par Rédaction | Mar 14, 2021 | International
Par Amal Benotman
Pour empêcher l’accès à son territoire aux migrant·e·s vénézuélien·ne·s à la suite d’une violente seconde vague de Covid-19, le Pérou a fermé puis militarisé sa frontière avec l’Équateur en janvier. Des dizaines de réfugié·e·s se retrouvent ainsi piégé·e·s dans l’attente d’une issue à leur situation.
À Huaquillas, ville effervescente située au sud de l’Équateur, à sa frontière avec le Pérou, le confinement a des allures qui le distinguent de ce qui le caractérise ailleurs dans le monde. Ne bénéficiant pas du privilège de pouvoir se confiner à la maison, des dizaines de migrant·e·s du Venezuela se retrouvent « enfermé·e·s dehors » dans les rues et les espaces publics de la cité commerçante.
Huaquillas a depuis des années l’habitude des flux démographiques et économiques qui transitent librement d’un côté à l’autre de la frontière. Mais ce mouvement de transit s’est considérablement réduit depuis le début de la pandémie de Covid-19 et une première fermeture de la frontière; puis s’est arrêté lorsque le Pérou, en proie à une forte deuxième vague, a décidé une seconde fermeture suivie d’une militarisation le 26 janvier de la partie ouest. Situé près de l’océan pacifique, ce côté de la frontière est en effet le principal point de passage pour les migrant·e·s et réfugié·e·s du Venezuela en route pour le Pérou, où elles et ils espèrent trouver du travail. Depuis une dizaine d’années, ce pays affiche en effet une croissance relativement soutenue et est devenu, à l’échelle de la région, une importante destination économique. Les migrant·e·s qui s’y établissent travaillent principalement dans le domaine informel qui représente plus de 70% du marché du travail.
Poussée par le besoin d’améliorer son sort et celui de ses enfants, María-Angel a elle aussi fait le choix du Pérou et a quitté sa ville de Barquisimeto au Venezuela le 23 janvier, pour entreprendre ce périple à pied avec sa fille de quatre ans et quatre compagnons.
« Jamais je n’aurais imaginé tant marcher un jour »i, confie la jeune femme de 24 ans à L’Esprit libre. « On avait les pieds enflés et on avait tout le temps faim. Parfois on nous offrait du pain et de l’eau, la nuit on dormait où on pouvait, en bordure de route ou dans la forêt. Jamais je n’oublierai cette expérience », relate-t-elle avec un sourire exténué.
Comme María-Angel, des centaines de milliers de citoyen·ne·s du Venezuela se voient contraint·e·s de chercher un avenir meilleur hors de leur pays, où une crise féroce fait rage. Reposant largement sur la rente pétrolière, l’économie du pays se trouve en effet minée depuis les chutes du cours du pétrole; d’abord celle de 2008-2009 puis celle de 2014. Par la suite, la monnaie nationale a subi une forte dévaluation et le quotidien des Vénézuélien·ne·s s’est vu dévasté par l’hyperinflation et une crise de l’accès aux services de base comme l’eau, l’électricité, internet et le transport public. La situation est en outre lourdement aggravée par le blocus économique et financier imposé depuis 2015 par les États-Unis et leurs alliés, qui a contribué encore davantage à l’asphyxie de la population.
Après avoir parcouru environ 3000 km à pied, María-Angel et ses compagnons ont dû interrompre leur exode à Huaquillas où ils sont arrivé·e·s le 18 février. « On a mis un peu moins d’un mois avant d’arriver ici. On n’a pas eu de problèmes pour passer les autres frontières. On savait que cette frontière-ci était fermée, mais on avait l’espoir de réussir à la passer par les trochas [petits sentiers], mais là aussi, il y a des militaires ». La jeune mère de famille survivait en vendant des avocats à Medellin, en Colombie, avant de devoir retourner au Venezuela lorsque la pandémie a privé les travailleurs et travailleuses journalières de leurs ressources. Elle précise que si la frontière n’est pas bientôt démilitarisée, elle restera peut-être en Équateur, même si elle dit ne pas être sûre de savoir quoi y faire. En attendant, c’est dans un campement improvisé sur l’une des places de la ville que la jeune femme s’est installée avec sa fille, ses camarades de voyage ainsi que des dizaines d’autres compagnons d’infortune, dans des conditions d’une grande précarité, subsistant grâce à la solidarité de la population et à l’aide alimentaire fournie par l’OIM (Organisation internationale pour les migrations).
Le Pérou, seconde destination des migrant·e·s vénézuélien·ne·s
Avec environ un million de personnes vénézuéliennes réfugiées sur son sol, le Pérou est leur deuxième pays d’accueil, après la Colombie. Les migrant·e·s y ont été initialement bien reçu·e·s, mais se sont de plus en plus retrouvé·e·s confronté·e·s aux problèmes économiques et à la xénophobie. À l’instar des autorités équatoriennes et de plusieurs autres pays de la région, les autorités péruviennes leur ont imposé la possession d’un passeport avec visa pour contenir les arrivées, une politique en vigueur depuis juin 2019. C’est dans ce contexte que dans la partie ouest de la frontière, de nombreux points de passages clandestins sont apparus.
Rosa, 43 ans, attend patiemment de pouvoir franchir la frontière. Elle dit avoir quitté le Venezuela parce qu’elle « voudrait pouvoir vivre décemment », ce qui n’est actuellement pas possible dans son pays. Rosa est partie du Venezuela le 9 février, et contrairement à María-Angel, elle a pu faire le voyage en bus et éviter ainsi « les dangers de l’entreprendre à pied », confie-t-elle à L’Esprit libre. La jeune femme raconte avoir commencé la traversée en marchant avec un groupe de plusieurs personnes, mais que face aux risques et à la difficulté, elle a finalement préféré piocher dans ses économies et voyager en bus. Elle se rappelle, émue, que dans le groupe avec lequel elle était partie à pied, une petite fille avait été écrasée par une voiture en Colombie.
Rosa avait déjà entrepris ce voyage une première fois. Enseignante au primaire de formation, elle vivait à Lima où elle avait réussi à trouver une situation stable et des documents en règle, avant de devoir retourner au Venezuela pour apporter de l’aide à sa mère malade et repartir de nouveau. Depuis son arrivée à Huaquillas, elle tente de survivre en vendant des caramelitos [bonbons] dans la rue, après avoir perdu toutes ses économies en tentant de passer par une trocha [petit sentier], et s’être fait escroquer par le passeur. Elle travaille aussi pour pouvoir s’offrir une chambre d’hôtel qui lui coûte un peu moins de 1,50 $ US la nuit, car là encore, elle ne souhaite pas dormir dehors. Rosa dit vouloir attendre un peu avant de retenter sa chance et de repasser au Pérou. « Pour l’instant, le passage est encore dangereux », déclare-t-elle, ajoutant que des groupes de migrant·e·s ont été exposé·e·s à des tirs de la part des militaires alors qu’elles et ils tentaient de passer la frontière.
À la suite de ces incidents, la directrice Amériques d’Amnesty International avait d’ailleurs dénoncé via un communiqué « l’usage des forces armées dans le domaine de la gestion des migrations » et rappelé que de telles opérations mettent en danger les droits humains de personnes vulnérables qui sont à la recherche légitime d’une protection internationale.
