et à la distribution de biens et de services. Leur présence et leurs activités dans des pays latino-américains gouvernés par des régimes dictatoriaux ont sans aucun doute eu des répercussions significatives sur l’économie et les sociétés de la région.1Carmen Amelia Coral Guerrero, Silvia Noroña, María Elena Pulgar Salazar, « La Comunidad Andina de Naciones, una apuesta por la innovación y la diversificación comercial en Ecuador », Comillas : Journal of International Relations, 2023, (27), 85-100. Récupéré sur : https://revistas.comillas.edu/index.php/internationalrelations/article/download/19391/18217 (consulté le 11 mai 2024). Sara Piedrahita Sierra, « La captura de instituciones como un fenómeno internacional », Analecta Política, 2023. Récupéré sur : https://dialnet.unirioja.es/descarga/articulo/9088527.pdf (consulté le 11 mai 2024). Monica Maria López Romero, M. M. (2021). « Relación entre geopolítica y comercio internacional de petróleo en Latinoamérica ». Récupéré sur : http://repository.uamerica.edu.co/bitstream/20.500.11839/8427/1/500210-2021-I-NIIE.pdf (consulté le 11 mai 2024).
Pendant une grande partie du XXe siècle, plusieurs pays de la région ont connu des régimes dictatoriaux, caractérisés par la répression politique, l’absence de libertés civiles et la violation systématique des droits de la personne.2Camillo Robertini, « Fiat en América Latina durante la Guerra Fría. El entramado del poder entre negocios, represión y la construcción del “Peón Latino Fiat” », Confluenze : Rivista di Studi Iberoamericani, 2023.Récupéré sur https://confluenze.unibo.it/article/view/15292 (consulté le 11 mai 2024). Martes Muñoz de Morales Romero, Vías para la responsabilidad de las multinacionales por violaciones graves de Derechos humanos, Política criminal (15), 30, 2020. Récupéré sur https://www.scielo.cl/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0718-33992020000200948 (consulté le 11 mai 2024). Nous savons aujourd’hui qu’il s’agit d’un plan élaboré par les États-Unis dans le but d’imposer un modèle économique : le néolibéralisme.
Le tableau suivant montre le poids actuel des multinationales et établit que la valeur des entreprises dépasse les actifs des pays d’Amérique latine. Nous illustrons ainsi leur puissance économique et les raisons pour lesquelles les États orientent leurs politiques publiques en faveur de leur protection, dans le but apparent de garantir l’emploi, le développement et l’accès aux marchés internationaux. Cela dit, nous pouvons également constater les pressions hégémoniques exercées à l’échelle internationale, que ce soit par des entreprises arabes, nord-américaines ou chinoises.
Position
Entreprise
Valeur (Milliards de dollars)
Position
Pays
PIB/PPA 2023 (Milliards de dollars)
1
Walmart
611 289
1
Brésil
4 101 022
2
Saudi Aramco
603 651,4
2
Mexique
3 277 601
3
State Grid
530 008,8
3
Argentine
1 239 515
4
Amazon
513 983
4
Colombie
1 016 124
5
China National Petroleum
483 019,2
5
Chili
597 520
6
Sinopec Group
471 154,2
6
Pérou
548 465
7
Exxon Mobil
413 680
7
République dominicaine
273 703
8
Apple
394 328
8
Équateur
242 579
9
Shell
386 201
9
Venezuela
211 926
10
UnitedHealth Group
324 162
10
Guatemala
201 365
11
CVS Health
322 467
11
Panama
190 306
12
Trafigura Group
318 476,4
12
Costa Rica
141 527
13
China State Contruction Engineering
305 884,5
13
Bolivie
125 428
14
Berkshire Hathaway
302 089
14
Paraguay
117 349
15
Volkswagen
293 684,7
15
Uruguay
103 372
16
Uniper
288 309, 2
16
Honduras
75 030
17
Alphabet
282 836
17
El Salvador
74 505
18
McKesson
276 711
18
Nicaragua
51 022
19
Toyota Motor
274 491,4
19
Haiti
38 952
20
TotalEnergies
263 310
20
Cuba
Inconnu
21
Glencore
255 984
22
BP
248 891
Après la Seconde Guerre mondiale, de grandes entreprises américaines ont commencé à investir en Europe et au Japon, contribuant ainsi à la reconstruction de leurs économies et à l’établissement de relations commerciales internationales. Dans les années 1960 et 1970, de nombreuses entreprises multinationales se sont implantées dans des pays sous-développés ou en voie de développement. Avec l’accélération de la mondialisation au cours des dernières décennies du XXe siècle, ces entreprises ont pris d’autant plus d’expansion, diversifiant leurs activités dans un plus grand nombre de secteurs et de pays.
Depuis des décennies, l’Amérique latine est le théâtre d’interactions complexes entre multinationales et régimes dictatoriaux. Ces relations mutuellement bénéfiques ont suscité nombre de controverses et ont laissé des plaies encore ouvertes dans la région. Le tableau ci-dessus nous donne un aperçu des intérêts qui ont poussé des multinationales à participer directement, par exemple, aux actions menées par les dictatures au Brésil (1964-1985), au conflit armé supposément interne au Pérou, au conflit armé interne au Guatemala (1960-1996), à la répression menée par la dictature d’Augusto Pinochet au Chili, par celle de l’Argentine, au coup d’État au Honduras (2009), au conflit armé, aux actions du front national et à la violence politique en Colombie.3Alfonso Insuasty Rodriguez & José Fernando Valencia Grajales, « Solos no podemos », Kavilando, 2011, 2(2), 113-115. Récupéré sur https:// nbn-resolving.org/urn :nbn:de :0168-ssoar-429642 (consulté le 11 mai 2024). José Fernando Valencia-Grajales, « Gustavo Rojas Pinilla: Dictadura o presidencia: La hegemonía conservadora en contravía de la lucha popular », Ágora USB, 2014, 2017, 2018 (14) 2, 537-550. Récupéré sur https://doi.org/10.21500/issn.1657-8031 (consulté le 11 mai 2024). José Fernando Valencia Grajales, Mayda Soraya Marín Galeano & Juan Carlos Beltrán López, « Las dictaduras en América Latina y su influencia en los movimientos de derecha e izquierda desde el siglo XX », Ratio Juris, 2021, 16 (32), 17–50. Récupéré sur https://doi.org/10.24142/raju.v16n32a1 (consulté le 11 mai 2024).
Mais quelle est la nature de la relation entre les multinationales et les dictatures en Amérique latine, et quelles en sont les conséquences?
Les dictatures d’Amérique latine ont été soutenues par les entreprises et les multinationales, qui ont trouvé dans ces régimes un environnement favorable à leurs activités économiques et politiques, établissant des relations étroites avec les élites politiques et économiques locales et les multinationales, dans une logique de bénéfice mutuel.4Astryd Marilyn Suárez Castro, La necesidad de la implementación de una responsabilidad social corporativa en empresas multinacionales en Latinoamérica, thèse, 2020. Récupéré sur https://repositorio.usil.edu.pe/server/api/core/bitstreams/e42d9c1e-ab9c-46a9-b098-9f57fa4187eb/content (consulté le 11 mai 2024). Juan Pablo Gauna, (2021). Controversia: la revista crítica de los argentinos exiliados en México, 2020. Récupéré sur https://ri.conicet.gov.ar/handle/11336/157268 (consulté le 11 mai 2024). Roberto Pizarro Hofer, « Comentarios al “Esquema de investigación sobre relaciones de dependencia en América Latina” ». Tramas y Redes, 2020. Récupéré sur https://tramasyredes-ojs.clacso.org/ojs/index.php/tyr/article/view/98 (consulté le 11 mai 2024). Grâce à ces relations mutuellement bénéfiques, les multinationales ont, d’une part, renforcé leur puissance économique et politique, ce qui leur a permis de maintenir leur pouvoir et leur contrôle sur la société et, d’autre part, elles ont exercé une influence significative sur la prise de décision politique, en veillant à ce que ces décisions favorisent leurs intérêts et assurent des conditions favorables à leurs activités commerciales. Dans le cadre de cette collaboration, des violations flagrantes des droits de la personne ont été perpétrées et la répression s’est imposée comme pratique politique.5José Gabriel Palma & Jonathan Pincus, « América Latina y el Sudeste Asiático. Dos modelos de desarrollo, pero la misma “trampa del ingreso medio”: rentas fáciles crean élites indolentes », El trimestre económico, 2022. Récupéré sur https://www.scielo.org.mx/scielo.php?pid=S2448-718X2022000200613&script=sci_arttext (consulté le 11 mai 2024). Grace Hernández Rojas, « Planificación y desarrollo en América Latina y el Caribe », Revista Costarricense de Trabajo Social, 2023. Récupéré sur https://revista.trabajosocial.or.cr/index.php/revista/article/view/420 (consulté le 11 mai 2024).
Que disent à ce sujet les commissions de la vérité et les rapports alternatifs en Amérique latine?
Les commissions de vérité, établies dans plusieurs pays d’Amérique latine au lendemain de la tombée des dictatures, ont mis en lumière les relations entre les multinationales et les régimes autoritaires. Ces commissions ont documenté des cas de complicité d’entreprises dans des cas de violation des droits de la personne, de corruption et d’exploitation des ressources naturelles. Vous trouverez ci-bas quelques exemples.6Lina Patricia Colorado Marin & Juan David Villa Gómez, El papel de las comisiones de la verdad en los procesos de transición: aproximación a un estado de la cuestión. El Ágora USB, 2020, 20(2), 306-331. Récupéré sur https://revistas.usb.edu.co/index.php/Agora/article/view/5146 (consulté le 11 mai 2024).
Commission
Description
Commission de la vérité au Brésil
Créée en 2011 par la présidente Dilma Rousseff, cette commission a enquêté sur les crimes commis pendant la dictature militaire brésilienne (1964-1985). Même si le rapport final ne traite pas exclusivement des relations entre les multinationales et les dictatures, il souligne l’implication des entreprises dans le financement et le soutien de la répression.
Commission Vérité et Réconciliation, Pérou
Créée en 2001 après la fin du conflit armé interne au Pérou, cette commission a enquêté sur les violations des droits de la personne survenues pendant cette période. Il a mentionné l’implication des entreprises dans le financement des groupes armés et l’exploitation des ressources naturelles dans les zones touchées par les conflits.
Commission pour la clarification historique (CEH), Guatemala
Créée en 1994 après la signature des accords de paix au Guatemala, la CEH a enquêté sur les crimes commis pendant le conflit armé interne (1960-1996). L’implication des entreprises a été signalée, en particulier dans le contexte de l’exploitation des ressources naturelles et du déplacement des communautés autochtones.
