par Balado Voix libres | Mai 29, 2024 | Balados
Qui peut/doit sauver la planète?
Le discours sur la décroissance qui se généralise. Les pratiques éthiques, écologiques et responsables se multiplient. Chacun adapte sa façon de vivre et modifie ses habitudes. Une remise en question louable et nécessaire, mais est-ce suffisant?
Et si on prenait du recul sur la situation du monde pour se rendre compte que tout le monde ne fait pas ses devoirs. Le Canada pollue toujours plus et recycle toujours aussi mal, alors que l’Accord de Paris l’a engagé à des objectifs concrets. Quid des multinationales ultras pollueuses dont l’existence repose sur la croissance et le profit.
Le décalage est étourdissant : acheter bio et local versus augmenter la production de 40% de l’industrie du plastique dans la prochaine décennie.
Tout en restant pragmatique et axés sur les solutions, cet épisode tente de pousser la réflexion sur l’écoresponsabilité. Sommes-nous surresponsabilisés ?
Invité·es :
Sophie Van Neste, professeure-chercheure à l’INRS. Elle travaille notamment sur transition écologique et les actions collectives
Hugue Asselin, membre et coordonateur du Centr’ERE (Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté)
René Audet, sociologue de l’environnement et membre de la Chaire de recherche sur la transition écologique
Durée : 1 heure 19 minutes
L’équipe
Marine Caleb : coanimation, recherche, communications, technique, montage, coordination
Any-Pier Dionne : technique, recherche, communications
lespritlibre.org/
facebook.com/revuelespritlibre/
Pour aller plus loin :
“Comment les industriels ont abandonné le système de la consigne. Eh bien, recyclez maintenant !”, par Gregory Chamayou, dans le Monde diplomatique
Neoliberalism has conned us into fighting climate change as individuals, par Martin Lukacs, dans The Guardian
L’avion, plaisir coupable de l’écolo voyageur, par Pascale Krémer, sur leMonde.fr
BD de l’illustratrice Emma : Elle parle de la culpabilisation ressentie et explique que notre marge de manoeuvre est très limitée, car la logique marchande domine et la société est construite par un petit nombre de personnes capitalistes.
Elle y aborde le fait que les petits gestes du quotidien ne sont pas accessibles à tout le monde, de même que cela rajoute du poids à la charge mentale des femmes. Enfin, elle dénonce l’effet loupe. Soit le fait d’avoir l’impression que nos petites actions font la différence. Si on dézoome, c’est loin d’être suffisant.
Why large-scale activism is the ‘most powerful path out of climate despair’, sur CBC
« Individual action simply can’t get us to zero [carbon] emissions, » he told Tapestry host Mary Hynes. « Ultimately, those efforts are marginal compared to what can be achieved through policy and through politics, and that for me is why we need to focus on those levers. »
« Our whole societies are organized around very high intensive carbon emissions and it is extremely overwhelming to try to think about these issues, to try to think about what we’re up against, » said Norgaard, who explores the subject in her book Living in Denial: Climate Change, Emotions and Everyday Life. She adds that while denial might be « a very natural response » for some, not everyone has this blind spot.
« For communities who have never benefitted, materially or symbolically, from the modern nation-states — Indigenous communities being the most clear of these — it is not so difficult to challenge these [institutions]. »
10 retombées positives de l’action contre les changements climatiques, sur Unpointcinq. Cet article aborde les effets psychologiques, sanitaires et sociaux de ces actions.
par Rédaction | Juil 26, 2021 | Analyses, Environnement, International
Par Louise Van Brabant
À travers son œuvre polymorphe, Caroline Lamarche interroge en filigrane la place que les êtres humains accordent aux animaux dans leur vie quotidienne. Elle nourrit les réflexions de notre époque en élaborant des récits tout en nuances, dans lesquels se découvre un espace où tombent les conventions régissant les sociétés humaines autant que celles attribuées au monde animal.
