par Simon Bernier | Août 21, 2014 | Analyses, Économie, International
« Clairement, le football représente l’espoir, le football représente la joie, le football représente la réussite, le football représente le progrès pour beaucoup de gens sur ce continent » – Danny Jordaan, président du comité d’organisation de la Coupe du Monde 2010 et ancien militant anti-apartheid
La Coupe du Monde 2014 est maintenant chose du passé. Sur tous les continents, des millions d’individus ont observé les prouesses de ces joueurs d’élites. Cet événement se démarque dans le paysage médiatique par sa popularité : le football est le sport le plus répandu et populaire sur la planète. La Fédération internationale de football association (FIFA), organisatrice de l’événement, le promeut comme un symbole d’union mondiale, comme un vecteur de paix. Le « lâché des colombes », symbole de paix universellement connu, en début de tournoi en est une démonstration évidente. Autre indice significatif : le logo de la Coupe du Monde 2014 représente trois mains unies autour d’un ballon de football. Le slogan choisi pour le tournoi? »Juntos num só ritmo » (Tous sur le même rythme). En plus d’être un symbole de paix, le tournoi serait aussi une opportunité de prospérité économique pour les pays hôtes. Selon les organisateurs, le tournoi est donc bénéfique pour la stabilité et l’épanouissement de la planète entière, tout en créant des retombées économiques qui vont profiter à tous-tes les citoyen-ne-s du pays hôte.
Cette vision de la Coupe du Monde est cependant critiquée par nombre d’observateurs pour qui les compétitions mondiales sportives n’améliorent aucunement les relations internationales ou infranationales. D’autres considèrent que les retombées économiques se retrouvent surtout dans les poches de la FIFA, des sponsors et de grandes compagnies nationales. Nous y reviendrons plus tard.
Coupe du Monde de la FIFA : vecteur de paix et de prospérité
Pour la FIFA et le gouvernement brésilien, la Coupe du Monde est une occasion d’ « appeler les gouvernements, la société civile, la communauté du football, les participants et les supporters à réaffirmer l’importance de la promotion de la paix et de la lutte contre toutes les formes de discrimination durant la compétition et au-delà ». (1) Maria Nazareth Farani, représentante permanente du Brésil auprès de l’ONU, considère que la Coupe du Monde peut contribuer « de façon significative à l’économie du pays ainsi qu’aux objectifs du Millénaire pour le développement » (réduction de la pauvreté, de la mortalité infantile etc.). (2) Comme mentionné précédemment, la campagne publicitaire mise de l’avant invoque régulièrement ce désir de créer un monde plus juste et plus tolérant. D’ailleurs, cette Coupe du Monde innove par rapport aux éditions précédentes par l’introduction d’une poignée de main de paix entre les capitaines des deux équipes adverses au début ainsi qu’à la fin de chaque match.
Certes, il est un peu paradoxal qu’un événement qui invite les pays à s’affronter entre eux soit promu comme un vecteur de tolérance et de paix. Pierre de Coubertin, le père des jeux Olympiques modernes, croyait que le sport pouvait canaliser ce nationalisme dans le cadre d’une compétition pacifique afin de réduire les violences entre les états. (3) Le politicologue américain Andrew Bertoli avance que cette idée est basée sur la « théorie du catharisme », théorie qui proviendrait originellement de Sigmund Freud dont l’idée fondamentale est qu’il existe chez l’humain des pulsions agressives qui doivent être exprimées de façons contrôlées. Autrement dit, les compétitions sportives permettent aux participant-e-s et à leurs compatriotes d’évacuer leurs pulsions agressives dans un environnement contrôlé. Cette « idée que les sports peuvent canaliser l’agressivité est régulièrement affirmée par des reporters, par des académiciens et par politiciens. » (4)
Une autre théorie, qui se base en partie sur le néofonctionalisme, défendue par la classe académique est l’idée que lorsque les pays se réunissent dans le cadre d’une compétition mondiale, ils développent une capacité de collaboration sur d’autres facettes de leurs relations internationales. (5) Malgré la nature antagoniste de la compétition sportive, une reconnaissance mutuelle des règles d’engagement est nécessaire entre les participants. Plusieurs rencontres sportives entre pays ennemis ont eu lieu au courant du 20e siècle dans le but d’harmoniser les relations, comme les parties de ping-pong entre la Chine et les États-Unis dans les années 1970, la Série du Siècle entre l’URSS et le Canada, etc. C’est à travers ce paradigme que la FIFA se perçoit comme un agent actif pour la paix : en confrontant les pays dans un environnement sain, elle permet un contact direct entre les nations. Comme le disait Barack Obama en 2009 : « La compétition pacifique entre les nations représente ce qu’il y a de meilleur à propos de l’humanité. Elle nous rassemble, ne serait ce que pour quelques semaines, face à face. Elle nous aide à comprendre l’autre un peu mieux. C’est un très puissant point de départ pour le progrès. (Traduction libre) » (6) Six organisations continentales et 209 organisations nationales de football font partie de la FIFA, qui se positionne ainsi comme un modèle de gouvernance mondiale. L’ancien directeur des relations internationales de la FIFA, Jérôme Champagne, n’hésitait pas en 2010 à faire un parallèle entre les problèmes socio-économiques de la planète et ceux avec lesquels doit composer la FIFA : « Le football pose des questions qui ne sont pas moins importantes que celles qui se posent pour le monde en matière de gouvernance. La crise financière de 2008, l’échec de Copenhague sur l’environnement […] sont les preuves que le monde doit se doter d’organes de gouvernance centralisés ». M. Champagne renchérit en déclarant que « s’il y avait une FIFA de l’eau […] le problème des puits et de l’eau en Afrique aurait été réglé depuis longtemps! ». La FIFA considère ainsi qu’elle joue un rôle important pour l’avenir de la société mondiale. (7)
Aussi, l’impact positif des retombées économiques sur les pays hôtes est souvent vanté par les organisateurs comme un bienfait de la tenue de la Coupe du Monde. L’événement attire un grand nombre de touristes, provoquant un influx de capitaux dans le pays. Itau Unibanco, l’une des principales banques brésiliennes, avait prédit dans un rapport publié en juillet 2011 que le PIB du Brésil augmenterait de 1,5% pour l’année 2014 en plus de créer 250,000 emplois. (8) L’impact économique se répercuterait également dans les investissements dans les grandes infrastructures du pays qui vont profiter aux Brésilien-ne-s pour les prochaines décennies. Bref, il s’agirait d’un enrichissement collectif qui peut aider à l’augmentation du niveau de vie des citoyen-ne-s du pays.
Nationalisme et sport : un cocktail explosif ?
Cette vision idéaliste de la Coupe du Monde est-elle réaliste ?