Commission Vérité et Réconciliation Chili
Créée en 1990 après la fin du régime d’Augusto Pinochet, elle a enquêté sur les violations des droits de la personne commises pendant la dictature. Le rapport final fait état de la complicité de certaines entreprises, notamment dans le secteur minier, avec le régime militaire.
Commission nationale sur la disparition de personnes (CONADEP), Argentine
Créée en 1983 après la fin du régime militaire en Argentine, elle a enquêté sur les disparitions forcées, la torture et d’autres crimes commis pendant la dictature. Son rapport fournit des renseignements sur la complicité indirecte des entreprises en ce qui a trait aux politiques économiques du régime et aux relations avec l’armée.
Commission de vérité, Colombie
Créée dans le cadre de l’Accord de paix entre les FARC-EP et l’État colombien (2016), cette commission a présenté ses conclusions le 28 juin 2022 dans un contexte particulier, puisque, même s’il met fin à une confrontation armée de plus de 50 ans, d’autres conflits de nature politique et de la violence armée persistent sur le territoire national. Ce rapport révèle le rôle joué par les multinationales et les grandes entreprises, en association avec le pouvoir politique et militaire, dans le soutien de groupes paramilitaires responsables de violations des droits de la personne et de dommages causés à l’environnement, entre autres conséquences néfastes, et ce, dans le cadre de l’accaparement des terres et de l’expansion des mégaentreprises extractivistes.
Ce ne sont là que quelques-unes des commissions de la vérité en Amérique latine et dans les Caraïbes qui se sont penchées sur les relations entre les multinationales et les dictatures dans la région. Leur travail a permis de documenter et de visibiliser cet aspect important de l’histoire récente de la région.
Et les rapports indépendants?
Les rapports indépendants seront particulièrement intéressants dans la mesure où certains d’entre eux fournissent une analyse plus approfondie de la question et révèlent un problème structurel récurrent qui nous permet d’identifier cette alliance étroite entre les multinationales, l’État, l’élite politico-économique, le soutien et la promotion des régimes autoritaires dans une alliance étroite et perverse d’avantages mutuels.
Ces rapports indépendants examinent les relations entre les multinationales et les dictatures en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ils sont produits par des organisations de la société civile, des groupes de défense des droits de l’homme ou d’autres instances indépendantes. En voici quelques exemples.7Élaboré par les auteurs à partir de diverses sources officielles.
Rapport
Brève description
Rapport du groupe de travail sur les entreprises et les droits de la personne en Colombie
Ce rapport, produit par le groupe de travail des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’homme, examine la situation des droits de la personne en Colombie, y compris la relation entre les entreprises multinationales et les violations des droits de la personne pendant le conflit armé interne. Même s’il ne s’agit pas exactement d’une commission de vérité, elle fournit des renseignements pertinents sur le rôle des entreprises dans le contexte de la violence politique dans le pays.
Rapport de la commission pour la vérité et les biens détournés en Équateur
Cette commission, créée en Équateur en 2007, a enquêté sur des cas de corruption et de violations des droits de la personne commis sous les gouvernements précédents. Même si elle ne s’est pas concentrée exclusivement sur les relations entre les multinationales et les dictatures, son rapport final aborde les questions liées à l’implication des entreprises dans les violations des droits de la personne et la corruption des régimes autoritaires.
Rapport de la Commission de la vérité au Honduras
Cette commission, créée au Honduras en 2010, a enquêté sur les violations des droits de la personne commises lors du coup d’État de 2009 et de ses conséquences. Son rapport final fournit des renseignements sur l’implication des entreprises dans la violence politique et la répression au cours de cette période.
Rapport du groupe de travail sur les entreprises et les droits de la personne en Amérique latine et dans les Caraïbes
Ce rapport, produit par le groupe de travail des Nations unies sur les entreprises et les droits de la personne, examine la situation des droits de la personne dans la région, y compris les relations entre les multinationales et les dictatures dans plusieurs pays. Il fournit une analyse et des recommandations sur la manière de remédier aux effets négatifs des entreprises sur le respect des droits de la personne pendant les périodes de régimes autoritaires.
Sociétés transnationales et droits des peuples en Colombie
L’audience du Tribunal permanent des peuples tenue en Colombie portait sur le thème des entreprises transnationales et des droits des peuples pour la période qui s’étendait de 2006 à 2008. Plus de 40 entreprises transnationales qui ont profité des conflits persistants et des régimes autoritaires dans le pays ont été poursuivies en justice.
Ce ne sont là que quelques exemples de rapports indépendants qui traitent de la relation entre les multinationales et les dictatures en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ces enquêtes offrent souvent un aperçu critique et approfondi du rôle des entreprises dans les violations des droits de la personne et des abus commis par les régimes autoritaires de la région.
Résultats.
Ci-bas, vous trouverez quelques-unes des conclusions que nous pouvons tirer à partir des sources susmentionnées :
Répercussions sur les droits de la personne, persécution, démobilisation.
Ces rapports officiels et indépendants soulignent, sur le plan politique, la collaboration des multinationales avec les dictatures en Amérique latine, ainsi que la répression et les violations des droits de l’homme. Ces entreprises ont souvent utilisé leur pouvoir et leurs ressources pour soutenir et tirer profit de la violence et de la répression exercées par les régimes dictatoriaux.
Ces rapports établissent également l’incidence de ces relations officieuses sur la répression, la démobilisation de syndicats, l’utilisation des forces de sécurité de l’État pour protéger les intérêts des multinationales, l’embauche de groupes paramilitaires et l’exécution extrajudiciaire de militants sociaux, de défenseurs des droits de la personne, de défenseurs des droits des peuples et des droits de l’environnement qui s’opposent à leurs pratiques préjudiciables.
Ces relations ont consolidé le système de persécution et de criminalisation des dirigeant·e·s syndicaux, des militant·e·s sociaux et de défenseur·e·s des droits de la personne qui s’opposaient à leurs intérêts. De plus, ces entreprises ont été complices de la violence et de la répression des communautés autochtones et paysannes qui résistaient à l’exploitation de leurs terres et de leurs ressources naturelles. Cette collaboration a donné lieu à de graves violations des droits de la personne qui ont mis la région à feu et à sang.8Norela Mesa Duque & Alfonso Insuasty Rodríguez, « Criminalidad corporativa y reordenamiento territorial en Urabá (Antioquia, Colombia) », Ratio Juris, UNAULA, 2021, 16(33), 595–622. Récupéré sur https://publicaciones.unaula.edu.co/index.php/ratiojuris/article/view/1243 (consulté le 11 mai 2024).
Ces rapports soulignent également les graves conséquences sur l’environnement, en l’absence de toute restriction ou de toute forme de contrôle. Ces dommages touchent les peuples et se traduisent en des effets transgénérationnels. Tous ces dégâts sociaux ont été facilités par un vide juridique qui favorise la liberté des entreprises, voire par des statuts conçus par ces mêmes entreprises et convertis en droit national, comme c’est le cas du code minier. Ces rapports soulignent également comment ces sociétés ont utilisé divers mécanismes pour échapper à leur responsabilité, comme le changement fréquent de leur raison sociale et le transfert constant de capitaux pour éviter les impôts et, enfin, le remaniement de lois en leur faveur.
Effets sur les économies des pays.
Pendant les dictatures en Amérique latine, les multinationales ont exercé une forte influence économique. L’exploitation des ressources naturelles a été l’un des principaux moyens par lesquels ces entreprises étrangères ont profité des dictatures et de l’absence de réglementation et de mesures de protection de l’environnement. Ainsi, elles ont procédé à l’extraction massive de minerais, de pétrole et d’autres ressources, sans tenir compte des conséquences pour l’environnement et les communautés locales.
De même, les actions des multinationales ont contribué au contrôle de l’économie locale, en établissant des contrats et des accords commerciaux défavorables aux pays et à leurs populations, générant une dépendance économique et minant la souveraineté nationale. Cette situation a également favorisé les inégalités sociales, les multinationales réalisant d’énormes profits alors que les communautés locales étaient marginalisées et n’avaient pas accès aux ressources essentielles.9Andrea Lluch, « Historia empresarial en América Latina: debates, perspectivas y agendas en el siglo XXI », Revista Historia Económica de América Latina. Récupéré sur https://www.audhe.org.uy/publicaciones/index.php/RHEAL/article/view/95 (consulté le 11 mai 2024). Luis Daniel Botero Arango, « Colombia y su proceso de neoliberalismo democrático autoritario », Textos y Contextos, 2021. Récupéré sur https://revistadigital.uce.edu.ec/index.php/CONTEXTOS/article/view/3313 (consulté le 11 mai 2024). Carlos Eduardo Góngora Sánchez, Políticas Extractivistas en América Latina: Reflexiones sobre La Minería de Oro en Paraguay, 2021. Récupéré sur https://dspace.unila.edu.br/items/eee57529-104e-40e4-a0d6-13f5dceb3b80 (consulté le 11 mai 2024). Danilo Bartelt Dawid, Naturaleza y Conflicto: La explotación de recursos en América Latina, Madrid : Ediciones Akal, S.A., 2020. César Martins de Souza & Martha Ruffini, « Dictadura, poder estatal y grandes proyectos en regiones marginales. La Amazonia Brasileña y la Patagonia Argentina durante la década de 1960 y 1970 », Folia Histórica del Nordeste, 2022. Récupéré sur https://revistas.unne.edu.ar/index.php/fhn/article/view/5846 (consulté le 11 mai 2024). Ces entreprises étrangères ont profité de l’absence de réglementation environnementale et de la corruption des régimes autoritaires pour extraire massivement des minerais, du pétrole et d’autres ressources.
Cette exploitation a eu de graves conséquences sur l’environnement : la déforestation, la pollution des rivières et la destruction des écosystèmes. En outre, les communautés locales qui dépendaient de ces ressources ont été contraintes de migrer. Elles ont été marginalisées. Elles ont perdu leurs moyens de subsistance et leur qualité de vie s’est grandement détériorée.10Erika Barzola, E. (2023). Estrategias y resistencias locales frente al embate de una multinacional. El caso de la Asamblea Malvinas Lucha por la Vida. Religación: Revista de Ciencias Sociales y Humanidades, 2023, 8(36), 10. Récupéré sur https://dialnet.unirioja.es/descarga/articulo/9016466.pdf (consulté le 11 mai 2024). Lilián Noelia Berardi, (2020). Análisis de la Política de Defensa y recursos naturales (2003-2019), Rosario, Argentine: Universidad Nacional de Rosario, 2020. Ana Luisa Guerrero Guerrero, Empresas transnacionales y derechos humanos: debates desde América Latina, México : Centro de Investigaciones sobre América Latina y el Caribe, 2021.