La militarisation : une réponse traditionnelle et historique
L’envoi des armées aux frontières a traditionnellement été une réponse des États de la région pour gérer ce qu’ils considèrent comme étant un problème, nous rappelle François Bignon, docteur en histoire à l’Université Rennes, dont les recherches portent sur les conflits frontaliers entre le Pérou et l’Équateur. « C’est une réponse profondément enracinée dans l’histoire de ces pays, et dans la construction même des États et nations latino-américaines. Du côté de l’armée péruvienne, il y a une prétention à se déclarer légitime comme le bras armé de l’État, et comme l’institution la plus apte à gérer toute situation qui implique la sécurité du pays », ajoute le spécialiste pour qui il s’agit d’une bataille avant tout médiatique et qui s’adresse surtout aux opinions nationales dans un contexte de xénophobie rampante au Pérou à l’égard des Vénézuélien·ne·s. En attestent d’ailleurs les commentairesii qui ont accompagné la publication de l’opération sur le réseau social Twitter de l’État-Major péruvien.
Dans ce contexte de crise sanitaire, économique et sociale, la région pourrait assister, selon M. Bignon, à une mainmise de plus en plus affirmée des armées qui en profitent pour réaffirmer un rôle qui leur était historiquement dévolu et qu’elles considèrent comme étant de leur ressort. Cela peut être interprété comme une dépendance au sentieriii; comme une manière traditionnelle de réagir. L’historien, qui entrevoit dans cette opération « beaucoup de parallèles avec des situations antérieures » sur la même frontière, affirme que face « à une nouvelle menace », ce sont les leviers qui ont fait leurs preuves dans le passé qui sont généralement réactivés.
À la suite de la militarisation de la frontière, plusieurs réfugié·e·s ont décidé de rester en Équateur pour y tenter leur chance, selon les représentant·e·s locaux de l’OIM rencontré·e·s par L’Esprit libre. D’autres ont choisi de remonter vers la Colombie où le gouvernement a annoncé le 8 février son intention de régulariser des milliers de réfugié·e·s; tandis que des dizaines d’autres, comme Rosa, ont toujours l’espoir de pouvoir traverser la frontière, et attendent dans des conditions de grande vulnérabilité et pour un temps encore indéterminé la première occasion de pouvoir le faire.
Révision : Any-Pier Dionne
i Traduction libre de l’espagnol au français.
ii Traduction du Tweet des forces armées péruviennes :Entérate más de las acciones que realiza las Fuerzas Armadas para impedir el ingreso de extranjeros al país ► Pour en savoir plus sur les mesures prises par les forces armées pour empêcher les étrangers d’entrer dans le pays.
Traduction de certains commentaires accomagnant le tweet : Excelente, las lacras venecas que no entren más delincuentes ► Excellent, que la racaille vénézuelienne et les délinquants restent [hors du Pérou].
Es justo y necesario. No debe ingresar ni un solo extranjero ilegal y delincuencial. Confiamos en las FFAA y en el orden que impondrá en la frontera► C’est juste et nécessaire. Pas un seul étranger illégal et criminel ne doit pouvoir entrer. Nous avons confiance dans nos forces armées et dans l’ordre qu’elles vont imposer à la frontière.
iii https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9pendance_au_sentier
par Rédaction | Jan 1, 2021 | Économie, International, Societé
Par Adèle Surprenant
La pandémie de la COVID-19, les mesures de confinement et la popularisation du télétravail ont propulsé une réflexion sur le marché du travail et la précarité croissante qu’il connait. Les restructurations dont il fait l’objet pour s’adapter à la crise sanitaire mondiale frappent aussi les secteurs d’activités dits peu qualifiés; des emplois occupés en grande partie, en Occident et ailleurs dans le monde, par des personnes migrantes. Regard sur la situation des travailleur·se·s migrant·e·s en 2020 sur trois continents.
La migration économique est le déplacement d’une « personne qui change de pays afin d’entreprendre un travail ou afin d’avoir un meilleur futur économique », selon le Conseil canadien pour les réfugiés, qui met en garde contre l’utilisation à l’emporte-pièce du terme, puisque « les motivations des migrant[·e·]s sont généralement très complexes et ne sont pas nécessairement immédiatement identifiables »i. Plusieurs demandeur·se·s d’asile et réfugié·e·s obtiennent un permis de travail dans leur pays d’accueil, devenant alors des travailleur·se·s migrant·e·s. Environ 90 % de la population mondiale dépend des remises d’argent des travailleur·se·s migrant·e·s, qui comptent pour plus d’un dixième du Produit intérieur brut (PIB) d’une trentaine de paysii. Ces revenus essentiels ont chuté de 20 % au cours de l’année 2020, d’après la Banque mondialeiii. Les effets du ralentissement économique provoqué par la pandémie sur les 164 millions de travailleur·se·s migrant·e·siv et leurs familles — bien souvent dépendantes de leur revenu généré en devises étrangères — ne sont pas uniquement économiques : de nombreux rapports font par exemple état d’une augmentation de la xénophobie, des discriminations, de détérioration de leurs conditions de travail ou encore de retours forcés dans leurs pays d’originev. « Les travailleurs migrants [et les travailleuses migrantes] sont souvent les premiers [et les premières] à être licencié[·e·]s, mais les derniers [et les dernières] à avoir accès à des tests ou à des traitements équivalents aux citoyens du pays d’accueil », s‘inquiète l’Organisation internationale du travail (OIT), qui souligne que l’exclusion des travailleur·se·s migrant·e·s de la plupart des politiques gouvernementales de support financier a entraîné une précarisation globale de cette catégorie de travailleur·se·s, déjà vulnérablevi. Une précarisation que n’a fait qu’accélérer la pandémie, dont les racines semblent remonter aux fondements du marché du travail globalisé. La main-d’œuvre bon marché y est souvent priorisée au détriment des droits et conditions de travail des employé·e·s. Préexistants à la COVID-19, donc, les systèmes d’exploitation de la main-d’œuvre migrante se déclinent en plusieurs variantes légales et empiriques. Penchons-nous sur le cas de l’Allemagne, de la Colombie et de la Malaisie.