Plusieurs académicien-ne-s contestent l’idée que les rencontres sportives mondiales peuvent influencer de manière positive les relations internationales. Nombre d’études et de recherches ont établi une corrélation entre la tenue d’une rencontre sportive et l’augmentation d’actes de violence ou encore la promotion d’un discours public haineux. L’écrivain Georges Orwell, après avoir constaté la conduite antisportive des joueurs impliqués en 1945 dans une série de matchs entre l’Angleterre et l’URSS, déclara que : « sur le terrain du village, où l’on choisit son équipe et où il n’existe pas de sentiment de patriotisme local, il est possible de jouer pour le simple plaisir de la chose : mais lorsqu’il est question de prestige, lorsque vous sentez que vous et quelque chose de plus que soi pourrait être humilié par une défaite, les sentiments combatifs les plus sauvages apparaissent ». Orwell réfute l’idée de Pierre de Coubertin : le sport ne canalise pas le nationalisme, il l’exacerbe. Lorsqu’un-e membre d’une nation craint la défaite, crainte ressentie par tous-tes ses compatriotes, le jeu prend des allures de guerre. Le football dépasse ainsi les limites du stade et peut avoir des répercussions à l’extérieur du terrain de jeu. Il sera par exemple l’élément déclencheur d’un conflit armée entre deux pays d’Amérique centrale. (9)
Entre 1900 et 1966, un nombre croissant de Salvadorien-ne-s ont émigré vers le Honduras à la recherche de terres agricoles (le Honduras ayant un plus grand territoire avec une population moindre). Cela créa une concurrence entre les paysan-ne-s pour l’accès à la terre. Une collaboration entre la compagnie américaine United Fruit Company et des paysan-ne-s Hondurien-ne-s va naitre dans le but de faire pression sur le gouvernement local afin de récupérer les terres sous le contrôle de paysan-ne-s Salvadorien-ne-s. C’est pourquoi en 1967 le gouvernement du Honduras commence à retirer des terrains aux Salvadorien-ne-s pour les donner à des citoyen-ne-s né-e-s au Honduras. Cette politique provoque une crise diplomatique et une augmentation de gestes racistes entre Salvadorien-ne-s et Hondurien-ne-s. C’est dans ce contexte particulier qu’a eu lieu une série de matchs de qualifications pour la Coupe du monde 1970 opposant les deux pays. Au cours de la nuit précédant le premier match, une foule de Hondurien-ne-s encercla l’hôtel où dormaient les joueurs de la sélection salvadorienne. Ils firent du bruit durant toute la nuit afin d’empêcher les joueurs de dormir, influençant probablement le score de la partie (le Salvador perdit 1-0). Lors du match retour, maintenant au Salvador, les partisans de l’équipe nationale ont renchérit en imitant leurs voisins, pour ensuite s’attaquer à des partisans Hondurien-ne-s présents dans le stade. La pression augmente sur les deux gouvernements à mesure que les actes de violences s’intensifient. Le 14 juillet 1969, le Salvador envoie sa force aérienne bombarder des cibles militaires honduriennes, marquant le début du conflit armé. « La guerra del fútbol » n’aura duré que quelques jours, le Salvador ayant accepté le cessez-le-feu suite aux menaces de sanctions par l’Organisation des États américains. Elle aura toutefois conduit à la perte de 3000 vies humaines et au brusque retour de dizaines de milliers de Salvadorien-ne-s au pays, déstabilisant l’économie locale et s’établissant comme une cause de la guerre civile salvadorienne (1979-1992). (10) (11) Certes, les affrontements entre les deux équipes nationales ne sont pas la véritable raison de la guerre, mais ils ont été un catalyseur qui a permis aux deux nations de canaliser leur haine, provoquant une augmentation dramatique d’actes de violence qui ont dégénéré en conflit armé. Plus récemment, les matchs de qualifications pour la Coupe du Monde 2010 entre l’Algérie et l’Égypte ont également donné lieu à de violents affrontements sur le terrain et dans les rues. Ceux-ci seront repris par les politicien-ne-s locaux-ales en mal de popularité, jetant la responsabilité des violences sur le pays rival. (12) Chaque match entre les deux équipes sera accompagné d’émeutes et d’actes de violence entre partisan-ne-s opposé-e-s. Et ce ne sont que quelques exemples de matchs internationaux ayant mené à des conflits. (13) (14)
Au final, il est souvent difficile d’évaluer l’impact politique de ce type d’événement. Par exemple, il est impossible de savoir si la « guerre du foot » entre le Salvador et le Honduras aurait quand même eu lieu sans la tenue des matchs de qualification, considérant que le contexte politique entre les deux pays était propice au conflit politique ou armé. Mais si les agissements des partisan-ne-s durant ces matchs reflétaient la situation politique entre les pays et dans ces conditions, les rencontres sportives n’aidaient pas au rapprochement entre partis opposés : ils ont plutôt provoqué l’effet l’inverse. C’est sans doute ce qui explique pourquoi certaines fédérations sportives, dont la FIFA, interviennent dans le choix des équipes lors de compétition mondiale afin d’éviter un affrontement entre deux pays en conflit (Russie et Georgie, Inde et Pakistan, Armenie et Azerbaijan). (15) Sans pour autant conclure que les évènements sportifs ont fatalement une influence négative sur les relations internationales, ces recherches mettent toutefois un important bémol à la rhétorique simpliste de la FIFA.
Soit. Mais peut-être que l’on peut quand même considérer la FIFA, techniquement un organisme à but non lucratif, comme étant sincère dans sa démarche cherchant activement à resserrer les liens entre les pays, à établir de meilleures conditions sociales pour les citoyen-ne-s des pays membres. Que sa démarche n’est pas optimale, que l’utilisation du sport comme vecteur de paix rencontre plusieurs difficultés, mais que l’intention soit réelle. Malheureusement, derrière le discours pacifique de la FIFA se cache une réalité plus sombre.
La Coupe du monde comme symbole du capitalisme millénaire
A la lumière des reportages et analyses faites des deux dernières Coupes du Monde, on peut établir que les infrastructures, héritage direct de l’événement, sont inadéquates pour les pays hôtes et que les retombées économiques sont bien en deçà des attentes alors que la FIFA accumule les profits. Les critiques avancent que ces profits sont gonflés par le fait que la FIFA n’a pas à gérer les grandes dépenses complexes liées à l’organisation de l’événement. Les profits (2,4 milliards en dollars canadiens) accumulés lors de la Coupe du Monde 2010 par la FIFA contrastent avec les impacts socio-économiques pour la communauté sud-africaine. Voici une liste établie par l’OSEO (Œuvre suisse d’entraide ouvrière) des conséquences concrètes pour le pays:
- Augmentation des coûts d’organisation pour le gouvernement sud-africain de 1709 % par rapport aux estimations initiales. (environ 5,5 milliards au lieu de 330 millions)
- La collusion dans le secteur de la construction a artificiellement fait grimper les coûts des stades et des infrastructures de 400 millions (des amendes totalisant 150 millions ont ensuite été imposées aux compagnies coupables).
- Construction d’un stade au coût d’un milliard de dollars (Cape Town Stadium) exigée par la FIFA, qui ne voulait diffuser des matchs en provenance du Newlands de Cape Town, puisque selon un délégué de l’organisation, les « spectateurs ne veulent pas voir des taudis et de la pauvreté. ». Ce stade, comme la majorité des stades construits ou rénovés pour le Mondial, est déficitaire et devient ainsi un poids financier pour les gouvernements locaux.
- 15,000 évictions de citoyen-ne-s de Cape Town qui ont été forcés à rester dans un nouveau quartier « temporaire » (Blikkiesdorp) afin de permettre la construction du Cape Town Stadium, quartier maintenant reconnu en Afrique du Sud pour son haut taux de criminalité. Ce quartier temporaire existe encore aujourd’hui.