Capture de l’État
Grâce à leur pouvoir économique et à leur position privilégiée, ces entreprises ont pu influencer les politiques gouvernementales, en veillant à ce que ces politiques favorisent leurs intérêts et protègent leurs investissements. Elles ont fait pression pour la mise en œuvre de lois favorables à leurs activités commerciales, telles que l’assouplissement des réglementations en matière d’environnement et de travail, la privatisation des entreprises d’État et la suppression des barrières commerciales. Elles ont même réussi à modifier et à adapter les constitutions des pays en faveur des politiques néolibérales et du libre marché.
Ce contrôle sur les décisions politiques a eu un effet négatif sur la capacité des pays à promouvoir le bien-être social et économique de leurs citoyen·ne·s, tout en perpétuant les inégalités et en faisant obstacle au développement durable. Ces entreprises ont acquis une influence considérable sur les politiques économiques des régimes autoritaires, favorisant une mainmise des entreprises sur l’État, favorisant ainsi, sans en mesurer les coûts humains et environnementaux, l’ouverture économique, la libéralisation des marchés, et, en fin de compte, leurs intérêts.
Ces entreprises ont réalisé d’énormes profits grâce à leurs activités dans des pays gouvernés par des régimes dictatoriaux, alors que les communautés locales n’avaient pas accès aux ressources et aux services essentiels, que ce soit l’eau potable, l’éducation ou la santé. Cette situation inégalitaire a contribué à la fragmentation et aux tensions sociales qui persistent encore aujourd’hui dans certains pays de la région.
Conséquences de cette alliance officieuse
Parmi les principales conséquences sociales et économiques, citons le déplacement des communautés autochtones et paysannes, les répercussions sur l’environnement et la dégradation des écosystèmes, ainsi que la dépendance économique et l’absence de développement durable. Ces communautés ont été chassées de leurs terres ancestrales pour faire place à des projets de développement menés par des multinationales. La non-reconnaissance des droits de ces communautés et l’imposition de décisions injustes ont conduit à des conflits et à de graves violations des droits de la personne. En outre, ces déplacements ont entraîné la perte de l’identité culturelle et la marginalisation de ces communautés, qui sont privées de leurs moyens de subsistance traditionnels.11Andrés Felipe Jiménez Gaviria (2021). Eduardo Galeano dependencia y despojo en América Latina. El contexto actual de Colombia, thèse, 2021. Récupéré sur http://repository.pedagogica.edu.co/handle/20.500.12209/16392 (consulté le 11 mai 2024). Oscar Rojas Flores, « Elementos de la transición democrática en América Latina. Período 1990-2003. » Repertorio Americano, 2023. Récupéré sur https://www.revistas.una.ac.cr/index.php/repertorio/article/download/19315/29477/88267?inline=1 (consulté le 11 mai 2024). César Rodríguez Garavito & Carlos Andrés Baquero Díaz, Conflictos socioambientales en América Latina: El derecho, los pueblos indígenas y la lucha contra el extractivismo y la crisis climática, Madrid : Siglo XXI Editores, 2020. Il en résulte une plus grande concentration des richesses et un accroissement des inégalités sociales. Les multinationales réalisant d’énormes profits alors que les communautés locales peinent à satisfaire leurs besoins fondamentaux.12Renzo Ramírez Bacca, Introducción a la historia de América Latina del siglo XX, Pereira: Editorial Universidad Tecnológica de Pereira, 2020. Eduardo Basualdo, Endeudar y fugar: Un análisis de la historia económica argentina, desde Martínez de Hoz hasta Macri, Madrid : Siglo XXI Editores, 2020. Inés Nercesian, Presidentes empresarios y Estados capturados: América Latina en el siglo XXI, Buenos Aires: Editorial Teseo, 2020.
En outre, ces entreprises ont accordé des prêts à des gouvernements dictatoriaux, en plus d’investir dans les pays dirigés par ces régimes, entre autres formes de financement. Ainsi, elles ont pu maintenir un contrôle sur la région en parasitant les États. En échange de leur soutien financier, les multinationales ont obtenu des concessions et des contrats avantageux, consolidant leur domination des secteurs clés de l’économie. Cette collaboration a miné le développement d’institutions démocratiques et a contribué à la consolidation des régimes répressifs de la région.13Maria Mercedes Avalos Romero, Relaciones bilaterales entre corea del sur y paraguay: comercio, inversión y cooperación (2011-2021), thèse, 2023. Récupéré sur https://dspace.unila.edu.br/items/ebe8f6ea-50f4-4cdd-8927-fd56498c36c9 (consulté le 11 mai 2024). Oscar Rojas Flores, Op. Cit., note 13.
Elle a également eu des répercussions significatives sur l’environnement et a contribué à la dégradation de l’écosystème. L’exploitation débridée des ressources naturelles, comme l’abattage massif ou l’extraction intensive de minerais, a conduit à la déforestation, à la perte de biodiversité et à la pollution des écosystèmes aquatiques. Ces activités d’extraction irresponsables ont laissé une empreinte environnementale profonde et durable, affectant la qualité de vie des communautés locales et mettant en péril l’équilibre écologique de la région.14Maristella Svampa & Enrique Viale, El colapso ecológico ya llegó: una brújula para salir del (mal) desarrollo Buenos Aires : Siglo XXI, 2021. Gorka Razkin Lopez, Análisis multinacional de la relación entre el desarrollo económico y la degradación ambiental, thèse, 2024. Récupéré sur https://academica-e.unavarra.es/handle/2454/47340
L’une des conséquences les plus graves de cette situation est peut-être l’instauration d’une culture d’impunité et l’absence d’imputabilité. De nombreux rapports soulignent l’impunité qui entoure ces relations entre les multinationales et les dictatures, avec un manque de responsabilité à la fois pour les entreprises impliquées et pour les fonctionnaires responsables des violations des droits de la personne. Ces dynamiques contribuent à perpétuer un cycle d’injustice, permettent aux mêmes schémas de se répéter continuellement, en plus de favoriser toute une culture de corruption. Ces multinationales s’emparent aussi de l’argent et des contrats publics et s’immiscent dans la prise de mesures législatives. Ils ont aussi progressivement pris le contrôle des médias, qu’ils ont transformés en leur appareil idéologique politique par excellence.
Conclusion
Même si de nombreuses dictatures en Amérique latine ont pris fin il y a plusieurs décennies, les conséquences des alliances entre les multinationales et les régimes autoritaires se font encore sentir dans la région. Les relations officieuses et mutuellement bénéfiques entre les multinationales et les dictatures en Amérique latine ont engendré une dépendance économique de ces pays à l’égard des investissements étrangers et entravé le développement durable.15Alberto Romero & Mary Analí Vera Colina, M. (2014). « Las empresas transnacionales y los países en desarrollo », Revista de la Facultad de Ciencias administrativas Universidad de Nariño (Colombia), 2014, 58-89. Récupéré de http://www.scielo.org.co/pdf/tend/v15n2/0124-8693-tend-15-02-00058.pdf (consulté le 11 mai 2024).
Les multinationales ont contrôlé l’économie locale, imposant des conditions défavorables aux pays d’accueil et en créant un fossé d’inégalité économique.16Ana Luisa Guerrero Guerrero, Op. Cit., note 12. Cette dépendance a limité la capacité de diversification économique et encouragé l’exploitation des ressources naturelles sans planification à long terme. En conséquence, les pays touchés ont été pris au piège dans un cycle de dépendance économique et d’absence de politiques favorisant un développement durable et équitable.17Abdelmalek Beddal, Latefa Mous & Virgen Maure, « Aproximación a las propuestas de Fidel Castro para el desarrollo de Cuba y de Latinoamérica en el Consejo Económico de los 21 (1959) ». América Latina en la Historia Económica, 2024, 31(1). Récupéré sur https://alhe.mora.edu.mx/index.php/ALHE/article/view/1409 (consulté le 11 mai 2024). Andrea Lluch, Op. Cit., note 11. Andrés Felipe Jiménez Gaviria, Op. Cit., note 13. Maristella Svampa & Enrique Viale, Op. Cit., note 16.
Nombre de ces entreprises continuent d’opérer en Amérique latine, tout en faisant l’objet de poursuites judiciaires et de critiques pour le rôle qu’elles ont joué pendant les périodes de régimes dictatoriaux. Il est urgent de mettre en œuvre des mesures correctives efficaces et de garantir des réparations adéquates aux victimes de violations des droits de la personne commises dans le cadre de ces alliances entre États et multinationales. Il peut s’agir de procédures judiciaires, d’une compensation financière, d’une réhabilitation psychosociale ou de garanties de non-répétition.
Les rapports attirent souvent l’attention sur la nécessité de réformer les lois et les réglementations aux niveaux national et international afin d’empêcher la complicité des entreprises dans les violations des droits de la personne et de garantir la responsabilité des entreprises. Cela peut inclure l’adoption de normes plus strictes en matière d’obligation de diligence raisonnable, la création de mécanismes de surveillance et de responsabilité, et l’application de sanctions en cas de non-respect des règles. En outre, les communautés touchées par l’exploitation et la répression continuent de lutter pour obtenir justice, réparation et protection des droits de la personne et environnementaux.
La mémoire collective de ces événements perdure dans la région, nous rappelant la nécessité d’une plus grande transparence, d’une plus grande responsabilité et d’un plus grand respect des droits de la personne et de l’environnement dans les relations entre les États et les multinationales. La vérité, la justice, la réparation et, surtout, la non-répétition dans ce cas, sont des valeurs essentielles pour construire une Amérique latine autonome, unie, diverse, digne, en harmonie avec la Pachamama, portant la proclamation des peuples selon laquelle il s’agit d’un grand territoire de paix et de protection de la vie.
Camillo Robertini, « Fiat en América Latina durante la Guerra Fría. El entramado del poder entre negocios, represión y la construcción del “Peón Latino Fiat” », Confluenze : Rivista di Studi Iberoamericani, 2023.Récupéré sur https://confluenze.unibo.it/article/view/15292 (consulté le 11 mai 2024). Martes Muñoz de Morales Romero, Vías para la responsabilidad de las multinacionales por violaciones graves de Derechos humanos, Política criminal (15), 30, 2020. Récupéré sur https://www.scielo.cl/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0718-33992020000200948 (consulté le 11 mai 2024).
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17
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Laurence Hamel-Roy est candidate au doctorat au Centre for Interdisciplinary Studies on Society and Culture (CISSC) de l’Université Concordia, où elle mène un projet qui retrace l’histoire des transformations législatives de l’industrie de la construction et leurs répercussions sur les trajectoires professionnelles et militantes des travailleur·euse·s de l’industrie. Katia Atif est directrice d’Action travail des femmes (ATF), un organisme de défense des droits des femmes, qui soutient depuis près de 50 ans les démarches des femmes de tous âges et origines pour l’accès à des emplois décents et bien rémunérés, particulièrement dans les domaines dits non traditionnels. Cet article est inspiré de l’avis Le projet de loi no 51 : des solutions mal avisées qui confondent les problématiques conjoncturelles et les inégalités systémiques rencontrées par les femmes. Ce dernier a été déposé au nom d’ATF dans le cadre des consultations relatives au projet de loi 51, Loi modernisant l’industrie de la construction. Elles dénoncent les dispositions de ce projet de loi comme témoignant du rapport instrumental du gouvernement à l’égard des groupes sous-représentés dans l’industrie : les femmes, les personnes autochtones, les personnes immigrantes, de minorité visible ou ethnique et les personnes en situation de handicap. À terme, il risque de nuire à l’atteinte de l’égalité en emploi sur les chantiers.