Dépendance et démographie en Allemagne
L’Allemagne est souvent érigée en exemple d’accueil en Europe de l’Ouest, après avoir ouvert ses portes à 1,1 million de réfugié·e·s en 2015vii. Son hospitalité précède la fameuse vague migratoire, avec par exemple l’installation d’une population turque importante à partir des années 1960, ou encore l’introduction de contrats saisonniers temporaires pour l’agriculture et le secteur du BTPviii, vingt ans plus tardix. Avant la pandémie, 300 000 travailleur·se·s en provenance des pays d’Europe de l’Est se rendaient annuellement dans les camps et sur les chantiers allemandsx. La demande de main-d’œuvre étrangère se fait elle aussi croissante pour les emplois hautement qualifiés comme l’ingénierie, la pharmacie, la plomberie ou les soins infirmiersxi. D’après le ministère fédéral de l’Économie et de l’Énergie de l’Allemagne, plus de 60 % des employeurs disaient connaitre une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Cette réalité ne tend pas à s’améliorer, alors que la population âgée de 20 à 65 ans devrait diminuer de 3,9 millions au courant de la décennie, et de plus de 10 millions d’ici 2060xii. En mars 2020, la fermeture des frontières a fait craindre un débalancement du marché du travail allemand, dont certains secteurs sont dépendants de la mobilité des travailleur·se·s saisonnier·ère·s. Des fermier·ère·s ont même averti que cela poserait une possible menace à la sécurité alimentaire nationale, rapporte le New York Timesxiii. En réponse à ces préoccupations, le gouvernement a fait entrave aux mesures sanitaires et a autorisé les fermier·ère·s à faire venir par avion des travailleur·se·s de Bulgarie et de Roumanie, à hauteur de 40 000 personnes par mois, pour avril et mai exclusivementxiv. En date du 18 mai, seulement 28 000 travailleur·se·s avaient atterri en sol allemand, un chiffre à la baisse qui s’explique par le coût important et les défis logistiques qu’impliquait une telle opérationxv, le transport n’étant normalement pas pris en charge par les employeurs.
Pour les quelques dizaines de milliers de personnes qui ont traversé les frontières pour trouver un emploi, la réalité est loin d’être simple. À la suite du trajet, de nombreuses plaintes ont été recensées quant au manque de mesures sanitaires dans les transports, des critiques réitérées au sujet des logements attribués aux travailleur·se·s, souvent surpeuplésxvi. Sur les lieux de travail, les conditions ne sont souvent pas meilleures : fin juin, plus de 1 500 ouvrier·ère·s — la plupart originaires de Bulgarie, de Roumanie et de Pologne — ont reçu un résultat positif à la COVID-19 dans une usine de traitement de la viande, malgré les avertissements des épidémiologistes visant spécifiquement les abattoirsxvii. Bien que les travailleur·se·s étrangers soient exposés à des risques sanitaires importants, les salaires, eux, sont restés les mêmes. Au salaire minimum de 9,35 €/heure (environ 15 $ CAD) sont souvent soustraits les frais de transport, d’hébergement et d’alimentation, parfois sans que les salarié·e·s en soient informé·e·sxviii. Durant la pandémie, la période durant laquelle les migrant·e·s peuvent travailler légalement sans que leurs employeurs et employeuses soient contraint·e·s à cotiser à la sécurité sociale est passée de 70 à 115 joursxix, faisant croître la précarité des travailleur·se·s tout en favorisant le profit du patronat localxx. Pour beaucoup de travailleur·se·s en provenance d’Europe de l’Est, les conditions de travail précaires et les risques de contamination au virus sont le prix à payer pour survivre, le travail saisonnier étant leur principale source de revenuxxi. L’économie allemande semble dépendre elle aussi de leur contribution, même si la récente Loi sur l’immigration (« Fachkräftezuwanderungsgesetz »), entrée en vigueur le 1er mars 2020, est destinée à favoriser le travail migrant qualifié uniquementxxii. Un choix politique qui ne fait pas l’unanimité, alors que certain·e·s militant·e·s des droits du travail critiquent l’aggravation des inégalités qui touchent la main-d’œuvre peu qualifiée dans le contexte de la pandémiexxiii.
Malaisie : quand le salaire du travail est l’abus
En Malaisie, la demande en main-d’œuvre peu qualifiée au sein de l’industrie privée est en constante augmentation depuis les années 1970, favorisant l’entrée de migrant·e·s sur le marché du travailxxiv. Le pays d’Asie du Sud-Est compte aujourd’hui trois millions de travailleur·se·s étranger·ère·s, d’après la Banque mondiale, dont la moitié serait en situation irrégulièrexxv. La Malaisie n’est pas signataire de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, mais elle s’est engagée à protéger leurs droits en vertu de plusieurs standards de l’OITxxvi. Plusieurs expert·e·s soutiennent cependant que l’État a manqué à ses obligations depuis le déclenchement de la pandémiexxvii. Les critiques de négligences et d’abus précèdent la crise sanitaire et s’inscrivent dans un mouvement anti-migratoire plus large, comme l’écrit Pamungkas A. Dewanto : « politiquement, la forte demande en travailleurs [et travailleuses] peu ou moyennement qualifié[·e·]s a inspiré des discours populistes, qui incitent à considérer les travailleurs étrangers [et travailleuses étrangères] comme une nouvelle menace socio-économique pour la société d’accueil. En réponse aux campagnes populistes contre les travailleurs étrangers [et les travailleuses étrangères], les autorités locales ont entamé la « titrisation » de l’afflux de travailleurs migrants [et de travailleuses migrantes] depuis la fin 1991 en imposant des mesures migratoires et des pratiques policières plus fortes à l’encontre des migrant[·e·]s […] xxviii». La gestion gouvernementale des travailleur·se·s étranger·ère·s durant la crise sanitaire témoigne de cette tendance. Depuis mai, près de 20 000 ouvrier·ère·s ont été arrêté·e·s sur leurs lieux de travail respectifs et placé·e·s en centres de détentions surpeuplés, incubateurs du virusxxix. Une descente qui survient après l’annonce que l’accès aux tests serait étendu aux migrant·e·s en situation irrégulière, sans qu’ils et elles aient à craindre de répercussions légalesxxx. Le nombre de travailleur·se·s étranger·ère·s en situation irrégulière a lui-même bondi, même si les chiffres restent imprécis. Le confinement a été accompagné de nombreux licenciements, invalidant les permis de travail de ressortissant·e·s à majorité indonésien·ne·s, népalais·e·s ou bangladais·e·s et les plongeant dans l’illégalitéxxxi. Mohamed Rayhan Kabir, travailleur bangladais de 25 ans, a été arrêté pour enquête le 24 juillet 2020. Peu de temps avant, il aurait critiqué le traitement des migrant·e·s par les autorités malaisiennes dans un documentaire de la chaîne al-Jazeera. Son permis de travail a été révoqué et il a été menacé d’expulsion, malgré l’opposition d’associations comme Human Rights Watch, qui rappelle que « la protection internationale des droits humains s’applique normalement aux non-nationaux aussi bien qu’aux citoyen[·ne·]s, incluant les droits à la liberté d’expression et à une procédure judiciaire régulièrexxxii». Même si certaines industries se portent bien depuis le début de la pandémie, notamment celle des gants en caoutchouc jetablesxxxiii, le Fonds monétaire international (FMI) estime que l’économie malaisienne pourrait se contracter de 6 % en 2020xxxiv. Si l’économie dépend fortement de l’apport du travail migrant, le contexte sanitaire a permis la résurgence de discours anti-migratoires, comme un peu partout sur la planète. Un rapport de la Banque mondiale de 2015 indique cependant que la présence de travailleur·se·s étranger·ère·s en Malaisie a contribué à créer plus d’emplois moyennement ou très qualifiés pour les locaux, faisant mentir la conception répandue selon laquelle les migrant·e·s les en priveraientxxxv. Pour chaque augmentation de 10 % du nombre de travailleur·se·s migrant·e·s, l’économie malaisienne verrait son PIB augmenter de 1,1 %xxxvi.