- Perte financière de 2,8 milliards pour l’état sud-africain, loin des gains de 700 millions projetés par le gouvernement. Cette perte s’explique en partie par les concessions fiscales exigées par la FIFA
- Les emplois créés par la construction des stades et la tenue de l’évènement ont disparu. Contrairement aux prévisions, pratiquement aucun emploi permanent n’a été créé. (16)
Il est encore trop tôt pour avoir un portait global de l’impact du Mondial 2014 sur le Brésil. Par contre, nous savons déjà qu’il y a beaucoup de similitudes avec l’édition 2010. Déjà plusieurs stades, comme ceux de Manaus, Natal et de Brasilia, sont considérés comme des éléphants blancs, puisque ces villes n’ont aucune équipe de football de renom et qu’il faudrait un nombre irréaliste de spectacles et d’événements afin de les rentabiliser. Comme en Afrique du Sud, les coûts de l’organisation ont largement dépassé les prévisions initiales et la FIFA a eu encore droit à des exemptions de taxes exceptionnelles. Aussi, des dizaines de milliers de citoyen-ne-s ont été expulsé-e-s de leurs habitations et transféré-e-s dans de nouveaux quartiers, loin du centre-ville. Bref, l’histoire semble se répéter. (17) (18)
Mais qu’est-ce qui incite ces pays à accueillir ce type d’événements ? Certains avancent qu’ils représentent une occasion unique d’investir dans de nouvelles infrastructures qui vont profiter à tous-tes les citoyens-ne-s. Mais si l’État possède les fonds nécessaires, pourquoi attendre un évènement de niveau mondial quelconque ? Ne serait-il pas plus simple d’investir graduellement en fonction des besoins de la population et non de ceux imposés par l’organisation d’un tel événement, qui nécessite la construction de stades désertés, de routes d’accès inutiles ?
La réponse est ailleurs : pour l’anthropologue Shaheed Tayob, « l’organisation et la promotion de la Coupe du Monde 2010 sont conformes aux caractéristiques du “capitalisme millénaire” » tel que défini par les chercheurs John et Jean Comaroff. Dans l’économie mondiale contemporaine, les États sont de plus en plus sujets aux demandes du système économique mondial, car celui-ci implique une augmentation des échanges entre États et ainsi une dénationalisation de l’économie nationale. Les États sont ainsi de plus en plus dépendants du capitalisme mondial, et donc des capitaux étrangers, afin d’être économiquement prospères. Les gains financiers des grands événements sportifs sont souvent évoqués par les politiciens qui promettent ainsi aux citoyen-ne-s l’expression d’une gloire et d’une prospérité nationales. Ils permettraient l’enrichissement collectif, mais il s’agit aussi d’une occasion unique d’unir tous-tes les citoyen-ne-s derrière un projet grandiose afin de renforcer ce que Benedict Anderson nommait une identité « collective imaginaire », bref un moment de gloire nationale qui renforce le lien entre l’individu et la nation. Malheureusement, ce type de politique cache « des sacrifices financiers publics et privés, et cache aussi la réalité des grands profits corporatifs », ainsi qu’une perte de capitaux dans des infrastructures inutiles. La prospérité promise par les organisateurs est une illusion, sauf pour certaines classes d’individus ou de corporations qui sont largement favorisés par ce type de capitalisme et qui en sont les promoteurs les plus actifs. De plus, la dépendance des états envers le capital étranger donne aux corporations le pouvoir d’exiger des changements législatifs, des exemptions de taxes ou des subventions afin de permettre aux États de « profiter » des retombées économiques tant désirées, retombées qui sont surestimées par les promoteurs. Ainsi, la Coupe du Monde 2010, qui devait enrichir l’Afrique du Sud et servir de symbole pacifique et unificateur, aura surtout servi à enrichir des intérêts privés étrangers. (19)
Le mercantilisme avant tout
Malgré toute l’assurance dans le discours de la FIFA, on ne peut conclure que l’organisation de la Coupe du Monde peut avoir un impact positif quelconque sur les relations internationales. On sait que le sport mêlé au nationalisme peut tendre à les cristalliser et à provoquer des actes de violence. Les effets positifs de la Coupe du Monde sur la situation politique mondiale, s’ils existent, sont difficiles à évaluer. L’idéal du sport pour la paix semble plutôt être une stratégie marketing, car les profits qu’engendrent l’événement, eux, sont bien réels. En bombardant les spectateurs et spectatrices d’images qui vont conforter l’idée de la Coupe du Monde comme événement mondial unificateur, on créé une aura de respectabilité : le football et la Coupe du Monde sont moralement bons. Après tout, le Mondial est un produit de consommation à vendre que la FIFA se doit d’embellir afin de maximiser le retour en capital. C’est une logique publicitaire : la Coupe du Monde n’est pas seulement un événement télévisuel sportif, mais aussi une communion mondiale pour célébrer la diversité et pour diffuser un message d’espoir aux citoyen-ne-s de la Terre. A la lumière de ce que l’on sait des impacts d’évènements sportifs et des pratiques commerciales de la FIFA, ce message sonne vide. Au final, la Coupe du Monde est avant tout un spectacle sportif qui sert les intérêts de la FIFA, dont les profits seront redistribués à travers les associations nationales, entre autre afin d’augmenter la popularité du sport dans le monde, augmentant donc le bassin de partisan-e-s du sport et par le fait même le potentiel économique du football. Une partie de ces profits se retrouveront dans les poches des dirigeant-e-s de la FIFA, sommes qui sont d’ailleurs gardées secrètes. Pour les diffuseurs, qui ensemble ont payé 2,4 milliards en 2014 pour les droits de diffusion, la Coupe du Monde permet d’exiger aux sponsors d’importantes sommes pour les spots publicitaires. Elle sert ainsi à vendre ce que Patrick Le Lay, ancien président-directeur général du groupe télévisuel TF1, appelait du « temps de cerveau humain disponible ». « Dans une perspective business, soyons réalistes : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». (20)
Lors du match d’ouverture du Mondial 2014, les organisateurs de la Coupe du Monde ont manqué une occasion de prouver qu’ils prenaient leur message de paix au sérieux. Avant le début de la première demie, l’un des trois enfants prenant part à la cérémonie a présenté aux caméras un écriteau sur lequel on pouvait lire « demacarsion », dénonçant l’exclusion des Guaranis brésilien-e-s de leur territoire ancestral. La vitrine mondiale de la Coupe du Monde aurait pu être utilisée pour sensibiliser la planète aux conditions de vie du peuple Guarani, dont le taux de suicide est le plus élevé au monde. En outre, une partie de leur terre ancestrale leur fut retirée illégalement pour permettre la construction d’une usine de transformation de canne à sucre, sucre qui a ensuite été achetée par Coca-Cola, sponsor officiel de la Coupe du Monde. On peut comprendre maintenant que la FIFA n’ait pas voulu compromettre sa relation avec le géant américain. Les téléspectateurs n’ont jamais vu l’écriteau du jeune guarani, car la séquence fut censurée par la FIFA. (21)
Il serait sans doute commercialement moins profitable à la FIFA de permettre, lors de la diffusion de la Coupe du Monde, à des citoyen-ne-s des pays hôtes de dénoncer des injustices existant dans leur pays. Premièrement parce que certaines de ces injustices ont été causées par l’organisation même du tournoi, mais surtout car réside toujours le risque de vexer ceux que l’on dénonce, de provoquer la colère de puissants partenaires commerciaux. Les appels à la paix de la FIFA sont sans doute sincères, mais ils sont vides de sens. Pour paraphraser Thomas à Kempis, tous désirent la paix mais bien peu veulent faire ce qui est nécessaire pour l’obtenir.
(1) « La Coupe du Monde pour la paix et contre toutes les formes de discrimination », http://fr.fifa.com/worldcup/news/y=2014/m=6/news=la-coupe-du-monde-pour-…, FIFA, consulté le 15 juillet 2014.