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L’industrie de la construction constitue un secteur d’emploi majeur au Québec; elle génère directement plus d’un emploi sur vingt1Plan d’action pour le secteur de la construction, Québec : Gouvernement du Québec, Mars 2021.. L’industrie de la construction est par ailleurs au cœur des efforts de relance économique depuis le début de la pandémie de la COVID-19.
Plusieurs initiatives ont ainsi été déployées dans les dernières années afin d’encourager la croissance du secteur et de sa productivité, notamment pour attirer de nouveaux et nouvelles travailleur·euse·s dans l’industrie. À cet égard, les groupes historiquement exclus, dont les femmes, ont fait l’objet d’une attention constante et soutenue, grâce à la mise en œuvre de différents programmes et assouplissements dédiés à faciliter et accélérer leur entrée dans l’industrie. En 2023, Action travail des femmes (ATF) publiait les résultats d’une vaste étude qui documentait ces initiatives et critiquait l’approche utilitaire adoptée envers les femmes. De plus, elle ne tient pas suffisamment compte du problème historique de leur maintien dans l’industrie2Laurence Hamel-Roy, Élise Dumont-Lagacé et Sophie Pagarnadi, Maintien et stabilisation des travailleuses de la construction au Québec : une industrie à la croisée des chemins, Montréal : Action travail des femmes (ATF), 2023..
Le projet de loi no 51, Loi modernisant l’industrie de la construction (PL 51) s’inscrit dans la continuité de ces initiatives. Plusieurs des modifications législatives et réglementaires proposées visent en effet à répondre à la « pénurie de main-d’œuvre », cette fois en facilitant l’accès des « personnes représentatives de la diversité de la société québécoise », soit : « les [A]utochtones, les personnes immigrantes, les minorités visibles ou ethniques ainsi que les personnes handicapées ». Cette attention en apparence vertueuse envers les groupes historiquement exclus de l’industrie de la construction ne doit pas nous confondre. Les intentions du ministre du Travail et son souci pour la productivité des entreprises de l’industrie de la construction sont clairement explicités dans l’analyse des répercussions du règlement effectué par le Ministère :
Les mesures implantées ayant contribué à attirer les femmes dans l’industrie de la construction devraient favoriser l’attractivité de cette industrie auprès des personnes représentatives de la diversité de la société québécoise. L’inclusion de ces nouveaux groupes permettrait d’élargir le bassin potentiel de travailleurs et de répondre à la demande de main-d’œuvre de l’industrie de la construction. Les propositions n’entraîneraient pas de coûts supplémentaires pour les entreprises3Ministère du travail, Analyse d’impact réglementaire : projet de loi modernisant l’industrie de la construction, Québec : Gouvernement du Québec, Janvier 2023, p. 25..
Combinées aux mesures implantées en vertu de l’entente Québec-Ottawa conclue en 2021 qui exemptent les employeurs d’obtenir une évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) pour la majorité des métiers de la construction (et donc de faire la démonstration de l’échec de leurs efforts de recrutement au niveau local), les modifications réglementaires prévues par le PL 51 ont cependant tout pour dérouler le tapis rouge du recrutement des travailleur·euse·s temporaires, et surtout, leur exploitation éhontée — au nom de la diversité — sur les chantiers du Québec.
Cette orientation, qui assimile les bénéfices de la diversité à leur rentabilité, est hautement problématique. En effet, elle subordonne les droits fondamentaux en matière d’égalité en emploi des personnes concernées à des impératifs économiques conjoncturels, et, par conséquent, conditionne l’atteinte de l’égalité réelle à des considérations commerciales qui risquent à terme de contribuer au fractionnement des luttes sociales. Les femmes et les autres groupes ciblés par le PL 51 méritent mieux qu’une politique qui les assigne au rang d’armée de réserve.
Après les femmes, les « personnes représentatives de la diversité »…
Jusqu’au dépôt du PL 51, les femmes constituaient le seul groupe à l’égard duquel la Commission de la construction du Québec (CCQ) avait jusqu’alors prévu des normes réglementaires différentes en vertu de l’article 123.1 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (chapitre R-20). Ces dispositions4Particulièrement, celles contenues dans le Règlement sur la délivrance des certifications de compétence (r.5) et dans le Règlement sur le Service de référence de main-d’œuvre de l’industrie de la construction (r.14.1). font l’objet d’une attention soutenue par ATF depuis plusieurs années en raison de leurs effets inégaux et parfois même contre-productifs sur l’accès à l’égalité en emploi des femmes dans la construction. Pourtant, c’est précisément leur extension systématique aux « personnes représentatives de la diversité de la société québécoise » que le PL 51 propose.
Pour rappel, les femmes constituent, à l’heure actuelle en 2024, moins de 3,8 % de l’ensemble de la main-d’œuvre sur les chantiers de construction5CCQ, « Les femmes plus nombreuses dans l’industrie de la construction », 8 mars 2024, https://www.ccq.org/fr-CA/Nouvelles/2024/journee-des-femmes. Tel que le reconnaît la Commission de la construction du Québec (CCQ), la très lente progression de leur taux de représentativité est directement liée aux problématiques de discrimination et de harcèlement qui font qu’elles sont surreprésentées parmi les travailleur·euse·s qui quittent l’industrie dans les cinq premières années : en 2017, 52 % des femmes qui avaient intégré l’industrie depuis 1997 l’avaient quitté après 5 ans, contre 32 % des hommes6CCQ, Les femmes dans l’industrie de la construction – portrait statistique 2022, 2023..
La majorité des mesures mises en place depuis l’adoption en 1996 du premier Programme d’accès à l’égalité pour les femmes (PAEF) continue cependant d’insister sur l’accès des femmes à l’industrie, sans tenir compte ni de la qualité des emplois, ni des conditions d’exercice qu’elles sont à même d’obtenir une fois qu’elles y sont, ni pour les problèmes de maintien qu’elles y rencontrent.
Pensons, par exemple7Pour plus d’informations sur ces mesures, voir Laurence Hamel-Roy, Élise Dumont-Lagacé et Sophie Pagarnadi, Op. cit., au supposé avantage qui permet aux femmes d’intégrer l’industrie de la construction et d’y exercer le métier de leur choix sans avoir complété un diplôme d’études professionnelles (DEP) sitôt que la disponibilité de main-d’œuvre pour ledit métier dans une région donnée est de 30 % ou moins. Les hommes non diplômés, de leur côté, doivent pour leur part attendre les « ouvertures de bassins » qui surviennent lorsque ce taux est de 5 % ou moins. Une telle mesure a pour effet de détourner la majorité des femmes qui désirent intégrer l’industrie de la poursuite d’une formation professionnelle, alors que le DEP est un facteur de rétention avéré autant chez les hommes que les femmes. LL’augmentation du ratio apprenti/compagnon qui est accordée aux employeurs qui embauchent des travailleuses apprenties a des effets similaires. Mis en place afin de permettre aux employeurs d’augmenter le nombre d’apprenti·e·s sur leurs chantiers, cet assouplissement législatif renvoie une fois de plus les femmes au statut de main-d’œuvre d’appoint, en plus de nuire à la qualité de la supervision et du transfert de compétences. Par la même occasion, cela rend plus difficile la montée en grade et à l’accès au statut de compagnon·gne (et à leur avantage salarial). Enfin, on ne saurait passer sous silence le Carnet référence construction, une plateforme électronique mise en place avec l’intention, certes louable, de promouvoir l’embauche des femmes auprès des employeurs en recherche de main-d’œuvre. Parce qu’il se limite à hypervisibiliser les candidatures des travailleuses sur les listes de références de main-d’œuvre, le Carnet n’offre non seulement aucune garantie aux candidates qu’elles seront embauchées pour des emplois intéressants, mais il contribue de surcroît à entretenir le préjugé selon lequel les femmes bénéficient d’une place privilégiée au sein de l’industrie et à renforcer le sentiment d’hostilité à leur égard.
Ces quelques exemples démontrent que la mise en place d’interventions centrées sur l’accès ne peut, à elle seule, neutraliser les biais systémiques qui font que les travailleuses de la construction peinent à progresser sur le plan professionnel et à se maintenir dans le milieu. Bon nombre de ces mesures ont en outre des effets préjudiciables sur l’intégration des femmes dans les équipes de travail, puisqu’elles alimentent le mythe selon lequel ces dernières bénéficieraient de passe-droits dans l’industrie, et, incidemment, qu’elles n’y mériteraient pas leur place au même titre que leurs confrères masculins. Loin d’avoir fait leurs preuves en matière d’égalité en emploi, ces mesures contribuent donc plutôt au maintien des travailleuses dans la précarité et à leur circulation perpétuelle.
La proposition du PL 51 d’élargir systématiquement la portée de ces mesures originellement pensées pour favoriser la présence des femmes aux « personnes représentatives de la diversité » — en mode one size fits for all et sans diagnostic préalable — soulève donc d’importants enjeux. Tel que l’a dénoncé ATF dans son mémoire soumis à la Commission de l’économie et du travail, cette approche rompt non seulement avec les principes censés guider la mise en place de réelles mesures d’accès à l’égalité (évaluer le système d’emploi relativement à chaque groupe ciblé, identifier les obstacles propres à chacun d’entre eux, déterminer des cibles réalistes et souhaitables, etc.), mais surtout, témoigne du rôle cosmétique qu’accorde le ministre du Travail à la « diversité ». Non seulement à aucun endroit, ni dans le mémoire qu’il a soumis au Conseil des ministres ni dans l’analyse d’impact réglementaire produite par son ministère, les mots « égalité » ou « discrimination » n’apparaissent, mais la motion pour faire entendre l’analyse d’ATF en consultations particulières de l’étude du projet de loi s’est vue fermement refusée par les commissaires de son parti8Étude détaillée du projet de loi n° 51, Loi modernisant l’industrie de la construction, 28 mars 2024. Voir le Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, Vol. 27, n° 49..