En Colombie, la pandémie nuit à la cohésion sociale
En Colombie, le statut des travailleur·se·s migrant·e·s est différent : sur les 5,5 millions de personnes ayant fui les troubles politiques et l’effondrement économique au Venezuela depuis 2015, le tiers de ces personnes se sont réfugiées chez leur voisin colombienxxxvii. Bien qu’elles bénéficient pour beaucoup du statut de réfugié·e, elles ne bénéficient pas de protection supplémentaire sur le marché du travail. Avant la COVID-19, les frontières colombiennes étaient ouvertes aux familles vénézuéliennes et plus de 700 000 personnes ont reçu un permis de résidence et de travail, en plus d’avoir accès à l’aide humanitairexxxviii. « Historiquement, la relation entre les deux pays est tissée serrée. La frontière limitrophe est poreuse, il y a toujours eu une migration circulaire, des échanges et des intégrations dans les régions frontalières », explique en entrevue Martha Guerrero Ble de l’ONG Refugees International. Elle rappelle aussi qu’à une époque, de nombreuses et nombreux Colombien·ne·s fuyant la guerre civile se sont installé·e·s au Venezuela, ce qui peut expliquer leur relative hospitalité aujourd’hui.
En regard du traitement des Vénézuélien·ne·s, la Colombie se distingue des autres pays de la région. Le Pérou, le Chili et l’Équateur se sont désolidarisés bien avant la crise sanitaire et malgré la déclaration de Quito (2018), adoptée afin d’assurer l’accès aux migrant·e·s à une régularisation des statuts, à l’éducation, à la santé et au travailxxxix. Ces pays, où les Vénézuélien·ne·s pouvaient entrer sans passeport en 2019, réclament maintenant pour certains des visas : un moyen de restreindre leur entrée sur le territoire que Bogota n’a pas instauré, un filet social pour accueillir les réfugié·e·s étant déjà en place à cause de l’histoire du pays, qui comptait quatre millions de déplacé·e·s internes en 2012xl. En octobre 2019, les Vénézuélien·ne·s en Colombie gagnaient toutefois en moyenne 30 % de moins que leurs hôtes et étaient pour beaucoup confiné·e·s au secteur informelxli. D’après l’OIT, 46 % des Vénézuélien·ne·s travaillent dans le secteur informel, contre 35 % de Colombien·ne·sxlii, un secteur plus affecté par les restrictions liées à la pandémie.
Les pressions économiques qui affligent désormais la Colombie, aux prises avec un des confinements les plus stricts au monde, n’ont fait qu’accroitre ces inégalités et alimenter la xénophobie, jusque-là restée un phénomène marginalxliii. « La récession économique n’aide pas du tout à améliorer la cohésion sociale », souligne Mme Guerrero, qui ajoute que « le gouvernement national a vraiment fait tout en son pouvoir pour intégrer les Vénézuéliens à l’économie du pays, mais chaque région a un mode de gestion différent ». Rejointe au téléphone parL’Esprit libre, elle explique comment, outre la capitale et les métropoles comme Medellin ou Cali, de nombreux·ses réfugié·e·s s’installent dans les régions où le marché du travail est déjà saturé en temps normal et se retrouvent donc sans emploi ou avec des emplois encore plus précaires. xliv
Plus de 100 000 réfugié·e·s sont entré·e·s au Venezuela entre mars et octobre 2020, à défaut de pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs proches en Colombie. Des 69 % de familles qui consommaient trois repas par jour avant le confinement, seulement 26 % d’entre elles peuvent aujourd’hui se le permettre, parmi celles restées en Colombiexlv. « Il ne s’agit pas que d’une question économique mais d’une question de survie », commente Mme Guerrero, pour qui il est sans équivoque que les Vénézuélien·ne·s ne travaillent pas en Colombie par choix, mais parce que le salaire minimum mensuel dans leur pays d’origine ne dépasse pas deux dollars américainsxlvi.
Pourtant, le statut de réfugié·e octroyé aux Vénézuélien·ne·s les protège sur le plan professionnel également, comme l’explique Mme Guerrero : « La plupart des migrant[·e·]s économiques sont invisibles. Pour [celles et] ceux qui n’ont pas accès à la régularisation de leur statut ou à un permis de travail, c’est facile pour les gouvernements de s’en laver les mains. Les Vénézuélien[·e·]s en Colombie subissent des discriminations et des abus sur le marché du travail, mais leur reconnaissance légale et la protection internationale dont [elles et] ils font l’objet est un avantage, parce qu’elles permettent aux institutions de faire pression sur le gouvernement et de prendre action pour améliorer les conditions de vie et de travail des plus précaires ».
Comme dans le cas des millions de travailleur·e·s migrant·e·s dans le monde, la pandémie a mis en lumière une précarité et des inégalités préexistantes en Colombie. Elle a également contraint une partie de la classe politique à prendre conscience de l’ampleur de la dépendance au travail migrant, et les bénéfices que peut avoir l’intégration au marché du travail formel des migrant·e·s, pour elles et eux comme pour l’économie et les travailleur·e·s locauxxlvii.
Révision de fond : Catherine Paquette et Any-Pier Dionne
Révision linguistique : Simone Laflamme
i Conseil canadien pour les réfugiés, « À propos des réfugiés et des immigrants : Un glossaire terminologique ». https://ccrweb.ca/files/glossaire.pdf.
iiUN News, « Uncertain future for migrant workers, in a post-pandemic world », 19 septembre 2020. https://news.un.org/en/story/2020/09/1072562.
iii Ibid.
iv Organisation internationale du travail (OIT), « Protéger les travailleurs migrants pendant la pandémie de COVID-19. Recommandations aux décideurs politiques et aux mandants », mai 2020. https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—ed_protect/—protrav/—migrant/documents/publication/wcms_745197.pdf.
v Ibid.
vi Ibid.
vii Marcus Kahmann et Adelheid Hege, « Allemagne. Employeurs et réfugiés : l’intégration au service d’une stratégie de long terme », Chronique internationale de l’Institut de recherches Économiques et Sociales (IRES), n.154, 2016. http://www.ires.fr/publications/chronique-internationale-de-l-ires/item/4399-allemagne-employeurs-et-refugies-l-integration-au-service-d-une-strategie-de-long-terme.
viii Bâtiment et travaux publics.
ix Ibid.
x Melissa Eddy, « Farm Workers Airlifted Into Germany Provide Solutions and Pose New Risks », The New York Times, 18 mai 2020. https://www.nytimes.com/2020/05/18/world/europe/coronavirus-german-farms-migrant-workers-airlift.html.
xi Danya Bobrovskaya et Olga Gulina, « Is Germany Encouraging Migrants in Skilled Labour? », Legal Dialogue, 20 janvier 2020. https://legal-dialogue.org/is-germany-inviting-new-labor-migrants.
xii Ibid.
xiii Melissa Eddy, op.cit.
xiv Ibid.
xv Ibid.
xvi Maxim Edwards, « Fruit picking in a pandemic : Europe’s precarious migrant workers », Global Voices, 14 juillet 2020. https://globalvoices.org/2020/07/14/fruit-picking-in-a-pandemic-europes-precarious-migrant-workers/.