(2) »Le sport: Un catalyseur pour le développement et la paix », http://www.un-ngls.org/spip.php?page=article_fr_s&id_article=3471, SLNG, consulté le 15 juillet 2014.
(3) De Coubertin, Pierre. Essais de psychologie sportive. Librairie Payot & Cie. Laussane et Paris. 1913.
(4) Bertoli, Andrew. The World and Interstate Conflict : Evidence from a Natural Experiment. http://www.andrewbertoli.org/. Consulté le 15 juillet2014.
(5) IBID
(6) IBID. « Peaceful competition between nations represents what’s best about our humanity. It brings us together, if only for a few weeks, face to face. It helps us understand one another just a little bit better. That’s a very powerful starting point for progress. »
(7) Chamapgne Jérome et Schoepfer, « Une FIFA forte pour une gouvernance mondiale du football! », Géoéconomie, 2010/3 n.54, p. 9.
(8) Sreeharsha, Vinod, « Brazilian Bank Predicts World Cup Winner », The New York Times, http://dealbook.nytimes.com/2014/06/02/brazilian-bank-predicts-world-cup…, Consulte le 15 juillet 2014.
(9) IBID (4)
(10) Cable,Vince. « The ‘Football War’ and the Central American Common Market ». International Affairs (Royal Institute of International Affairs 1944-), Vol. 45, No. 4(Oct., 1969), pp. 658-671
(11) Hickman, Kenndy. « Latin America : The FootBall War ». about.com. http://militaryhistory.about.com/od/battleswars1900s/p/footballwar.htm. Consulté le 15 juillet 2014.
(12) IBID
(13) Markovits, A. S., et Rensmann, L. « Gaming the world : how sports are reshaping global politics and culture. Princeton University Press. 2010.
(14) Marqusse, M. « War minus the shooting : a journey through south Asia during cricket’s World Cup. Vintage. 1996.
(15) La UEFA n’a pas programmer de matchs entre la Russie et la Géorgie entre 2008 et 2014 à la suite du conflit armé impliquant les deux pays. La UEFA a également empêché l’Arménie et l’Azerbaïdjan de s’affronter en 2013, continuant une tradition datant de 2006.
(16) « Apercu des principales conclusions de l’étude de l’OSEO ‘A Preliminary Evaluation of the Impact of the 2010 FIFA World Cup : South Afrika’ », Œuvre suisse d’entraite ouvrière (OSEO), 2010.
(17) « Brazil’s evicted ‘won’t celebrate World Cup’ », http://www.aljazeera.com/indepth/features/2014/05/brazil-evicted-won-cel…, Al-Jazeera, consulté le 15 juillet 2014.
(18) « Who’ll play in stadiums after the cup ? », http://registerguard.com/rg/news/31852818-76/cup-stadium-stadiums-brazil…, The Associated Press, consulté le 15 juillet 2014.
(19) Tyaob, Shaeed. « The 2010 World Cup in South Africa : A Millenial Capitalist Moment », Journal of Southern African Studes, 38:3, 2012, p.717-736.
(20) « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible », http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/patrick-le-lay-president-direc…, L’Expansion.com, consulté le 15 juillet 2014. (21) «Coca-Cola dragged into Brazilian Indians’ land struggle », http://www.survivalinternational.org/news/9816, Survival International, consulté le 15 juillet 2014.
par Rédaction | Juil 27, 2014 | Analyses, Économie, Environnement, Québec
Par Thomas Deshaies
Depuis quelques années, le phénomène de l’accaparement des terres sème la controverse. Au Québec, plusieurs intervenant-es se sont également demandés si nous étions vulnérables devant ce phénomène. Le problème semble cependant se poser différemment ici, mais il provoque autant d’inquiétude chez les agriculteurs-trices.
Préoccupation mondiale : l’accaparement des terres
Depuis la crise alimentaire de 2008, nous avons pu observer une nouvelle vague d’intérêt de la part des pays caractérisés comme « développés » pour les terres arables à l’étranger. Celle-ci vient répondre à un besoin de trouver de nouvelles terres pour y pratiquer l’agriculture. En fait, les gouvernements de certains États considèrent que les terres sur leurs propres territoires ne sont plus disponibles ou sont en quantité insuffisante pour répondre à leurs besoins (1). En contrepartie, l’International Institute for Environment and Development (IIED) estime que les trois quarts des 800 millions d’hectares disponibles en Afrique ne sont pas exploités (2). C’est donc le continent africain qui fait l’objet des plus grandes convoitises, mais aussi l’Amérique du Sud et l’Asie du Sud-Est.
L’expression « location de terres à grande échelle » est le terme plus objectif pour désigner le phénomène d’accaparement. On parle de location puisque dans la plupart des États, on ne peut à proprement dit acheter une terre. Le gouvernement national peut cependant généralement « louer » ces terres à une entreprise étrangère. On parle donc de baux pouvant aller de quelques années à 75 ans et plus.
Il est également important de mentionner que la manière d’effectuer ces investissements respecte une certaine logique et une vision commune du rôle de l’agriculture et des techniques agricoles dans nos sociétés. La productivité et la rentabilité sont au cœur des préoccupations, ce qui implique généralement que ces locations de terre soient effectuées selon les méthodes de l’agrobusiness. Par exemple, on cherchera à favoriser la monoculture pour des raisons productivistes et comme étant la manière logique de pratiquer l’agriculture suite à la libéralisation du rôle de la production alimentaire au cours des années 1960-1970. Il faut savoir que le nouveau paradigme considère la terre comme un bien d’échange faisant partie des circuits commerciaux (3). C’est une marchandise comme une autre.
Bien qu’une majorité des contrats de location soit effectuée par des entreprises et non par des gouvernements, plusieurs entreprises nationales et privées bénéficient de mesures incitatives de la part de leur gouvernement afin d’investir à l’étranger (4). Ce qu’il faut comprendre, c’est que de nombreux États mettent en place des politiques afin d’externaliser une partie de leur production alimentaire. Il y a donc une volonté politique claire derrière cet enjeu et il ne faut pas en faire abstraction. Les gouvernements des pays « d’accueil » sont également, de manière générale, en faveur de ces investissements. Ils y voient la possibilité de se servir de cet engouement et des capitaux ensuite injectés comme un outil de développement national (5). D’ailleurs, plusieurs États africains vont placer l’agriculture au centre de leur stratégie pour sortir de la pauvreté (6). Ces politiques semblent avoir un impact notable depuis plusieurs années puisque ce n’est pas moins de 35 millions d’hectares qui ont été loués depuis 2009. C’est l’équivalent de quatre fois la superficie du Portugal (7).
L’une des premières organisations à avoir considéré comme problématiques les investissements massifs est l’ONG Grain. Celle-ci publia le rapport « main basse » en 2008 afin de dénoncer ce qu’elle qualifie comme du « néo-colonialisme » (8). Il s’agirait selon l’auteur du rapport de pratiques tout à fait semblable à celles qui ont eu lieu à l’époque de la colonisation. Elles consistent en la prise de contrôle des ressources naturelles d’un pays afin de répondre aux besoins de sa propre population sans se soucier des impacts locaux de sa présence. Le problème réside également, selon lui, dans le développement agroindustriel, qu’il considère comme étant destructeur pour l’économie locale. Depuis la publication de ce rapport, plusieurs ONGs prirent elles aussi position contre les locations de terres à grande échelle. Finalement, certains groupes financiers acquièrent de grandes superficies de terres afin d’effectuer de la spéculation foncière. Des ONGs paysannes comme Via campesina ont mis sur pied une campagne de mobilisation internationale. Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, a par ailleurs publié un rapport conseillant aux États de prendre les mesures nécessaires pour contrer les impacts négatifs des locations de terres à grande échelle.