En misant uniquement sur l’intérêt des employeurs à recruter les personnes qu’il assimile à la diversité québécoise pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre, le PL 51 n’offre ainsi aucune garantie pérenne sur leur accès à l’égalité en emploi et leur capacité à affronter les effets des fluctuations économiques de l’industrie. Les mesures « diversitaires » du PL 51 sont en ce sens univoques de l’intention du ministre de pourvoir à l’exploitation d’une main-d’œuvre jetable. Elles visent sciemment à répondre à des besoins ponctuels créés par une surchauffe de l’industrie à laquelle le gouvernement a lui-même contribué — comme l’illustre le développement récent de la filière des batteries9Louis Cloutier, « Filière batterie : la Mauricie manquera de travailleurs de la construction », TVA Nouvelles, 9 décembre 2022, https://www.tvanouvelles.ca/2022/12/09/filiere-batterie-la-mauricie-manquera-de-travailleurs-de-la-construction.
En dérive, l’immigration au secours de la diversité
La vision instrumentale du gouvernement à l’égard de la diversité est rendue d’autant plus évidente qu’il prend soin de spécifier la définition qu’il entend des « personnes immigrantes » faisant partie des « personnes représentatives de la diversité de la société québécoise » : un résident permanent ou ressortissant étranger. Cette définition est, d’une part, restrictive, puisqu’elle exclut les personnes immigrées qui vivent sur le territoire et qui ont été naturalisées, et, d’autre part, extrêmement inclusive puisqu’elle considère comme personne immigrante toute personne relevant d’un autre État qui résiderait sur le territoire canadien. Elle inclut donc les personnes dotées d’un statut d’immigration non permanent, dont celles qui auraient été recrutées par les entreprises via le Programme de travailleurs étrangers temporaires (PTET).
Voilà plusieurs années que le ministre du Travail lorgne ce bassin de main-d’œuvre prospectif. Pensons à ses déclarations dans le cadre du lancement de l’Opération main-d’œuvre en 202110Conférence de presse concernant l’Opération main-d’œuvre du premier ministre François Legault, du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale et ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration Jean Boulet et de la ministre de l’Enseignement supérieur Danielle McCanne, 20 novembre 2021.). Il n’est donc pas surprenant de voir que le PL 51 prévoit des mesures afin d’aménager la législation conformément aux désirs des entreprises. En faisant implicitement des travailleur·euse·s temporaires des « personnes immigrantes » et, incidemment, des « représentants de la diversité » en vertu de la Loi, le PL 51 abat donc les dernières contraintes législatives qui restreignaient le recours au PTET.
En vertu des modifications réglementaires mentionnées précédemment, ces travailleur·euse·s recruté·e·s à l’international pourront désormais intégrer l’industrie de la construction sitôt que la disponibilité de main-d’œuvre enregistrée par la CCQ sera de 30 % ou moins pour le métier visé, peu importe les qualifications détenues ou leur reconnaissance formelle. Ielles seront aussi plus aisément « déplaçables » à l’échelle de la province, grâce aux dispositions du PL 51 qui prévoient l’octroi de critères de mobilité régionale préférentiels pour les femmes et les personnes représentatives de la diversité — avec tous les risques de ressac que cela suppose.
Le PTET est cependant un programme tristement célèbre en raison de ses effets délétères sur les conditions de vie et de travail qu’il impose aux travailleur·euse·s qui viennent travailler au Canada avec un permis de travail fermé, comme c’est le cas aussi dans le secteur agricole. Tel que le dénoncent des organisations locales de défense des droits comme le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI) depuis de nombreuses années, le fait que le permis de travail soit lié à un employeur unique renforce la vulnérabilité des travailleur·euse·s à différentes formes d’exploitation et de violations des droits que les organisations comme la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) peinent à endiguer véritablement11Voir par exemple Oona Barret, « Des travailleurs migrants dénoncent du travail forcé dans une usine », Pivot, 1er août 2023, https://pivot.quebec/2023/08/01/des-travailleurs-migrants-denoncent-du-travail-force-dans-une-usine-quebecoise. C’est pour cette raison que, en octobre 2023, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage de l’Organisation des Nations unies (ONU) intimait au gouvernement fédéral de mettre en place un meilleur accès à la résidence permanente12« Canada : Ancrer la lutte contre les formes contemporaines d’esclavage dans les droits de l’homme, demande un expert ONU », Communiqué de presse du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), 6 septembre 2023, https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2023/09/canada-anchor-fight-against-contemporary-forms-slavery-human-rights-un.
Dans le domaine de la construction plus particulièrement, une étude réalisée par Marie-Jeanne Blain et Lucio Castracani, en partenariat avec la CCQ et la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), démontrait pour sa part l’existence de liens ténus entre la croissance de l’immigration temporaire et l’apparition de « zones grises de l’industrie » où sont refoulé·e·s les travailleur·euse·s sans permis de travail pour effectuer des tâches illégales et dangereuses13Marie-Jeanne Blain et Lucio Castracani, Les obstacles et facteurs de succès à l’intégration et au maintien en emploi des personnes immigrantes dans l’industrie de la construction, Montréal : Centre de recherche et de partage des savoirs InterActions, Équipe de recherche ÉRASME et Savoirs Partagés, Octobre 2023.. Dans les autres provinces canadiennes, plusieurs cas d’abus graves impliquant des personnes migrantes détenant un statut d’immigration précaire ont ainsi été répertoriés14Michelle Buckley, Adam Zendel, Jeff Biggar, Lia Frederiksen et Jill Wells, Migrant Work & Employment in the Construction Sector, Genève: Bureau international du travail (BIT), 2016., ce qui a permis de justifier la mise en place d’un programme de régularisation pour les travailleur·euse·s de la construction « sans-papiers » dans la région du Grand Toronto par le gouvernement fédéral en 201915Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Politique d’intérêt public temporaire subséquente pour continuer à faciliter l’accès à la résidence permanente pour les travailleurs de la construction sans statut dans la région du Grand Toronto (RGT) – Prorogation, Ottawa : Gouvernement du Canada, 18 décembre 2023, https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/mandat/politiques-directives-operationnelles-ententes-accords/politiques-interet-public/residence-permanente-travailleurs-construction-sans-statut-rgt-prorogation.html.
À l’heure actuelle, les travailleur·euse·s temporaires forment une très faible minorité sur les chantiers du Québec — 0,5 % selon la CCQ — notamment parce qu’ils et elles sont sous-représenté·e·s dans le secteur par rapport aux autres secteurs d’activité18CCQ, Analyse provinciale des données sur les personnes immigrantes et résidents non permanents, recensement 2021 de Statistique Canada, Mars 2024.. Les modifications réglementaires prévues par le PL 51 ont cependant tout pour dérouler le tapis rouge du recrutement des travailleur·euse·s temporaires, et surtout, leur exploitation éhontée — au nom de la diversité — sur les chantiers du Québec. À cela s’ajoute les mesures implantées en vertu de l’entente Québec-Ottawa conclue en 2021, qui exemptent les employeurs d’obtenir une évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) pour la majorité des métiers de la construction et, par conséquent, de faire la démonstration de l’échec de leurs efforts de recrutement au niveau local.
Conclusion : des pistes de solution concrètes
« Dernier bastion de la masculinité »19Geneviève Dugré, Travailleuses de la construction, Montréal : Éditions du remue-ménage, 2006. ou encore « forteresse de béton armé »20Marie-Thérèse Chicha et Éric Charest, Le Québec et les programmes d’accès à l’égalité : un rendez-vous manqué ?, Montréal : Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CETUM), Avril 2013., les métiers et les occupations de l’industrie de la construction forment l’un des secteurs d’emploi les plus homogènes au Québec.
Le PL 51 manque cependant une occasion unique de progresser vers l’égalité de fait dans le secteur de la construction, une opportunité qui, compte tenu du rythme des réformes législatives, pourrait mettre encore plusieurs années à se matérialiser. Selon l’article 126.0.1 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (chapitre R-20), la CCQ est tenue de consulter la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) pour l’élaboration de ses mesures visant à favoriser l’accès, le maintien et l’augmentation du nombre des femmes dans l’industrie de la construction. Tel que l’observe ATF depuis plusieurs années, la CCQ adopte cependant une vision étroite de cette obligation, ce qui explique que bon nombre des mesures n’ont pas livré les effets escomptés en matière de représentativité des femmes. Une réforme de l’industrie de la construction axée sur la promotion de l’égalité et de la participation de tous·tes à la mise en œuvre des chantiers de demain devrait donc renforcer les mécanismes de reddition de comptes de la CCQ à l’égard de la CDPDJ. Elle devrait aussi pouvoir assurer la conformité des mesures qui sont mises en place pour les femmes et les groupes nouvellement ciblés aux cadres législatifs en matière d’accès à l’égalité en emploi et de droits de la personne.
L’assujettissement de l’industrie de la construction au Programme d’obligation contractuelle (POC), revendiqué depuis le début des années 1980 par ATF, est par ailleurs la manière qui permettrait au gouvernement d’agir de la façon la plus structurante sur l’accès à l’égalité en emploi dans l’industrie21L’application du POC à l’industrie de la construction fait consensus au sein des cinq organisations syndicales de l’industrie depuis de nombreuses année. Au lendemain du dépôt du PL 51, cet appui avait d’ailleurs été réitéré dans une lettre ouverte demandant au gouvernement Québecois d’intervenir en ce sens. Laurence Hamel-Roy, Katia Atif et Élise Dumont-Lagacé, « Des mesures de diversité qui tombent à plat et rien de plus pour les femmes avec le PL51 », Le Devoir, 14 février 2024, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/807865/idees-mesures-diversite-tombent-plat-rien-plus-femmes-pl51. L’introduction d’obligations contractuelles, dans une formule spécifique à l’industrie de la construction prenant en compte la petite taille de bon nombre d’entreprises et les chaînes de sous-traitance qui les lie, obligerait en effet les employeurs et leurs sous-traitants à adopter des pratiques de recrutement et d’embauches justes à l’égard des groupes sous-représentés, sous peine de sanctions en cas de non-conformité. Il s’agit d’un levier d’action effectif qui donnerait au gouvernement le pouvoir d’agir de façon systémique sur le secteur, tout en favorisant l’accès des individus historiquement concernés par la discrimination aux emplois les plus stables et rémunérateurs de l’industrie. En accord avec les principes de la Charte des droits et libertés de la personne, de telles obligations pourraient donc favoriser une vraie représentativité de la société québécoise sur les grands chantiers qui sont financés par l’État, et donc par l’ensemble des Québécois·e·s. Une véritable diversité sur les chantiers ne serait-elle pas le réel signe de l’entrée de l’industrie dans la modernité ?