xvii Ibid.
xviii Ibid.
xix Ibid.
xx Paula Erizanu, « Stranded or shunned : Europe’s migrant workers caught in no-man’s land », The Guardian, 16 avril 2020. https://www.theguardian.com/world/2020/apr/16/stranded-or-shunned-europes-migrant-workers-caught-in-no-mans-land.
xxi Maxim Edwards, op.cit.
xxii Sertan Sanderson, « Allemagne : une nouvelle loi sur l‘immigration pour pallier le manque de main d‘œuvre », Infomigrants, 28 février 2020. https://www.infomigrants.net/fr/post/23077/allemagne-une-nouvelle-loi-sur-l-immigration-pour-pallier-le-manque-de-main-d-oeuvre.
xxiii Maxim Edwards, op.cit.
xxiv Pamungkas A. Dewanto, « Labouring Situations and Protection among Foreign Workers in Malaysia », Henrich Böll-Stiftung, 20 aout 2020. https://th.boell.org/en/2020/08/20/labouring-situations-malaysia.
xxv Ibid.
xxvi Eric Paulson, « The need to value, not vilify, migrant workers », FMT News, 3 août 2020. https://www.freemalaysiatoday.com/category/opinion/2020/08/03/the-need-to-value-not-vilify-migrant-workers/.
xxvii Yen Nee Lee, « Neglect of migrant workers could hurt Malaysia’s economic recovery », CNBC, 4 novembre 2020. https://www.cnbc.com/2020/11/05/covid-19-migrant-worker-neglect-may-hurt-malaysia-economic-recovery.html.
xxviii Citation originale : « Yet, politically, the high demand for foreign low-to-medium skilled worker has inspired populist claim which considers foreign workers the new social-economic threat for the host society. In response to the populist campaign against foreign labourers, local authorities have been “securitizing” the inflow of foreign workers since late 1991 by imposing stronger immigration and policing practice against irregular migrants […] » (notre traduction). Pamungkas A. Dewanto, op.cit.
xxix Tan Theng Theng et Jarud Romadan, « The Economic case against the Marginalisation of Migrant Workers in Malaysia », The London School of Economics and Political Science, 1er octobre 2020. https://blogs.lse.ac.uk/seac/2020/10/01/the-economic-case-against-the-marginalisation-of-migrant-workers-in-malaysia/.
xxx Yen Nee Lee, op.cit.
xxxiIbid.
xxxiiCitation originale : « International human rights protections normally apply to non-nationals as well as citizans, including the rights of freedom of expression and due process. » (notre traduction). Human rights watch, « Malaysia : Free Outspoken Migrant Worker », 29 juillet 2020. https://www.hrw.org/news/2020/07/29/malaysia-free-outspoken-migrant-worker.
xxxiii Ushar Daniele, « Malaysian employers shocked, angry over fines ruling for overcrowded migrant workers’ lodgings », Arab News, 30 novembre 2020. https://www.arabnews.com/node/1770666/world.
xxxiv Yen Nee Lee, op.cit.
xxxv Pamungkas A. Dewanto, op.cit.
xxxvi Ibid.
xxxvii Jennifer Bitterly, « Venezuelan migrants left in the lurch as COVID-19 stalls regional reforms », The New Humanitarian, 15 octobre 2020. https://www.thenewhumanitarian.org/analysis/2020/10/15/Venezuela-Colombia-migrants-legislation-documents.
xxxviii Jimmy Graham et Martha Guerrero, « The Effect of COVID-19 on the Economic Inclusion of Venezuelans in Colombia », Refugees International and Center for Global development, 28 octobre 2020. https://www.refugeesinternational.org/reports/2020/10/26/the-effect-of-covid-19-on-the-economic-inclusion-of-venezuelans-in-colombia.
xxxix Bitterly, op.cit.
xl UNHCR, « Colombie », 2012. https://www.unhcr.org/fr/51efd16d0.pdf.
xli Ibid.
xlii Jimmy Graham et Martha Guerrero Ble, op.cit.
xliii Ibid.
xliv
xlv Ibid.
xlvi Mariana Palau et Manuel Reda, « Venezuelans once again fleeing on foot as troubles mount », Associated Press, 9 octobre 2020. https://apnews.com/article/virus-outbreak-transportation-medellin-immigration-colombia-98d010ec0c97c02ec7682250b14a50e0.
xlvii Jimmy Graham et Helen Dempster, « Improving Venezuelans’ Economic Inclusion in Colombia Could Contribute 1$ Billion Every Year », Center for Global Development, 2 octobre 2020. https://www.cgdev.org/blog/improving-venezuelans-economic-inclusion-colombia-could-contribute-1-billion-every-year.
par Rédaction | Oct 29, 2020 | International
Par Adèle Surprenant
Le 9 septembre 2020, un incendie a ravagé Moria, le plus grand camp de migrant.e.s d’Europe situé sur l’île grecque de Lesbos1. Un évènement qui survient quelques semaines avant l’annonce d’un nouveau Pacte sur les migrations et l’asile par la Commission européenne et alors que les impacts de la pandémie de Covid-19 sur les mouvements migratoires continuent à se faire sentir à l’échelle planétaire.
C’est poussé.e.s par les flammes que les 12 000 habitant.e.s de Moria ont été contraint.e.s de mettre fin à six mois de confinement et reprendre la route, début septembre, alors que partait en fumée la quasi-totalité du camp, initialement conçu pour héberger un maximum de 3 000 personnes. En mars 2019, le camp et ses infrastructures bancales avaient accueilli jusqu’à 22 000 migrant.e.s, devenant un symbole de l’échec de l’Union européenne (UE) dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée.
La source de cet échec se loge, pour certain.e.s, dans le Règlement de Dublin, qui prévoit notamment que la responsabilité envers la personne demandant l’asile dans l’espace Schengen revient au premier pays d’entrée, que cette entrée soit régulière ou non2. Par conséquent, ce sont les pays du sud de l’Europe comme la Grèce, l’Espagne, l’Italie et Malte sur qui repose en grande partie une charge migratoire qu’ils peinent à assumer, faute de moyens économiques et de solidarité de la part des États membres plus favorisés.
Le Pacte sur les migrations et l’asile dévoilé le 23 septembre tend d’ailleurs à rendre obligatoire le principe de solidarité censé répartir la pression migratoire plus équitablement entre les États de l’UE. Il prévoit un assouplissement des mesures induites par le Règlement de Dublin et un renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen afin de filtrer plus rapidement les demandeur.se.s d’asiles susceptibles de voir leurs demandes reçues positivement3. Surtout, le Pacte inclut la contribution de chaque État membre à l’accueil, la prise en charge matérielle ou la déportation des migrant.e.s, en fonction de leur population et de leurs poids économiques dans l’UE4. Suite à l’échec de l’imposition des quotas de répartitions des nouveaux arrivants entre les États membres lors de la crise migratoire de 2015, Bruxelles tente désormais d’assurer une contribution financière minimale de la part de tous. Les paramètres de cette contribution restent à être déterminés.