Pas de risques significatifs d’accaparement étranger pour le moment au Québec
Au Québec, il semble que les risques que nous assistions à un accaparement massif des terres agricoles par des entreprises étrangères soit pour le moment minimes. C’est d’ailleurs la conclusion de plusieurs récents rapports comme celui du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (9), qui affirme qu’il n’y a qu’une infime partie des terres qui est possédée par des non-agriculteurs au Québec. Selon Jean-Pierre Juneau, conseiller en Affaires publiques à l’Union des Producteurs Agricoles du Québec (UPA) et rejoint en entrevue, le problème se pose davantage dans l’Ouest canadien qu’au Québec. D’ailleurs, selon lui, plus de 95% des terres québécoises sont possédées par des agriculteurs.
Le gouvernement du parti québécois de 2012 a par ailleurs procédé à l’adoption du projet de loi 46 visant à prévenir un tel accaparement étranger en imposant des balises et en obligeant les possibles acheteurs à avoir l’intention de résider pendant au moins trois ans au Québec. Monsieur Juneau considère que cette nouvelle loi est un pas dans la bonne direction, mais que le véritable problème n’est pas étranger, mais local. En fait, depuis seulement quelques années, des hommes d’affaires québécois ont mis sur pied de nouvelles sociétés d’investissement agricole visant à acquérir des terres arables au Québec. Ce sont ces sociétés qui constituent une menace selon lui.
Les nouvelles sociétés privées d’investissement agricole au Québec
Il existe plusieurs sociétés d’investissement agricole au Québec dont PANGEA, qui a bénéficié d’une importante exposition médiatique puisque son fondateur est nul autre que Charles Sirois, codirigeant de la Coalition pour l’avenir du Québec, ancêtre de la CAQ. Leur mission officielle est « d’assurer la pérennité des fermes familiales tout en contribuant à la revitalisation du secteur agricole ». Mais que proposent-ils vraiment? En fait, PANGEA propose d’acquérir la moitié (49%) d’une terre agricole en partenariat avec un-e agriculteur-trice afin de l’aider à augmenter le nombre d’hectares cultivés. En investissant des capitaux, PANGEA affirme donc pouvoir aider des agriculteurs qui n’en auraient autrement pas les moyens.
La société Partenaires agricoles propose aussi cette formule, mais achète (ou rachète) également de nouvelles terres et en assure elle-même la gestion. Selon son fondateur Clément C. Gagnon, rejoint en entrevue téléphonique par l’équipe de l’Esprit libre, il y a beaucoup de terres arables qui ne sont pas allouées dans la province, menant donc à une sous-utilisation des terres. D’un point de vue économique, Monsieur Gagnon rappelle par ailleurs le côté lucratif de l’agriculture au Québec et son rôle important dans l’économie québécoise. Il considère que sa société propose un nouveau modèle révolutionnaire. Il nous a par ailleurs confié avoir rencontré l’ambassadeur du Bénin qui souhaite exporter ce modèle sur son territoire.
Ces sociétés d’investissement affirment être essentielles pour augmenter et sécuriser notre production alimentaire. Selon elles, la conjoncture fait en sorte que les agriculteurs-trices ont besoin d’aide de manière urgente. Il y a, dans un premier temps, un déficit clair de relève agricole et le vieillissement de la population ne fait qu’aggraver la situation. Il y a donc un risque que notre production alimentaire perde de sa vigueur. De plus, ce sont les agriculteurs-trices québéois-es qui sont les plus endettés au Canada. Ces sociétés d’investissement prétendent donc pouvoir supporter le développement de l’agriculture au Québec en palliant au déficit de relève et au manque de fonds en injectant massivement des capitaux
Risque de dérives
À première vue, l’émergence de ces nouvelles sociétés d’investissement agricoles au Québec semble une heureuse nouvelle. Qui peut être contre la vertu? En entrevue téléphonique, l’enthousiasme de Clément Gagnon et l’importance qu’il accorde au rôle de l’agriculture semblait véritable et sincère. Cependant, quelques voix s’élèvent contre ce nouveau modèle et d’autres demeurent sceptiques quant aux résultats. Les critiques ne portent pas sur l’intention des fondateurs de ces sociétés, mais bien sur la vision du modèle d’agriculture qui y est préconisé et sur les effets de ce modèle à long terme.
De son côté, Patrice Juneau est très clair et rejette ces initiatives privées: « (…) avec des groupes comme PANGEA, on retourne un peu à l’époque féodale, ce ne sont plus des propriétaires (agriculteurs), mais de simples locataires! ». Pour l’UPA, bien que 95% des terres soient possédées actuellement par des familles d’agriculteurs, il demeure important d’œuvrer à la préservation de ce modèle. Ces sociétés sont une menace à l’agriculture familiale puisqu’elles tendent à augmenter le nombre d’hectares possédés par un seul groupe ou bien à carrément empêcher la gestion de certains hectares par des familles, car ils seraient dorénavant entre les mains de la société d’investissement. Ceux qui accepteraient un partenariat ne pourraient d’ailleurs plus exercer pleinement le contrôle sur leurs terres puisqu’ils devraient se soumettre aux impératifs des investisseurs.
Ces impératifs peuvent également diverger de ceux de la ferme familiale. Après tout, l’objectif de ces hommes d’affaires est également de faire du profit. À quel point sont-ils prêts à augmenter la productivité des terres au détriment de la diversité des aliments ou de la qualité de ceux-ci? L’exemple des cas d’accaparement des terres en Afrique où l’agro-industrie a préféré pratiquer une monoculture pour des questions de rentabilité tout en sachant qu’elle « assècherait » la terre nous montre que la maximisation des profits peut occasionner certaines dérives. Est-ce que ce sera également le cas ici? Quelles garanties avons-nous, autres que les bonnes intentions des sociétés d’investissement?
Bien que PANGEA se soit publiquement défendu d’avoir occasionné une augmentation du prix des terres après l’achat de lots en Abitibi-Témiscamingue, l’UPA persiste à affirmer qu’ils en sont la cause. C’est-à-dire que puisqu’ils possèdent plus de moyens, ils ont pu acheter des terres à un prix beaucoup plus élevé que la normale, occasionnant une augmentation généralisée aux alentours. Cette augmentation restreindrait l’accès à la propriété foncière pour les petits agriculteurs. La crainte chez l’UPA concerne également les risques de spéculation foncière. Elle consisterait en une prise de possession des terres par des individus malintentionnés ne cherchant pas à les cultiver, mais à en faire croitre la valeur pour ensuite les revendre. Partenaires agricoles de même que PANGEA affirment ouvertement lutter contre la spéculation. Cependant, il n’en demeure pas moins que dans certains projets, ce sont des non-agriculteurs qui s’occupent de la gestion des terres. En connaissant moins le travail d’agriculteurs, certaines de leurs décisions pourraient être défavorables à la production de denrées alimentaires de qualité et abordables.