Le manque de main-d’œuvre et la crise du logement ne devraient en outre pas nous détourner des considérations humanitaires qui sont censées être au cœur d’une politique d’immigration solidaire, inclusive et vectrice de richesses collectives. L’octroi de permis de travail ouverts, la régularisation du statut des personnes migrantes sans-papiers, l’accès facilité à la résidence permanente et la simplification des mécanismes de reconnaissance des qualifications et compétences acquises à l’étranger devraient ainsi apparaître en tête de liste de toute initiative visant à favoriser la présence des travailleur·euse·s issu·e·s de l’immigration sur les chantiers du Québec. Les projets d’infrastructures qui marqueront la prochaine décennie bénéficieront à l’ensemble des personnes qui résident sur le territoire; aucune raison ne justifie que les personnes qui les construisent ne soient pas également reconnues et protégées.
CRÉDIT PHOTO : Flickr/Peter Burka
1
Plan d’action pour le secteur de la construction, Québec : Gouvernement du Québec, Mars 2021.
2
Laurence Hamel-Roy, Élise Dumont-Lagacé et Sophie Pagarnadi, Maintien et stabilisation des travailleuses de la construction au Québec : une industrie à la croisée des chemins, Montréal : Action travail des femmes (ATF), 2023.
3
Ministère du travail, Analyse d’impact réglementaire : projet de loi modernisant l’industrie de la construction, Québec : Gouvernement du Québec, Janvier 2023, p. 25.
4
Particulièrement, celles contenues dans le Règlement sur la délivrance des certifications de compétence (r.5) et dans le Règlement sur le Service de référence de main-d’œuvre de l’industrie de la construction (r.14.1).
CCQ, Les femmes dans l’industrie de la construction – portrait statistique 2022, 2023.
7
Pour plus d’informations sur ces mesures, voir Laurence Hamel-Roy, Élise Dumont-Lagacé et Sophie Pagarnadi, Op. cit.
8
Étude détaillée du projet de loi n° 51, Loi modernisant l’industrie de la construction, 28 mars 2024. Voir le Journal des débats de la Commission de l’économie et du travail, Vol. 27, n° 49.
Conférence de presse concernant l’Opération main-d’œuvre du premier ministre François Legault, du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale et ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration Jean Boulet et de la ministre de l’Enseignement supérieur Danielle McCanne, 20 novembre 2021.
Marie-Jeanne Blain et Lucio Castracani, Les obstacles et facteurs de succès à l’intégration et au maintien en emploi des personnes immigrantes dans l’industrie de la construction, Montréal : Centre de recherche et de partage des savoirs InterActions, Équipe de recherche ÉRASME et Savoirs Partagés, Octobre 2023.
14
Michelle Buckley, Adam Zendel, Jeff Biggar, Lia Frederiksen et Jill Wells, Migrant Work & Employment in the Construction Sector, Genève: Bureau international du travail (BIT), 2016.
CCQ, Analyse provinciale des données sur les personnes immigrantes et résidents non permanents, recensement 2021 de Statistique Canada, Mars 2024.
19
Geneviève Dugré, Travailleuses de la construction, Montréal : Éditions du remue-ménage, 2006.
20
Marie-Thérèse Chicha et Éric Charest, Le Québec et les programmes d’accès à l’égalité : un rendez-vous manqué ?, Montréal : Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CETUM), Avril 2013.
21
L’application du POC à l’industrie de la construction fait consensus au sein des cinq organisations syndicales de l’industrie depuis de nombreuses année. Au lendemain du dépôt du PL 51, cet appui avait d’ailleurs été réitéré dans une lettre ouverte demandant au gouvernement Québecois d’intervenir en ce sens. Laurence Hamel-Roy, Katia Atif et Élise Dumont-Lagacé, « Des mesures de diversité qui tombent à plat et rien de plus pour les femmes avec le PL51 », Le Devoir, 14 février 2024, https://www.ledevoir.com/opinion/idees/807865/idees-mesures-diversite-tombent-plat-rien-plus-femmes-pl51
Traduction d’Alexandre Dubé-Belzile Cet article a été publié par nos partenaires de Colombie, la revue Kalivando.
Au fil des ans, les garanties prétendument fournies par l’ONU se sont grandement dégradées. En effet, il est inquiétant de constater que l’organisation semble dépassée, en plus d’être contrôlée par des pays puissants, et subordonnée aux impératifs d’un capital vorace qui marchandise tout. L’année 2023 a marqué le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, un document fondateur pour le monde occidental. Or, il est impératif de s’interroger sur la portée qu’il a de nos jours. Cette déclaration soi-disant universelle met de l’avant une conception de l’être humain inséparable des concepts de justice et de dignité. Elle est née des cendres de l’holocauste nazi. Évidemment, comme humanité, nous répudions ce génocide. Néanmoins et malheureusement, lorsque nous sommes aujourd’hui confrontés à des actes similaires, perpétrés contre le peuple palestinien, nous semblons en être peu indigné·e·s. Ce manque d’indignation est une caractéristique patente de la crise actuelle.
La Déclaration universelle des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU) est la pierre angulaire de la fondation de l’ONU en 1945, organisation dont la noble visée était de promouvoir la paix, la coopération entre les pays et la protection des droits fondamentaux. Au fil des ans, les garanties prétendument fournies par l’ONU se sont grandement dégradées. L’organisation semble dépassée, en plus d’être contrôlée par des pays puissants et subordonnée aux impératifs d’un capital vorace qui marchandise tout. La protection des droits de l’homme, essentielle à l’ONU, est compromise par son incapacité à relever des défis fondamentaux. Les massacres qui ont lieu impunément en Palestine, par exemple, sont la preuve de son impuissance.
Trois quarts de siècle après la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’heure est à la réflexion et à l’action collective pour que la vie et la dignité soient universellement respectées. L’humanité est confrontée à d’énormes défis, tels que l’accroissement des inégalités dans le monde et l’effondrement du climat, que les Nations unies semblent incapables de relever efficacement. Selon OXFAM, le 1 % des plus riches ont accumulé 63 % de la richesse produite dans le monde en 20201OXFAM, « Depuis 2020, les 1 % les plus riches ont capté près de deux fois plus de richesses que le reste de l’humanité », 1er janvier 2023, récupéré sur : https://www.oxfam.org/es/notas-prensa/el-1-mas-rico-acumula-casi-el-doble-de-riqueza-que-el-resto-de-la-poblacion-mundial-en (consulté le 16 février 2024). Il ne s’agit pas d’un accident, mais le résultat d’efforts concertés et de coercition. Cela constitue en soi un échec retentissant des idéaux de l’ONU, d’un monde « fondé sur le droit » qui respecte la justice sociale et environnementale.
Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et les récentes déclarations d’Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, la planète entame un effondrement climatique et il a déclaré sans mâcher ses mots : « nous avons déclenché l’enfer »2RTVE, « La ONU alerta a los líderes mundiales sobre el peligro del cambio climático: Hemos abierto las puertas del infierno », 20 septembre 2023, récupéré sur : https://www.rtve.es/noticias/20230920/onu-cambio-climatico-puertas-infierno/2456430.shtml (consulté le 16 février 2024), soulignant que les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat sont encore loin d’être atteints et l’inefficacité des 28 COP qui ont déjà eu lieu. Il s’agit là d’un autre grand échec de ces organisations à faire respecter les droits de la personne. Le récent rapport sur l’état d’avancement des objectifs de développement durable (ODD), édition spéciale, montre que plus de la moitié du monde accuse des retards, que les progrès sur plus de la moitié des objectifs sont faibles et insuffisants, et que, pour un tiers d’entre eux, on observe une stagnation ou même une régression. Or, ce sont des objectifs qui concernent des sujets essentiels tels que la pauvreté, la faim et le climat. Si nous n’agissons pas maintenant, l’Agenda 2030 pourrait devenir l’épitaphe d’un monde qui aurait pu être. Dans tous les cas, le rapport indique qu’il pourrait s’agir d’une promesse en péril. Les efforts déployés à ce jour à l’échelle mondiale ont été insuffisants pour obtenir le changement dont nous avons besoin, mettant en péril cet engagement pour les générations actuelles et futures3ONU, « La población refugiada y desplazada en el mundo alcanza los 110 millones de personas », 9 octobre 2023, récupéré sur : https://news.un.org/es/story/2023/10/1524752 (consulté le 16 février 2024).
L’étude intitulée Hunger Hotspots : Warning of Acute Food Insecurity est particulièrement intéressante. L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) y souligne que les conflits, les conditions climatiques extrêmes, la crise économique, la dette publique excessive, les effets de la pandémie de COVID-19 et les répercussions de la guerre en Ukraine plongent des millions de personnes dans la pauvreté et la faim aux quatre coins de la planète4FAO, Hunger Hotspots, janvier 2023, récupéré sur : https://www.fao.org/3/cc0364en/cc0364en.pdf (consulté le 16 février 2024). OXFAM prévient également que 700 millions de personnes dans le monde pourraient être déplacées en raison de graves pénuries d’eau d’ici 2030.
Pendant ce temps, la population mondiale de réfugiés et de personnes déplacées dépasse les 110 millions de personnes et continue d’augmenter5Op. cit., note 4. La nécessité d’aider les personnes qui ont été forcées de tout quitter pour sauver leur vie s’accroît et l’agence des Nations unies pour les réfugiés qui leur fournit un accompagnement et un soutien ne dispose pas de ressources suffisantes pour répondre à l’ampleur des besoins. Rien ne change en ce qui concerne les droits de l’enfant : quelque 400 millions d’enfants, soit environ 20 % de la population mondiale, vivent dans des zones de conflit ou les fuient. Le Comité des droits de l’enfant souligne aussi le degré des brutalités perpétrées à Gaza. Il faut indéniablement en faire plus pour défendre les droits des enfants dans un monde de plus en plus menacé par les conflits, l’appauvrissement et les répercussions de la crise climatique6ONU. (20 de noviembre de 2023). « Los derechos de los niños están en peligro 34 años después de la adopción del tratado para protegerlos », récupéré sur : https://news.un.org/es/story/2023/11/1525812 (consulté le 16 février 2024).
En 2023, l’ONU a fonctionné avec un déficit de 650 millions de dollars et l’année 2024 ne s’annonce pas mieux, selon le chef de l’agence, qui indique que les conflits sont la principale cause de fuite des populations7ONU. (9 de octubre de 2023). « La población refugiada y desplazada en el mundo alcanza los 110 millones de personas », récupéré sur : https://news.un.org/es/story/2023/10/1524752 (consulté le 16 février 2024), tandis que les investissements visant à accroître la capacité de guerre et de destruction des pays puissants augmentent de manière exorbitante. La méfiance croissante et la désinformation s’ajoutent à ce sombre tableau. Les médias polarisent la société et paralysent les communautés. La science est attaquée et les mesures de sauvetage économique pour les plus vulnérables arrivent trop lentement ou n’arrivent pas du tout, sous la forme d’un crédit qui étouffe les gens et leurs générations futures. La discrimination raciale et ethnique reste un problème dans de nombreux pays, avec une discrimination et une violence systématiques fondées sur la race ou l’appartenance ethnique. La liberté d’expression est soumise à des restrictions. Les journalistes, les militants et les détracteurs du gouvernement faisant l’objet de menaces, d’arrestations, de censure et même d’élimination physique.