« Le Pacte met tout sur les frontières et rien sur ces personnes, qui sont des humains avant d’être des migrant.e.s », réagit la professeure et géographe à l’Université de Montréal (UdeM) Luna Vives, pour qui les annonces récentes de Bruxelles sont loin d’être suffisantes pour répondre aux besoins en matière de migration et reconduit l’approche répressive de l’UE sur les questions migratoires. Par exemple, en 2019, déjà 53 000 étranger.ère.s étaient placé.e.s en rétention en France uniquement, 23% de plus que l’année précédente5.
Selon le New York Times, reste à voir comment la proposition « va survivre au processus d’approbation labyrinthique (de la Commission européenne) et, le cas échéant, comment (s)es failles vont être comblées6 ». Six mois après le début de la pandémie de Covid-19, rien n’est moins sûr.
Migrations et répressions
« Les choses ont changé et n’ont pas changés à la fois », commente Mme Vives en référence à la pandémie, ajoutant que « les raisons pour lesquelles les migrant.e.s doivent quitter leur pays d’origines sont encore là, sinon encore plus prégnantes », qu’elles soient économiques ou liées à des violences politiques et sociales. Même si le temps a pour certain.e.s semblé s’arrêter durant le confinement, la crise sanitaire mondiale « n’a pas mis fin aux conflits, aux régimes autoritaires, aux féminicides, à la persécution des militant.e.s des droits humains, des minorités religieuses et sexuelles7 », fragilisant au contraire la situation des populations les plus précaires8.
« Ce qui n’a pas changé non plus, continue Mme Vives, est le manque d’engagement de l’UE et de ses États membres à la volonté de se plier aux engagements qu’ils ont pris ». À commencer par la Convention relative aux droits des réfugiés de 1951, contraignant les pays signataires à accepter sur son territoire toute personne demandant l’asile – après évaluation de cette demande.
Au nom de la sécurité nationale, mise en cause par la crise sanitaire d’après plusieurs gouvernant.e.s européen.ne.s, les engagements internationaux relatifs aux droits des personnes migrantes ont été écartés : de la fermeture des frontières extérieures de l’UE en date du 17 mars 2019 à la suspension des services d’asile en Espagne, en Italie, en Hongrie et ailleurs9, « la pandémie a donné [aux gouvernements] un prétexte pour proposer des réformes politiques qui étaient impensables il y a quelques mois », d’après Mme Vives. En référence au Pacte sur la migration et l’asile, la spécialiste des contrôles frontaliers en Europe et au Canada soutient qu’ « il y a une idée selon laquelle une situation exceptionnelle nécessite des mesures exceptionnelles, mais malheureusement, les mesures prises et proposées s’inscrivent dans une continuation de l’attaque contre ceux qui sont déjà à risques, déjà vulnérables, donc les personnes racisés ou fuyant des situations de pauvreté ou de violence ».
La précarisation des migrant.e.s n’est donc ni une nouveauté, ni le seul phénomène à connaître une accélération dû à la pandémie de Covid-19. Pour les 270 millions de migrant.e.s internationaux recensé.e.s par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en 2019, incluant plus de 610 000 demandeur.se.s d’asile en Europe exclusivement10, les perspectives migratoires ont été infléchies par les mesures sanitaires et sécuritaires imposées par les gouvernements depuis mars dernier.
« Par le passé, la vaste majorité des personnes qui entraient en UE d’Afrique ou du Moyen-Orient le faisaient par avion avec un visa, un document de voyage. Ceux qui arrivaient par la terre ou la mer étaient une fraction minime du total [des migrants, NDLR]. Mais maintenant que les bureaux de visas sont fermés et que les procédures sont beaucoup plus longues, ce qu’il risque d’arriver est qu[e le pourcentage] de personnes qui tentent d’entrer l’espace Schengen illégalement va augmenter », d’après Luna Vives, pour qui l’avenir des migrations en Europe ne présage rien de beau. En répondant aux vagues migratoires avec les outils propres aux gouvernements européens et nord-américains – soit la militarisation, l’externalisation11, la détention et la déportation -, les migrant.e.s sont de plus en plus dirigés vers des trajets risqués12.
Alors même que le nombre de demandes d’asiles déposées en Europe est revenu à celui d’avant la « crise migratoire » de 2015, « on est restés dans ce narratif et dans cet imaginaire de crise », commente le chercheur et spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement François Gemenne, en entrevue à France Culture13. Un imaginaire nourri au racisme et à la xénophobie, alimentés à leur tour par l’instrumentalisation politique de la pandémie.
Horizons, frontières et limites
D’après Jagan Chapagain, secrétaire général de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), l’inégalité dans les traitements et dans l’accessibilité au futur vaccin pourrait d’ailleurs pousser certain.e.s habitant.e.s du Sud global à migrer, malgré les promesses de l’Organisation mondiale de la santé qui assure un accès « universel, rapide et équitable » à la vaccination14.
Une fuite massive des cerveaux (ou « brain drain ») pourrait également être à craindre dans les pays du Sud global, particulièrement en ce qui concerne les professions médicales : aux États-Unis, plus du quart des médecins pratiquant.e.s sont formés à l’étranger, des chiffres qui s’élèvent à 40% en Irlande15.
À moyen-long terme, la pandémie de Covid-19 risque aussi d’avoir des effets catastrophiques sur la situation économique des pays d’origine des migrant.e.s, puisque l’appauvrissement général des migrant.e.s en territoire d’accueil dû au « ralentissement » de l’économie mondiale, entraîne la baisse des envois de fonds vers leurs proches restés au pays. La Banque Mondiale prévoyait, fin avril, une chute de 20% des remises migratoires en 2020, alors que ces remises constituaient, l’an dernier, jusqu’à 37,1% du Produit intérieur brute (PIB) haïtien, 34,4% du PIB au Soudan du Sud et 29,2% au Kirghizistan16.
En plus du resserrement des politiques migratoires, la croissance économique atone qui plombe l’Europe depuis plus de six mois risque de rebuter les personnes souhaitant migrer afin d’améliorer leur situation matérielle et celle de leurs proches17. De la même manière, les pays d’Europe occidentale qui dépendaient de la main d’œuvre migrante temporaire dans les secteurs essentiels, comme l’agriculture ou la santé, seront contraints de repenser l’organisation du travail à l’échelle nationale.
Une remise en cause globale de la mobilité et du travail qui n’est pas la même pour tous.te.s. Certain.e.s entrepreneur.se.s ont profitées de la Covid-19 et de la popularisation du télétravail pour se lancer en affaires. C’est le cas de Yacine Bakouche et de l’agence Best Of Tours (BOT), qui a décidé d’investir dans le teletravel (« télévoyage », en français). Le concept : proposer aux télétravailleur.se.s de partir à l’étranger pour des périodes de 6 à 12 semaines tout en poursuivant leurs activités professionnelles et en « découvr(ant) en même temps une région, un pays, une culture, non pas au pas de course mais en prenant le temps de comprendre un mode de vie, une langue et des coutumes », soutient le directeur général de la BOT18.
Dans une vidéo de promotion vantant les avantages du teletravel, la voix suave d’une actrice assure à l’auditeur.trice que « c’est maintenant que commence le vrai voyage », alors que défile les paysages de rêve. En bas d’une illustration de valise pleine à craquer, on peut lire : « n’attendez-pas d’être en vacances pour voyager » .