Alternatives
Un rapport de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) paru il y a un mois affirme que le surendettement des agriculteurs-trices au Québec que l’on brandit comme une menace n’est peut-être pas si alarmant (10). En effet, selon les chercheurs-euses de l’IRÉC, les agriculteurs-trices sont plus endettés, mais parce qu’ils investissent massivement pour acquérir du nouveau matériel à la fine pointe de la technologie. Le fait qu’ils investissent plus que leurs confrères et consœurs de l’Ouest canadien s’explique par la bonne santé du marché québécois et par la confiance qu’ils ont en celui-ci. Ils et elles sont donc davantage confiants de pouvoir rentabiliser leur production et donc investissent à long terme quitte à s’endetter.
C’est d’ailleurs pourquoi Patrice Juneau affirme que les sociétés comme PANGEA ne sont pas essentielles au développement des fermes agricoles et que sans leurs capitaux, les agriculteurs-trices peuvent tout de même acquérir du matériel de qualité. Par ailleurs, chez l’UPA, on préconise la création d’une Société d’investissement et d’aménagement au Québec (SADAQ). Inspiré du modèle français, cet organisme d’État veillerait à gérer les nouvelles acquisitions de terres par des non-agriculteurs et à supporter financièrement les agriculteurs. Ils ne s’ingéreraient pas dans les transactions de terres entre producteurs agricoles. Selon Monsieur Juneau, ce serait une initiative formidable afin d’empêcher tout accaparement étranger et de mettre un frein aux investisseurs privés locaux comme PANGEA et Partenaires agricoles. Clément Gagnon croit quant à lui que personne ne veut de cette société chez les agriculteurs-trices.
Menace pour l’agriculture familiale?
Il est encore trop tôt pour avoir l’heure juste sur le travail de ces sociétés privées d’investissement agricole. Ce qui est cependant clair, c’est qu’elles suscitent beaucoup d’inquiétude dans le milieu agricole. Mais le plus important à noter, c’est que le modèle traditionnel familial d’agriculture est remis en question par ces hommes d’affaires. Leurs initiatives ont la possibilité de changer radicalement le visage de l’agriculture québécoise, pour le meilleur ou pour le pire.
(1) Polack, E., Cotula, L. et Côte, M. Reddition de comptes dans la ruée sur les terres d’Afrique : quel rôle pour l’autonomisation juridique ? IIED/CRDI, Londres/Ottawa. 2013, p.8
(2) International Institute for Environment and Development (IIED), Projet Claims. 2006. Modes d’accès à la terre, marchés fonciers, gouvernance et politique foncières en Afrique de l’Ouest. Union Européenne. Rédigé par Jean-Pierre Chauveau et al. 97p.
(3) Paquette, Romain. Rapaysannisation dans les pays en développement, prolongement de l’expérience vécue. Cahiers de géographie du Québec, volume 54, numéro 151, 2010, p.154
(4) Brondeau, Florence. Les investisseurs étrangers à l’assaut des terres agricoles africaines. EchoGéo, Volume 14, 2010. 12p.
(5) IBID
(6) Action for Large-scale Land Acquisition (ALLAT), 2013. Who is beniffiting ? Freetown. Rédigé par Joan Baxter. P.32
(7) Land Matrix. 2013. GRAIN. En ligne. « http://www.landmatrix.org/en/ » . Consulté le 1er avril 2014.
(8) Grain, 2008. Mais basses sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financière. Espagne. p.2
(9) CIRANO, Meloche, Jean-Philippe. Acquisitions des terres agricoles par des non-agriculteurs au Québec. (10) http://www.irec.net/index.jsp?p=120
par Rédaction | Juil 6, 2014 | Économie, Enquêtes, International
Par Sylvia De-Benito
En avril 2006, plusieurs journaux partageaient les phénomènes suivants : la jeunesse française prenait la rue pour manifester contre la première réforme du travail ; au même moment, environ 25 000 jeunes espagnol-e-s se mobilisaient en organisant des « macro-botellón » (un grand rendez-vous pour boire dans la rue) pour saluer le printemps (1). Quelques années plus tard, on voyait une image complètement différente à la une des journaux internationaux : celle de millions d’espagnol-e-s qui manifestent pendant des semaines contre les conséquences de la crise économique. C’était l’image des «Indignés », c’était l’année de la perte de l’innocence.
Le 15 mai 2011, la société espagnole s’est réveillée et a connu des mobilisations sociales qu’on n’a pas vues depuis la Transition. Ces manifestations, spontanées au début, ont désarmé les partis politiques et les structures de pouvoir traditionnelles qui n’ont pas réussi à comprendre les causes et les conséquences de la rage des citoyen-n-es. Certains d’entre eux ont même essayé de délégitimer les protestations, affirmant que les responsables derrière celles-ci cherchaient à mettre fin à l’actuel modèle de démocratie. Au contraire, manifester contre la gestion et le modèle des institutions démocratiques doit être perçu différemment du fait de plaider contre la démocratie elle-même. Parmi les slogans les plus populaires figuraient d’ailleurs : « Nous ne sommes pas anti-système, nous sommes anti-vous », ou « démocratie réelle maintenant ». Outre l’utilisation de formes traditionnelles de protestation, de nouveaux éléments ont été introduits: des campements dans les endroits d’intérêt, des réunions dans la rue, des « escraches », des blocages aux institutions, des marches à travers le pays ou des initiatives pour arrêter les expulsions (du logement) (2).
Trois ans plus tard, alors que la crise est toujours bien présente, beaucoup se demandent où est le 15-M (3) et où sont les « Indignés ». Qu’est-ce qui s’est passé avec la masse qui manifestait et occupait les places et les rues ? La réponse : elle est toujours là. Malgré le manque de notoriété dans les médias traditionnels et dans les journaux hors des frontières espagnoles, les mobilisations continuent. La grande masse de personnes s’est scindée, et maintenant il existe un tissu social composé de groupes de travail, d’assemblées de quartier, de plateformes et de nouvelles associations et organisations. Dans plusieurs villes et quartiers, les citoyen-n-es s’organisent pour fournir les services de base que plusieurs ne peuvent s’offrir : des crèches, des écoles de musique, des bibliothèques, des centres de culture, des restos sociaux, et surtout, de nombreuses banques alimentaires. Les citoyen-n-es agissent là où l’État providence n’est plus présent. Certaines plateformes font aussi la promotion du non-paiement de la dette et de la désobéissance civile.
L’influence du 15-M s’étend partout en Espagne, mais elle est aussi très présente sur le web. La désaffection générale provoquée par la crise en conjonction avec les possibilités offertes par l’Internet ont donné naissance à un grand nombre de projets et d’initiatives solidaires, tels que les banques du temps, la monnaie sociale, le « crowdfunding » et plusieurs nouveaux médias et instruments d’information. Le journaliste Juan Luis Sánchez, sous-directeur du journal « El diario », doute que ce projet ait pu voir le jour de sans l’existence du 15-M (4). Les nouvelles plateformes citoyennes utilisent les outils informatiques pour améliorer les mécanismes de participation civiques. C’est le cas notamment pour « Que font nos députés » (http://quehacenlosdiputados.net/). Le cas le plus significatif est sans doute la « 15Mpédie », une encyclopédie en ligne développée par le mouvement 15-M, recueillant avec détail tous les événements et actions autour de ce phénomène depuis sa naissance en mai 2011. (5)
Voici quelques mouvements nés depuis le 15-M et qui comptent parmi les plus actifs aujourd’hui :
Plateforme des Affectés par l’Hypothèque (Plataforma de Afectados por la Hipoteca, PAH).