La répression politique gagne du terrain dans le monde entier alors que l’Occident s’obstine à entraîner le monde dans de nouvelles guerres : l’Ukraine, la bande du Sahel en Afrique, le déploiement d’armes de destruction massive dans le Pacifique, de nouveaux territoires de tension et d’intérêts géopolitiques particuliers. Enfin, pour terminer cette année 2023, nous assistons à un génocide télévisé. Israël, les Etats-Unis et l’Europe se rapprochent dans leur dessein destructeur et irrationnel, générant des souffrances extrêmes, sans que les États « garants des droits » ne prennent une position forte pour empêcher cette tragédie.
Les droits de la personne, le droit international humanitaire, le monde fondé sur des règles, le concept d’État et, somme toute, les fondements de la modernité ne semblent plus avoir de sens au regard de toute cette barbarie effrontée. Non seulement des milliers d’êtres humains qui n’ont rien à voir avec le conflit sont anéantis, mais tout un peuple et toute une culture menacent d’être détruits, sans parler des survivant·e·s qui sont affamé·e·s et contraint·e·s de vivre dans des conditions sanitaires déplorables. Un rapport récent prédit une famine sans précédent à Gaza si le conflit se poursuit8FAO, « Gaza frente al hambre: nuevo informe pronostica una hambruna si el conflicto continúa », 21 décembre 2023, récupéré sur : https://es.wfp.org/noticias/gaza-frente-al-hambre-nuevo-informe-pronostica-una-hambruna-si-el-conflicto-continua (consulté le 16 février 2024). Il ne s’agit de rien de moins qu’une attaque contre l’humanité, mais il est difficile de reconnaître cette réalité sans d’abord reconnaître les espoirs de transformation qui animent les peuples. L’Amérique latine, sa diversité et ses peuples en fournissent de nombreux exemples. L’ère des peuples est arrivée. Il est temps que, de l’Amérique latine, émergent, dans toute leur diversité, des luttes conscientes pour la défense de l’eau, des coutumes, de la vie et du territoire.
L’anniversaire de ces 75 ans doit marquer le début de quelque chose de différent et de cohérent dans la recherche d’un monde plus juste et plus équitable. Nous sommes peut-être la dernière génération qui a encore la possibilité de transformer les relations que nous entretenons les uns avec les autres pour qu’elles se développent dans le respect, l’équité et la dignité. La survie de la vie et de l’espèce humaine sur la planète en dépend
ONU, « La población refugiada y desplazada en el mundo alcanza los 110 millones de personas », 9 octobre 2023, récupéré sur : https://news.un.org/es/story/2023/10/1524752 (consulté le 16 février 2024)
ONU. (20 de noviembre de 2023). « Los derechos de los niños están en peligro 34 años después de la adopción del tratado para protegerlos », récupéré sur : https://news.un.org/es/story/2023/11/1525812 (consulté le 16 février 2024)
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ONU. (9 de octubre de 2023). « La población refugiada y desplazada en el mundo alcanza los 110 millones de personas », récupéré sur : https://news.un.org/es/story/2023/10/1524752 (consulté le 16 février 2024)
Lorsqu’il est question d’analyser une œuvre littéraire à travers ce qui l’a inspirée, il arrive parfois que rechercher dans la vie de son créateur ou de sa créatrice ne soit pas suffisant. Sous un plan plus large, il est tout à fait possible, sinon intéressant, d’étudier l’œuvre en question à travers la culture d’où provient l’écrivain ou l’écrivaine. À ce titre, l’analyse des mangas, bandes dessinées que l’on connait que depuis quelques décennies en Occident, s’avère intéressante.
Venant de loin, tout droit du pays du soleil levant, les mangas sont remplis de codes sociaux et culturels différents de ceux retrouvés au Canada. Compte tenu des enjeux féministes qui entourent la société canadienne actuelle, la représentation du personnage féminin dans ces bandes dessinées paraît notamment fort attrayante. Pour donner un ordre d’idée des différences entre société québécoise et société japonaise, il semble adéquat de fournir quelques statistiques concernant les conditions des femmes dans ces deux nations. Ces données se réfèrent au taux d’égalité entre les hommes et les femmes couvrant quatre éléments : politique, économie, éducation et santé. Selon le rapport du Forum économique mondial, le Japon se situe à la place 116 sur 156 pays, par rapport à la 25e place pour le Canada. D’une autre part, la proportion de femmes au parlement fédéral japonais est éloquente : en 2020, les femmes n’étaient présentes dans cette institution qu’à hauteur de 10 %, contre 29 % chez le parlement canadien la même année. Autre fait saillant : le contexte difficile des femmes sur le marché du travail japonais, surtout pour celles qui se retrouvent enceintes.
Le média belge RTBF résume la situation ainsi : « Au Japon, 40 % des femmes enceintes ou de retour de congé de maternité se disent victimes de harcèlement moral et 60 % des femmes enceintes quittent leur emploi avant même le début de leur congé de maternité, tellement on leur mène la vie dure dans leur entreprise du fait de leur grossesse. » Malheureusement, les agressions sexuelles dans différents contextes ne sont pas en reste : par exemple, selon franceinfo, au moins deux femmes sur trois de 20 à 40 ans ont déjà subi du harcèlement dans les transports en commun. Rappelons tout de même que le Japon est « entre tradition et modernité », pour citer le proverbe associé à ce pays. En cela, les mœurs archaïques se mêlent à un fort développement technologique et industriel. Cette pression sur les femmes est traditionnelle. Le site web spécialisé dans la culture japonaise FuransuJapon évoque la place de la femme dans le cadre familial de cette manière : « Lorsqu’elle est jeune, elle se soumet à son père ; lorsqu’elle est mariée, elle se soumet à son mari ; lorsqu’elle est vieille, elle se soumet à ses fils. » Parlons de la question du contexte. Béatrice Malleret, dans son article « Le paradoxe de la valeur de l’art » publié dans la revue Le Délit, écrit : « À la contemplation d’une œuvre d’art se joint généralement un questionnement sur son contexte historique ainsi que ses motivations politiques, religieuses ou culturelles. » Dès lors, la place des personnages féminins dans les bandes dessinées du Japon sera semblable à la place des femmes dans la société japonaise. Bien évidemment, la situation est complexe, car les données présentées antérieurement, qui brossent un portrait peu égalitaire de la vie réelle quotidienne, ne sont pas nécessairement représentatives de ce qui peut être remarqué dans les mangas. Le sujet est nuancé. C’est justement ce qui vaut le coup d’en dédier un texte afin d’analyser la place de la femme dans les mangas.
Des catégories de mangas pour tout le monde
Depuis la création des bandes dessinées japonaises dans les années 1960 par Ozamu Tezuka, homme surnommé le « père du manga », ce type d’œuvre a su se développer et se diversifier au point où aujourd’hui ces livres se partialisent en plusieurs genres. Ces divisions ont pour objectif non seulement de catégoriser les mangas, mais également de faire en sorte qu’un type d’œuvre puisse être adapté à un type de public. C’est ainsi que sont nés les principaux genres shōnen (garçon), shōjo (fille), seinen (jeune homme) et josei (jeune femme).
Ainsi, ce qui vient en tête lors de l’évocation de ces catégories, c’est l’idée que ces dernières s’adressent à la fois à un âge et à un genre précis.
Cette catégorisation donne l’impression que les intérêts des filles et des femmes diffèrent de ceux des garçons et des hommes. In fine, c’est inévitablement la manière d’écrire les personnages féminins qui changera selon si la personne qui lit le manga est de sexe masculin ou féminin.
Une hypersexualisation critiquable des femmes
Qu’est-ce qui caractérise la puberté chez les garçons ? Par l’apparition des hormones, bien des phénomènes surgissent, dont celui de l’augmentation de la pilosité et de la masse musculaire. Autre point fondamental, l’éveil de la sexualité. Ainsi, lorsqu’il est question de dessiner les mangas pour le jeune public masculin, c’est évidemment une hypersexualisation des personnages féminins qui se reflètera, en plus d’une adaptation aux normes japonaises de beauté. Dans ce cas de figure, nombreuses seront les femmes et les filles, personnages principaux ou secondaires, qui se verront dotées d’un tour de poitrine supérieure à la moyenne. Le culte de la minceur sera bien sûr également appliqué, montrant qu’une taille élancée est obligatoire pour se faire accepter par la gent masculine. L’un des exemples les plus frappants : le personnage d’Alvida dans One Piece. D’abord, un synopsis de l’œuvre : ce manga raconte l’histoire de Monkey D.Luffy, jeune homme souhaitant un jour devenir le roi des pirates à travers un contexte sociopolitique de piraterie. Dans ce monde, il existe des fruits du démon, aliments qui permettent, si ingérés, de donner à son utilisateur ou son utilisatrice un pouvoir unique. Alvida, capitaine d’un équipage de pirates, apparaît au début du manga comme grosse et laide. Son apparence physique est tout aussi mauvaise que sa personnalité, cruelle et colérique. Elle mange alors le fruit du Glisse-Glisse, qui permet d’avoir un corps très glissant, c’est-à-dire de posséder une peau sur laquelle les balles de pistolets ricochent. Sa personne change du tout au tout : elle devient alors mince et belle. Bien sûr, cela relève de la pure fantaisie qu’un corps glissant soit mince et beau. Sa personnalité va même devenir moins désagréable, tout en gardant son statut d’antagoniste à travers le scénario. Plus généralement, les personnages féminins de cette œuvre sont tous sveltes, à quelques exceptions près. A contrario, les personnages masculins connaissent des profils physiques très diversifiés, du plus musclé au plus gras. On pourrait rétorquer qu’il s’agit là du style de l’auteur, Eiichiro Oda. Or, il n’y a aucune explication réaliste et scientifique d’une telle standardisation chez les femmes de cette bande dessinée. En réalité, l’explication n’est pas tant en lien avec les auteurs de shōnen.
Ces derniers ne veulent pas nécessairement donner une visibilité à leur propre idéal de beauté de la femme, mais ils obéissent plutôt à des normes de vente dans le milieu du manga, en particulier dans celui de ce genre. L’idée est que le manga n’est pas seulement une œuvre artistique, mais également un produit commercial. Pour qu’il puisse se vendre le mieux possible, il faut attirer l’œil. La majorité des garçons qui consomment ces BD étant hétérosexuels, c’est bien sûr la vue de dessins garnis de femmes et filles aux formes généreuses (tout en restant minces) qui garantira un bon taux de vente.