La pandémie de Covid-19 a certes agit d’incubateur pour des innovations comme celles-ci. Pour François Gemenne, en l’occurence, certaines choses resteront les mêmes : « de la même manière que Moria existe parce que Moria est à 9 km des côtes turques, rappelle-t-il à l’antenne deFrance Culture, Calais existera toujours en tant que point de départ des migrants tant que Calais restera situé à 35 km des côtes anglaises » .
1 Farsi, Sepideh. 22 septembre 2020. « À Lesbos, le désespoir des migrants après l’incendie du camp de Moria » dans Médiapart. [En ligne]. https://www.mediapart.fr/journal/international/220920/lesbos-le-desespoir-des-migrants-apres-l-incendie-du-camp-de-moria?onglet=full (page consultée le 24 septembre 2020)
2 Néraudau, Emmanuelle. « Qu’est-ce que le règlement Dublin? » dans Migrations en questions. [En ligne]. https://www.migrationsenquestions.fr/question_reponse/667-quest-ce-que-le-reglement-dublin/ (page consultée le 26 septembre 2020)
3 France 24. 23 septembre 2020. Bruxelles a dévoilé sa nouvelle réforme de la politique migratoire. [En ligne]. https://www.france24.com/fr/20200923-bruxelles-d%C3%A9voile-sa-nouvelle-r%C3%A9forme-de-la-politique-migratoire (page consultée le 23 septembre 2020)
4 Stevis-Gridness, Matina. 23 septembre 2020. « E.U. Offers Cash and More Deportations in New Plans for Migrants » dans The New York Times. [En ligne]. https://www.nytimes.com/2020/09/23/world/europe/eu-migrants-asylum-deportation.html (page consultée le 24 septembre 2020)
5 Brahim, Nejma. 22 septembre 2020. « Les étrangers toujours plus nombreux enfermés en rétention » dans Médiapart. [En ligne]. https://www.mediapart.fr/journal/france/220920/les-etrangers-toujours-plus-nombreux-enfermes-en-retention (page consultée le 26 septembre 2020)
6 Stevis-Gridness, op.cit.
7 Bruel-Courville, Jacob. Canada : l’asile et la gestion des frontières au temps de la Covid-19. [En ligne]. https://dynamiques-migratoires.chaire.ulaval.ca/migration-et-covid-19/3-10-canada/ (page consultée le 23 septembre 2020)
8 D’après le Programme alimentaire mondial de l’ONU, plus de 265 millions de personnes pourraient connaître des limitations alimentaires à la fin de 2020, ce qui représente 130 millions de personnes supplémentaires à ce qui était prévu en 2019. Poletaev, Dmitry. 23 mai 2020. « What Effect Will the Coronavirus Pandemic Have on Migration Issues? » Dans Modern Diplomacy. [En ligne]. https://moderndiplomacy.eu/2020/05/23/what-effect-will-the-coronavirus-pandemic-have-on-migration-issues/ (23 septembre 2020)
9 Bloj, Ramona, Olivier Lenoir et Elena Maximin. 11 mai 2020. « Carthographier, comprendre les migrations au temps du Covid-19 : 10 points » dans Le Grand Continent. [En ligne]. https://legrandcontinent.eu/fr/2020/05/11/10-migration-covid-19/ (page consultée le 24 septembre 2020.
10 Bloj, Ramona, Olivier Lenoir et Elena Maximin, op.cit.
11 L’externalisation est ici entendue comme le fait, pour les pays occidentaux, de rémunérer les pays du Sud global, à la fois pays d’origines et de transits des migrants, pour qu’ils acceptent la responsabilité d’arrêter les mouvements migratoires avant qu’ils pénètrent les frontières européennes, nord-américaines ou encore australiennes. On pense par exemple à la Turquie et la Lybie pour l’Europe ou au Guatemala et au Salvador pour les États-Unis. Ces pays ”manquent de volonté politique ou de ressources pour respecter les droits humains, les droits des migrants et des enfants”, d’après Luna Vives.
12 Selon l’Organisation mondiale pour la migration (OMM), le taux de mortalité chez les migrant.e.s traversant la Méditerranée centrale est passée de 2,6% en 2017 à 3,5% en 2018, pour atteindre les 10% en avril 2019. Bloj, Ramona, Olivier Lenoir et Elena Maximin, op.cit.
13 Erner, Guillaume. 11 septembre 2020. « Les migrations au carrefour des crises » dans L’invité(e) des matins de France Culture. [En ligne]. https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/les-migrations-au-carrefour-des-crises (page consultée le 25 septembre 2020)
14 Larson, Nina. 24 juillet 2020. « La pandémie pourrait entraîner des migrations « massives », selon la Croix-Rouge » dans La Tribune. [En ligne]. https://www.latribune.fr/economie/international/la-pandemie-pourrait-entrainer-des-migrations-massives-selon-la-croix-rouge-853508.html (page consultée le 24 septembre 2020)
15 Bloj, Ramona, Olivier Lenoir et Elena Maximin, op.cit.
16 Bloj, Ramona, Olivier Lenoir et Elena Maximin, op.cit.
17 Bloj, Ramona, Olivier Lenoir et Elena Maximin,op.cit.
18 Borio, Anaïs. 22 juillet 2020. « Télétravail à l’étranger : Best Of Tours investit dans le ”teletravel” » dans DMC Mag. [En ligne]. https://www.tourmag.com/Teletravail-a-l-etranger-Best-Of-Tours-investit-dans-le-Teletravel_a104629.html (page consultée le 29 septembre 2020)
19 Best of Tours. 8 juillet 2020. « Best Of Tour invente le Teletravel! » dans Youtube. [En ligne]. https://www.youtube.com/watch?v=Qv-Kx-fVmfE&feature=youtu.be (page consultée le 29 septembre 2020)
20 Erner, op.cit.
par Rédaction | Déc 14, 2017 | Environnement, International, Opinions
Par Pierre-Luc Baril
Avec les tremblements de terre qui ont secoué le Mexique ou la série d’ouragans qui a balayé les côtes de l’Atlantique en août 2017, il est difficile de nier la présence des changements climatiques. Nombreux·euses sont les expert·e·s qui se questionnent sur les conséquences des changements du climat sur les populations. En août dernier, la revue Science Advances publiait une étude réalisée par des chercheur·e·s états-unien·ne·s et asiatiques. En bref, cette étude sur « les températures mortelles dans les régions de l’Asie du Sud » [1] affirmait que, d’ici moins d’un siècle, la température en Asie du Sud rendra la région difficilement habitable. Il est donc nécessaire de se questionner sur la problématique éventuelle du déplacement des habitant·e·s de ces régions, qui devront déménager pour survivre. Ce phénomène constitue la migration climatique.
Définir la migration climatique
Parce qu’elle implique directement des sociétés humaines, cette problématique est sociologique. À l’instar de tout autre phénomène sociologique, la migration climatique reste un concept délicat à définir. M. Laurent Lepage, professeur associé à l’Institut des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), explique l’importance de ne pas confondre les définitions. « Il faut comprendre qu’il n’existe pas de définition légale, c’est-à-dire formelle, sur le plan du droit international, de la migration climatique » dit-il. Ce préambule permet de faire la distinction entre ce concept et d’autres qui pourraient y être associés, comme celui de réfugié politique.