En février de cette année, 400 personnes provenant des différentes PAHs espagnoles se sont donné rendez-vous à Barcelone pour célébrer le 5ème anniversaire de ce mouvement. Née à Barcelone au débout de 2009, la PAH est une organisation horizontale, pacifique et non-partisane qui, depuis l’éclatement de la bulle immobilière, revendique le droit au logement digne. Présente dans pratiquement toutes les grandes villes espagnoles, elle agit à travers ses sections locales qui s’occupent entre autres des cas d’expulsion de logement ainsi que de la négociation d’une amélioration des conditions de l’hypothèque avec les banques. La PAH s’organise à travers ses assemblées, où sont présentés les cas de personnes ayant des problèmes avec leur hypothèque. L’organisation met à disposition l’aide légale et les ressources humaines pour trouver une solution aux problèmes pratiques, mais aussi aux problèmes psychologiques, puisque depuis le début de la crise, le taux de personnes qui se suicident après avoir perdu leur logement n’a fait qu’augmenter. L’organisation a d’ailleurs créé différentes campagnes :
- Initiative Législative Populaire : la PAH présentait une ILP pour la dation en paiement et pour le logement social. Elle a recueilli un million et demi de signatures et a également obtenu le support des juges, du Parlement Européen et même des Nations Unies. Néanmoins, elle fut complètement ignorée par le gouvernement conservateur.
- Stop expulsions : Cette plateforme mène des actions de désobéissance civile et de résistance passive devant les notifications et saisies d’expulsion, se concentrant à la porte des maisons touchées pour empêcher le passage des huissiers.
- Œuvre Sociale : Compte tenu de la montée des saisies immobilières, cette plateforme propose de s’approprier des maisons vides qui appartiennent aux institutions financières. Dans les cas où les concentrations ne parviennent pas à mettre fin aux expulsions, la PAH s’occupe de reloger les familles qui ont été expulsées dans des logements squattés.
- Dation en paiement : il s’agit de promouvoir la livraison du logement pour l’annulation de la dette hypothécaire en cas de résidence habituelle à des emprunteurs de bonne foi.
Le travail de la PAH a mérité le Prix Citoyen Européen 2013. Quelques mois plus tôt, en mars, le Tribunal Européen du Luxembourg avait déclaré que la législation espagnole en matière d’hypothèques est contraire aux droits fondamentaux. Jusqu’à présent, la PAH a arrêté 1135 expulsions et son Œuvre Sociale a relogé 1180 personnes (6).
Jeunesse sans Futur (Juventud Sin Futuro)
« Juventud Sin Futuro » est un mouvement sensible à la situation précaire dans laquelle se trouve la jeunesse espagnole, et qui était présent pendant les premières manifestations du 15-M. L’organisation est née de l’initiative de divers groupes universitaires de Madrid qui ont constaté l’aggravation des conditions sociales des jeunes depuis les mesures prises par le gouvernement pour gérer la crise économique en Espagne. Son slogan : « sans boulot, sans maison, sans futur, sans peur » [http://wiki.15m.cc/wiki/Juventud_Sin_Futuro]. Avec une importante présence sur l’Internet, ce collectif s’est consacré à dénoncer la paupérisation des jeunes, la marchandisation du système éducatif, le manque de bourses pour financer les études, et la situation (taux, niveau) du chômage, qui touche 55,5% des jeunes de moins de 25 ans (7).
Selon eux, la réforme du marché du travail a transformé les jeunes en « travailleurs précaires pour la vie ». La réforme des retraites, qui allonge la durée de cotisation et retarde l’âge minimal de départ à la retraite, est également ciblée : « si je ne peux pas travailler, comment vais-je cotiser? ». Enfin, le groupe s’insurge contre la marchandisation de l’éducation nationale. « Vous nous avez trop pris, maintenant nous voulons tout », concluent-ils. Dernièrement, le mouvement s’est consacré à dénoncer l’exil forcé auquel beaucoup de jeunes sont condamnés chaque année. C’est précisément pour cette raison que l’organisation compte sur un grand soutien à l’étranger, où les jeunes exilés se sont organisés dans plusieurs villes pour continuer à exprimer leurs revendications. Leurs dernières campagnes : « Madrid n’est pas une ville pour les jeunes », en 2014 [noesciudadparajovenes.com] et « On ne s’en va pas, ils nous expulsent » en 2013. [nonosvamosnosechan.com]. Cette dernière est une initiative qui dénonce l’exil forcé de la jeunesse précaire et montre à travers une carte les nouvelles destinations à l’extérieur et à l’intérieur du pays.
Les marées de couleurs (Las Mareas de Colores)
Chaque marée a ses propres revendications et sa propre façon de s’organiser. Mais elles ont des formes d’action similaires : assemblées, coordination avec les écoles et hôpitaux, des renfermements, etc. Car à la fin de la journée, toutes les marées signalent le même problème : l’absence de démocratie dans le pays.
La marée rouge: le droit au travail digne.
Le rouge reste toujours la couleur des travailleur-euse-s, et les espagnol-e-s n’en peuvent plus. Le taux de chômage ne fait qu’augmenter et les conditions de travail sont de pire en pire. Cette marée rouge sert donc de catalyseur pour les revendications, et permet aussi aux travailleur-euse-s et chômeur-euse-s d’exprimer leur rage. La colère et l’impuissance des citoyen-ne-s sont mieux comprises dans le contexte des déclarations faites par certains membres du patronat qui, depuis le début de la crise économique, se sont consacrés à les mépriser et à les dédaigner. Ainsi, on a entendu Monica Oriol, présidente du Cercle des Entrepreneurs, dire que le droit aux prestations de chômage encourage le parasitisme chez les chômeur-se-s. Son homologue de la région de León se demandait aussi pourquoi ce ne sont pas les travailleur-se-s qui compensent l’entreprise lorsqu’ils sont licenciés. On trouve un autre exemple du manque de respect envers la classe ouvrière avec les événements survenus au cours d’une sélection pour un (seul) poste de travail, à travers laquelle les candidat-e-s devaient rattraper un billet de 50 euros pour gagner le poste vacant (8).
La marée blanche: les soins médicaux pour tous.
Les médecins, les infirmier-ère-s, et le reste du personnel sanitaire ne capitulent pas devant les politiques libérales et manifestent fortement contre les coupures qui menacent l’universalité des soins santé. La réalité: des listes d’attente interminables et des patients décédés dans les couloirs d’hôpitaux en attendant un lit. Pour la plupart, le problème majeur demeure la ferme détermination du gouvernement en vue de privatiser le système, privilégiant ainsi les plus fortunés. Ainsi, dans la Région de Madrid, les grèves continues et une décision judiciaire défavorable ont finalement arrêté la mise en œuvre d’un plan de privatisation de 8 hôpitaux (9).
La marée verte: l’éducation.
En 2011, sous le slogan « éducation publique de tous, pour tous », la marée verte a été la première à prendre les rues pour éviter le démantèlement de l’école publique. Des professeur-e-s, des étudiant-e-s et des parents se sont exprimé-e-s contre la hausse des taxes scolaires, contre la réduction des bourses, contre l’augmentation du taux d’élèves par classe, contre le virement du personnel et contre les réductions de salaire qui ont fortement réduit le pouvoir d’achat des professeurs. À l’origine de ce mouvement, on trouve des assemblées et plateformes de professeur-e-s et d’étudiant-e-s qui se sont rassemblé-e-s pour la cause : outre de nombreuses grèves générales ont été organisées, dans plusieurs régions, des réclusions dans les centres publics de même que des pétitions adressées aux différents gouvernements. Des professeur-e-s au chômage ont également donné des cours dans la rue. Ces revendications ne visent pas seulement à améliorer les conditions de travail des professeur-e-s, mais aussi à maintenir la qualité des services publics de plus en plus dégradés dans le contexte d’une crise économique brutale (10).