Des mauvais modèles dans les mangas pour filles
Comme écrit précédemment, le mot shōjo signifie « fille ». Il est donc logique de voir que le public cible sera composé de jeunes filles et d’adolescentes. Si dans les mangas pour garçons le scénario se tourne vers des histoires d’aventures et d’action, avec un héros faisant face à mille et une péripéties, alors dans le cas des mangas pour filles, c’est tout un autre contexte qui se met en place. L’héroïne de l’œuvre va plutôt faire face aux aléas des amours de jeunesse.
Les schémas scénaristiques tournent généralement autour des situations suivantes : alors que la protagoniste mène une vie tranquille à l’école, un beau garçon débarque comme nouvel élève dans la classe. Celui-ci va alors être épris de curiosité pour la fille en question.
Ce genre de manga traduit les projets d’avenir que doivent alors avoir les filles. Dans son dossier Mariage japonais : les femmes dans l’impasse ?, le webzine Journal du Japon révèle ceci : « les hommes ont […] moins de pression, mais les femmes, elles, sont toujours assez mal considérées lorsqu’elles ne se marient pas. » Par conséquent, on peut deviner que la fiction, du moins avec les mangas, prépare les jeunes filles à leur réalité sociale, c’est-à-dire l’appui d’un second protagoniste fort attirant augmentant cette pression à se mettre en couple à l’âge adulte.
Le sexisme est enraciné dans la société japonaise. On peut prendre par exemple la différence de salaire entre les hommes et les femmes. Selon le site nippon.com, le salaire mensuel des femmes correspond à 75,7 % de celui des hommes. D’un point de vue historique, cette inégalité provient du Code civil de l’ère Meiji de 1898, qui donne aux femmes le simple statut de cheffes de foyer. Ainsi, bien des qualificatifs négatifs seront retrouvés chez les héroïnes de shōjo. Dans son article Mangas et Féminisme : L’Héroïsme Féminin dans les Mangas, Gaëlle Bordier écrit ceci à propos des personnages féminins dans ces mangas : « les héroïnes sont souvent représentées comme froussardes, étourdies, maladroites, émotives, etc. ». Par cette identification vient un autre message envoyé à la jeune fille : non seulement doit-elle penser à se marier dans un avenir proche, mais en plus il serait nécessaire qu’elle adopte une personnalité fragile pour plaire à l’homme avec lequel elle sera en couple.
Les créatrices de « mangas pour jeune homme » imposent leur présence
La principale différence entre les deux genres analysés précédemment et les seinen et josei se trouve dans l’âge du public visé. Dès lors, les thématiques deviennent peu à peu tournées vers des enjeux du début de la vie d’adulte, surtout dans le seinen (jeune homme). Cependant, un problème se pose lorsqu’on connait la signification de seinen et les histoires des mangas de ce genre. L’idée est que, dans bien des cas, les scénarios ne sont pas particulièrement masculins, mais plutôt « non genrés », a contrario où les mangas pour garçons abordent des thèmes masculins selon la société, tels les combats et l’aventure. Il s’agit bien là d’un souci puisqu’il est difficile de comprendre pourquoi des thèmes parlant aux individus des deux genres se retrouvent dans des œuvres catégorisées pour hommes.
Les femmes, bien que souvent incarnant des personnages secondaires, ne sont pas particulièrement associées à des clichés sexistes ou dégradants. Il s’agit d’une nette amélioration par rapport aux types de mangas destinés aux adolescents et adolescentes. Au contraire, dans certains cas, c’est plutôt une affirmation féministe, ou au moins antisexiste, qui se révèle dans les seinen. Ce phénomène est dû à une proportion plus élevée de femmes chez les auteurs de seinen. Le cas le plus parlant de ce phénomène semble être Bride Stories, manga publié en 2008 et racontant principalement les péripéties d’Amir, jeune femme d’Asie centrale du XIXe siècle, mariée à un garçon de huit ans plus jeune qu’elle. Plusieurs autres personnages féminins apparaissent dans l’histoire, mais aucun ne doit obéissance à un homme. La scénariste et dessinatrice de ce manga, Kaoru Mori, est connue à la base pour Emma, manga primé en 2005 au Japan Media Arts Festival. Si cette présence de femmes fortes se fait tant ressentir, c’est bien parce que c’est une femme qui tient les crayons. Son indépendance par rapport aux autres dessinateurs de seinen est démontrée dans sa façon d’écrire ses mangas. Pour être plus précis, elle a comme habitude de présenter les personnages féminins sur le même plan d’importance que les personnages masculins. Les femmes ont droit à autant de bulles de dialogues que les hommes. De plus, ces personnages féminins n’obéissent pas aux mêmes archétypes que dans les mangas de type shōjo. C’est-à-dire qu’ils ne pensent pas toujours à l’amour ou à se marier. Cependant, le nombre grandissant de dessinatrices de mangas ne prémunit pas des représentations douteuses de personnages féminins.
Des carcans encore présents
Qu’en est-il du josei ? Y voit-on une version adulte des thématiques du shōjo ? Dans bien des cas, la réponse est oui. Selon Kinko Ito, diplômée de sociologie à l’université d’État de l’Ohio, il existerait trois types de josei : les drames, les fantaisies romantiques et la pornographie. Dans les trois cas, on retrouve une reproduction des rapports sociaux inégalitaires entre les hommes et les femmes au Japon. Dans les drames, ce sont des femmes au foyer, des office lady et des cols roses qui apparaissent comme personnages féminins. Ces dernières représentent la place de la femme sur le marché du travail japonais il y a de cela quelques décennies, voire encore aujourd’hui. Pour les fantaisies romantiques, l’archétype de la jeune femme rencontrant le prince charmant sera souvent visible, comme dans de nombreux films Disney. Mais c’est à travers la pornographie que le côté patriarcal de la société japonaise se fait beaucoup ressentir : en plus de la mise en place de pratiques sexuelles extrêmes telles que le sadomasochisme et l’inceste, on trouve avant tout une image de la femme soumise. Il y a l’idée de l’épouse obéissant aux désirs sexuels de son mari, celle-ci n’ayant pas le droit de refuser. Rien d’étonnant si l’on regarde les statistiques ayant enregistré 115 000 cas de violences conjugales en 2019, selon un article d’août 2020 du journal Libération. Heureusement, comme il sera vu, une maison d’édition européenne a su apporter plus de parité et de respect au sein des mangas.
Briser les codes
Jusqu’à maintenant, il a été abordé des genres existant depuis déjà bien des années dans le monde de la bande dessinée japonaise. Or, les éditions Ki-oon, maison d’édition française consacrée aux mangas, a créé en décembre 2016 le genre kizuna, catégorie dont le but est de fédérer un lectorat universel. Le site de cette maison décrit leur création ainsi : « Homme ou femme, jeune ou moins jeune… quelle que soit son histoire personnelle, chacun trouvera dans les titres de la collection Kizuna de quoi nourrir sa curiosité et son imaginaire ! »
Conséquemment, l’objectif de Ki-oon, en plus de se distancer des différences d’âge, est de développer un type de manga non genré. Les raisons de ce projet sont donc de se débarrasser des codes existants, question de produire un environnement plus moderne pour le lectorat des mangas d’aujourd’hui. Deux des titres de cette catégorie, Reine d’Égypte et Isabella Bird, femme exploratrice, mettent en avant des personnalités féminines fortes, sans que celles-ci soient nécessairement liées à des thématiques féminines. Dès lors, c’est bien à la fois aux femmes et aux hommes que s’adressent ces œuvres. Dans toute société sexiste et patriarcale, les domaines traditionnellement masculins sont difficiles d’accès pour les femmes. La création de mangas n’échappe pas à la règle. L’un des cas les plus marquants concerne la créatrice du manga shōnen Full Metal Alchemist, Hiromu Arakawa. Le site Mega-Force donne plus de détails à ce sujet : « De son vrai nom Hiromi Arakawa, la raison de son changement de prénom avait été dans le but que ses lecteurs ne sachent pas qu’elle est une femme, elle avait peur que ceux-ci ne lisent pas ses mangas s’ils l’apprenaient. » Cette dessinatrice a commencé le métier de mangaka en 2001. Il faut savoir qu’il y a de cela 20 ans la situation des dessinatrices de manga était encore moins bonne que maintenant. On peut imaginer qu’Hiromi Arakawa a dû faire face à bien des difficultés au début de sa carrière. Pour résumer la situation actuelle, l’univers des mangas est moins sexiste qu’auparavant en ce qui concerne le nombre de dessinatrices par rapport à celui de dessinateurs : de plus en plus d’autrices s’affichent, notamment dans la catégorie des shōnen. On peut par exemple citer Demizu Posoka pour The Promised Neverland ou Kazue Kato pour Blue Exorcist. C’est aussi surtout chez les shōjo que les figures féminines sont présentes : il faut dire qu’elles sont dans cette catégorie depuis les années 1960, alors que c’étaient paradoxalement les hommes qui figuraient autrefois auteurs dans ce genre. Malgré ces changements, il reste encore du chemin à parcourir pour les femmes créatrices de mangas, car elles doivent déconstruire le modèle patriarcal qui prédomine dans ce domaine.
Des mangas plus égalitaires à l’avenir
Question de bien récapituler l’état des choses, la situation de la femme dans les bandes dessinées japonaises actuelles n’est pas très reluisante. Cette problématique prend forme dans toutes les catégories du manga, allant du shōnen au josei. De nombreux clichés sexistes persistent encore. Des avancées sont aperçues, notamment à travers la représentation notoire d’autrices et dessinatrices de mangas, lesquelles vont non seulement déconstruire les genres, mais également s’imposer progressivement dans un monde dominé par les hommes. Après tout, le même phénomène se produit dans la vie quotidienne des femmes de la société japonaise. Le Japon a beau figurer parmi les pays ayant la plus faible égalité des genres dans les statistiques, il existe tout de même des revendications féministes qui font avancer les choses. De nos jours, en 2023, la façon d’écrire les femmes dans la fiction devrait prendre un tournant plus progressiste. La présence de plus en plus imposante de dessinatrices de mangas est la preuve que la situation peut changer. Il suffirait que les maisons d’édition japonaises de mangas s’inspirent de ces femmes pour qu’à l’avenir les clichés sexistes ne se retrouvent plus dans les bandes dessinées japonaises. Il se verrait alors une figure beaucoup plus moderne de la femme.
CRÉDIT IMAGE: JSK/ Pixabay
[1] nippon.com. Classement mondial 2022 sur l’égalité des sexes : le Japon très loin derrière la France et le Canada [https://www.nippon.com/fr/japan-data/h01385/] (consulté le 9 février 2023)
[11] Kinko Ito, « The World of Japanese Ladies’ Comics : From Romantic Fantasy to Lustful Perversion », The Journal of Popular Culture, Wiley-Blackwell, vol. 36, no 1, août 2002 (consulté le 23 février 2023)