Cependant, M. Lepage reconnait qu’il existe une définition du phénomène en dehors du cadre juridique. Il propose ainsi une définition qui comprend trois éléments : le changement du climat, la transformation du milieu de vie et une population vulnérable. Ainsi, pour qu’il y ait migration climatique, il faut que la cause préalable en soit les changements climatiques. Même s’il est difficile de nos jours de nier l’existence de ces changements, nous entendons ici des perturbations majeures. On peut parler, par exemple, de la désertification ou de l’augmentation du niveau de l’eau des océans.
Ces changements du climat entraineront la transformation du milieu de vie. Comme l’explique M. Lepage, « dans les cas de désertification, comme au Sahel, le prolongement du désert oblige les populations qui vivent d’agriculture primaire à se déplacer ». Par conséquent, les changements de l’environnement immédiat ont des répercussions sur les modes de vie des populations locales de ce territoire subsaharien.
Il s’agit du dernier élément qui définit la migration climatique : les populations vulnérables. Comme le montrait l’exemple du Sahel, en Afrique, les populations qui vivent dans des situations de précarité, c’est-à-dire, pour citer Laurent Lepage, « que la moindre variation du climat peut mettre en danger », sont les plus à risque de devoir se déplacer.
La migration climatique se définit donc par le déplacement d’une population vulnérable en raison de la transformation de son milieu de vie causée par les changements climatiques.
Les conséquences des mouvements de populations
Bien entendu, le déplacement massif d’une population n’est pas sans conséquence. D’abord, ce type de migration est causé par le changement du climat qui vient lui-même avec des conséquences importantes dont, entre autres, la désertification, la fonte des glaces, les glissements de terrain, les inondations et les ouragans.
Pour le professeur Lepage, les régions les plus à risque sont les zones riveraines. Il donne l’exemple du Bangladesh, pays situé à la hauteur du niveau de la mer, où les populations riveraines ont dû migrer vers des régions plus hautes. Elles se retrouvent ainsi complètement aliénées de leur mode de vie traditionnel.
Il n’est pas nécessairement chose aisée de faire face à un tel mouvement de population. Comme le rapportent Laetitia Van Eeckhout et Stéphane Foucart, journalistes au journal Le Monde, l’Internal Displacement Monitoring Center estime à 25 millions le nombre de personnes qui ont dû se déplacer en raison de catastrophes naturelles, entre 2008 et 2014 [2].
À certains endroits du globe, les populations locales et migrantes devront peut-être entrer en conflit afin d’acquérir les ressources nécessaires à leur survie. Ces populations, qui sont parfois vulnérables, sont en effet sujettes à des conflits armés et à une précarisation de leurs conditions de vie [3]. C’est le cas, comme l’explique M. Lepage, des populations du couloir israélo-palestinien, qui doivent survivre malgré de l’eau potable.
M. Lepage met aussi en garde contre une explication unicausale : « Certaines espèces animales répondent aux conditions climatiques à la manière d’un déterminisme sain. Lorsqu’il fait plus chaud, certains poissons remontent vers le nord. Mais il ne faut pas tomber dans le piège de penser que la population humaine se modifie de la même façon ». Ainsi, les conflits armés et la violence peuvent être une conséquence de la migration climatique, mais ils n’en sont pas des conséquences directes. Ici, M. Lepage favorise plutôt une approche multicausale pour prendre en compte tous les facteurs, économiques, sociaux et politiques, pour expliquer de tels affrontements.
Le rôle des États : un devoir humanitaire
Qu’ils le veuillent ou non, tous les États, économiquement forts ou en voie de développement, devront faire face aux changements climatiques et, par la même occasion, à la migration climatique. Mais quelles attitudes devront-ils adopter face à ces bouleversements ?
Dans son essai Un nouveau droit pour la terre, pour en finir avec l’écocide, la juriste Valérie Cabanes parle de « la responsabilité objective des dirigeants » [4]. Elle entend par ce terme la reconnaissance juridique de la destruction de l’environnement, qu’elle qualifie de crime. En proposant la criminalisation des entreprises et des organisations politiques dont les activités sont dommageables pour l’environnement, elle espère susciter une prise de conscience des décideurs et décideuses quant aux conséquences des gestes qu’ils et elles posent sur l’environnement.
Pour Laurent Lepage, cette conscientisation est évidente et nécessaire : « les États doivent accepter l’idée que ces changements vont perdurer dans le temps ». À partir de cette prémisse, l’État doit développer son rôle qui est d’anticiper les adaptations nécessaires aux changements climatiques. Cette responsabilité se développe sur deux volets.
D’abord, explique-t-il, les États doivent prendre en charge les conséquences possibles des changements climatiques sur leur territoire. Par exemple, en construisant un réseau routier à l’abri de l’élévation du niveau de l’eau, ou encore en modifiant le code du bâtiment. Ces mesures permettraient de limiter les dégâts causés par les transformations de l’environnement.
Ensuite, les pays à l’économie forte et stable ont le devoir, soutient-il, de fournir de l’aide aux populations vulnérables des pays en développement. De cette façon, l’aide apportée aux populations vulnérables permettrait de limiter la migration climatique. Pour M. Lepage, « il faut donner à toutes les communautés le droit de rester elles-mêmes ».
Il appartient donc aux États, à titre de plus haute instance politique, de prendre conscience des changements climatiques, d’anticiper ces changements et de protéger les populations vulnérables.
Un défi pour le futur
Les migrations climatiques constituent donc un phénomène inévitable. Il est essentiel, pour faire face à ces mouvements, de réduire les répercussions de nos activités sur l’environnement, au moyen de la réduction des gaz à effet de serre et de l’exploitation des ressources naturelles. Enfin, il est également de la responsabilité des gouvernements, sur tous les plans, de prévoir le monde de demain et les transformations que subira le climat. Il en va d’abord et avant tout du respect de l’environnement, mais également d’un puissant devoir d’humanité et de solidarité.
Crédit photo: Mathieu Willcocks/MOAS.eu 2016
*L’auteur remercie chaleureusement le professeur Laurent Lepage pour son temps et ses commentaires.
[1] Eun-Soon Im et al., « Deadly heat waves projected in the densely populated agricultural regions of South Asia », Science Advances, vol. 3, no. 8 (2017), <http://advances.sciencemag.org/content/3/8/e1603322>, consulté le 25 septembre 2017.
[2] Laetitia Van Eeckhout et Stéphane Foucart, « Le changement climatique, facteur de déstabilisation et de migration », Le Monde, 11 septembre 2015, consulté le 26 septembre 2017, < http://www.lemonde.fr/climat/article/2015/09/11/le-changement-climatique…
[3] Patrick Artus et Marie-Paule Virard, Globalisation, le pire est à venir, La Découverte, Paris, 2008, p. 61-69
[4] Valérie Cabanes, Un nouveau droit pour la terre, pour en finir avec l’écocide, Éditions du Seuil, Paris, 2016, p. 319.