La marée violette: les féministes.
La crise économique a aussi touché les droits des femmes : les allocations familiales ont presque disparu, mais les femmes demeurent tout de même à la maison pour prendre soin du reste de la famille. En outre, les politiques conservatrices que les Espagnoles subissent depuis trois ans cherchent de manière très subtile à imposer une image et un modèle de conduite pour les femmes : c’est celui de l’épouse soumise qui reste au foyer, dont les seuls rôles et dont les seules aspirations sont d’élever ses enfants et de prendre soin de son mari. La décision du ministre de la Justice de modifier la Loi portant sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase : son abrogation supposerait un énorme recul pour les droits sexuels et pour la santé reproductive des femmes et entraînerait un retour aux avortements clandestins, qui comportent de grands risques. Les dernières manifestations contre cette nouvelle loi, qui cherche pratiquement à supprimer le droit à l’avortement en Espagne, comptent parmi les plus imaginatives et les plus provocatrices: dans différentes villes espagnoles, plusieurs groupes de femmes se sont approchés des bureaux du Registre Foncier pour enregistrer leurs corps afin de protester contre « l’expropriation » continue qu’elles en subissent (11).
La marée grenat: les expatrié-e-s.
La couleur des passeports espagnols. La plupart de ceux et celles qui ont émigré vers autres pays n’ont pas choisi cet exil. Néanmoins, une fois à l’étranger, ils ont voulu s’organiser pour poursuivre la lutte, la protestation. Cette marée est née des convocations faites par Jeunesse Sans Futur dans plusieurs capitales européennes, en avril 2013, dans le cadre de sa campagne « On s’en va pas, ils nous expulsent » (12). À Londres, environ 300 personnes ont participé, et ont eu l’idée d’articuler un réseau international d’immigrant-e-s espagnol-e-s. À ce jour, des assemblées on lieu partout en Europe et en Amérique, notamment à Berlin, à Bruxelles, à Dublin, à Zurich, à Vienne, à Rome, à Paris, à Oslo, à Munich, à Milan, à Londres, à Lisbonne, à Montevideo, à Lima, à Mexico, à Bogotá, et à Montréal. Les assemblées de Londres et de Berlin comptent parmi les plus grandes et les mieux organisées. Les expatrié-e-s ont créé des réseaux solidaires pour accueillir ceux et celles qui arrivent et ont créé deux groupes de travail, le premier portant sur l’accès aux soins médicaux, et le deuxième sur le droit de vote depuis l’étranger (13).
Les Marches de la Dignité
Le 22 Mars 2014 ont eu lieu les Marches de la Dignité dont le slogan était « Pain, travail et toit pour tous et toutes ». Il s’agissait de manifestations provenant des différentes régions de l’Espagne et qui ont convergé vers la capitale, Madrid. Parmi les revendications se démarquaient le refus du paiement de la dette publique, le rejet des coupures budgétaires et des slogans contre la troïka (Fonds Monétaire International, la Banque Centrale Européenne et la Commission Européenne) [le Manifeste : http://marchasdeladignidadmadrid.wordpress.com/category/manifiesto-2/]. Les manifestant-e-s appelaient aussi à la démission du gouvernement et dénonçaient la situation extrême « d’urgence sociale » dans laquelle se situe une grande partie de la population espagnole. Encore une fois les manifestant-e-s ont eu recours à l’ironie et à l’humour pour montrer leur mécontentement. Sur les affiches on lisait des affirmations significatives : « ma fille serait ici mais elle a émigré», ou « d’est en ouest, du nord au sud, la lutte continue malgré tout » (14). Malgré les difficultés rencontrées dans l’organisation des manifestations, malgré la violence policière, malgré le silence médiatique, les marches furent considérées comme un succès par les organisateurs-trices, qui comptaient, selon des estimations, environ deux millions de participant-e-s. Néanmoins, le cri du cœur et le mécontentement des citoyen-ne-s réuni-e-s furent ignorés par le gouvernement et par la plupart des médias de masse, qui sont déterminés à ignorer et à minimiser l’importance des mouvements sociaux qui s’organisent pourtant partout à travers le pays.
Mais le soir du 22 mars, les marches de la dignité nous ont laissé une image complètement différente de celle que l’on avait le matin même, alors que les manifestant-e-s exprimaient leurs revendications de manière pacifique et civilisée. Aux fins d’une série d’affrontements violents entre la police et les manifestant-e-s, plusieurs policiers blessés ont dû avoir recours à des soins médicaux. A l’extérieur, des protestataires blessé-e-s priaient les unités d’urgence, complices des manifestant-e-s, de ne pas secourir les policiers blessés (15). Les moments de tension vécus cette nuit-là témoignent de l’ampleur du problème qui traverse la société espagnole. Le degré de confrontation entre le peuple et le gouvernement est si extrême et la situation politique, économique et sociale est tellement désespérée qu’il a été possible d’assister à des moments qui nous font douter de notre propre humanité, de notre condition humaine.
1) Olmos, Juan Ramón, 18/03/11, Ideal, http://www.ideal.es/granada/20110318/local/granada/fiesta-primavera-granada-personas-201103181401.html, 29/05/2014
2) Aloso, Zamora et Llop, 23/04/2014, Agora Blog, http://agora.vv.si/2014/04/en-profundidad-inseguridad-ciudadana-de-que-nos-protegen/, 26/05/2014
3) Le mouvement des Indignés (Indignados en espagnol) ou Mouvement 15-M est un mouvement assembléiste et non violent né sur la Puerta del Sol, en Espagne, le 15 mai 2011, rassemblant des centaines de milliers de manifestants dans une centaine de villes. Bien que les manifestants forment un groupe assez hétérogène, ils ont en commun un désaveu des citoyens envers la classe politique, la volonté d’en finir avec le bipartisme politique entre le Parti populaire (PP) et le parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), ainsi qu’avec la corruption.
4) Raúl Magallón Rosa , 01/07/2013, Blog Participasion, http://participasion.wordpress.com/2013/07/01/hijs-del-15-m-tecnologias-civicas-y-participacion-ciudadana/, 26/05/2014
5) http://wiki.15m.cc/wiki/Portada, 18/05/2014
6) http://afectadosporlahipoteca.com/, 16/05/2014
7) Datos Macro, http://www.datosmacro.com/paro-epa/espana, 20/05/2014
8) Jorge Moruno Danzi, 24/04/2013, Publico, http://blogs.publico.es/jorge-moruno/2014/04/24/parasitos/, 28/05/2014
9) 27/01/2014, Marea Blanca, http://mareablancasalud.blogspot.fr/, 12/05/2014
10) http://mareaverdemadrid.blogspot.fr/, 12/05/2014
11) http://mareavioleta.blogspot.fr/, 13705/2014
12) Clara Blanchar, 27/05/2013, El País, http://ccaa.elpais.com/ccaa/2013/05/26/catalunya/1369595046_737060.html, 28/05/2014
13) http://mareagranate.org/, 28/05/2014
14) Agence, 23/03/2014, El Huffington Post, http://www.huffingtonpost.es/2014/03/22/marchas-dignidad-directo_n_5012996.html, 29/05/2014
15) Lorenzo Silva, 24/03/2014, El Mundo, http://www.elmundo.es/espana/2014/03/24/532f6856ca4741116a8b457a.html, 15/05/2014