Autrice belge d’expression française née à Liège en 1955, Caroline Lamarche construit des récits aux formes multiples où s’entremêlent l’amour et la douleur pour tracer un portrait vibrant de notre époque. Le Jour du chien (Les Éditions de Minuit, 1996) et Nous sommes à la lisière (Gallimard, 2019), respectivement ses premier et dernier ouvrages en date, se font écho tant par le fond que par la forme et balisent une production littéraire où la sensibilité à l’être vivant dans toute sa diversité occupe une place de premier plan. En novembre 2019, Caroline Lamarche nous a accordé un entretien1 paru dans le numéro d’hiver de la Revue générale, dont le dossier avait pour sujet Des animaux et des hommes. Lamarche y livre des réflexions et des anecdotes personnelles ayant trait à son enfance, à ses croyances, aux livres marquants de sa jeunesse et plus encore Tous ces évènements et ces ouvrages ont nourri son rapport au monde et, corollairement, son œuvre littéraire, en ce sens qu’elle vise à atteindre une certaine universalité par l’utilisation d’une matière personnelle, qui reflète une dimension plus politique de notre relation aux éléments extérieurs. Nous pouvons ainsi lier ces réflexions globales sur l’état du monde à une œuvre qui, si elle n’est certainement pas une version romancée d’un message politique, manifeste un rapport au monde qui nous apparaît particulièrement conscient de l’interdépendance fondamentale des êtres qui peuplent la Terre.
Notre époque se situe sous le signe du paradoxe : à l’heure où les disparitions et les saccages irréversibles dont font les frais les mondes animal et végétal, ceux-ci ont des répercussions de plus en plus étendues et catastrophiques. L’urgence climatique devient (enfin) visible et audible, et l’on commence (enfin) à percevoir, dans l’espace public et scientifique, la sensibilité animale. La conceptualisation du monde qui prédomine dans nombre de sociétés humaines contemporaines veut que notre monde soit divisé en deux : d’un côté l’humanité, de l’autre ce que celle-ci qualifie d’« environnement ». Cette conception est éminemment problématique à plusieurs niveaux : d’une part, elle suppose une séparation essentielle entre les humains et les autres êtres qui peuplent la terre; d’autre part, elle réduit la « nature » à un tout homogène, niant l’hétérogénéité et la complexité de ce qui n’est pas humain. Or, l’impact global de la destruction de ce que l’on qualifie hâtivement d’« environnement » sur l’humanité remet en question la séparation entre ces deux entités qui, en vérité, ne sont pas séparées : l’humanité fait partie intégrante de cette « nature » à bout de souffle, qui ne l’entoure pas, mais dans laquelle elle se fond. C’est ici qu’interviennent les arts et, dans le cas qui nous intéresse, la littérature. Les œuvres littéraires construisent un rapport au monde que la fluidité de la narration participe à « faire aller de soi ». Ainsi, les romans, comme les films, en dépit de leur caractère fictionnel, participent à construire ou à déconstruire des codes et des visions du monde. Cette façon « d’aller de soi » tient pour beaucoup à la manière dont sont transcrits les sujets abordés, c’est-à-dire à la narration. Bien sûr, on ne peut rechercher dans une œuvre de fiction le portrait de son auteur ou de son autrice et de ses convictions : cette personne n’est pas là pour transmettre un message, et Lamarche soutient d’ailleurs que la littérature n’a aucun « rôle » à jouer : « L’écrivain[·e] n’écrit pas “pour” (délivrer un message ou sauver le monde), [il ou elle] écrit “traversé[·e]” et ce qui le [ou la] traverse saute de son époque sur la page. » La littérature de fiction ne peut prendre la forme d’un manifeste – ce n’est pas sa fonction –, mais elle peut ouvrir de nouvelles voies. Ce sont ces voies que nous allons analyser, sous l’angle de la transcription de la sensibilité animale. Pour ce faire, nous nous baserons sur l’entretien que nous a accordé l’autrice, mais nous emprunterons également une approche comparative en convoquant principalement le roman Anima de Wajdi Mouawad (Leméac / Actes Sud, 2012), que nous mettrons en parallèle avec les deux ouvrages précédemment évoqués, Le Jour du chien et Nous sommes à la lisière, dont nous analyserons les thèmes, la structure et les choix narratologiques, pour découvrir d’autres voies possibles et les confronter entre elles.
Une égalité de nature : l’animal (ou l’humain) qui cache le bestiaire
Le Jour du chien est un roman composé de six chapitres où différents personnages évoquent, à la première personne, ce moment particulier qui les a rassemblés : lorsqu’ils ont aperçu un chien courant sur l’autoroute. Nous sommes à la lisière2 est un recueil composé de neuf nouvelles qui ont chacune pour titre un prénom – presque systématiquement celui d’un animal – et qui donnent, toujours, un rôle central à un personnage animal. Anima est un récit complexe qui retrace le parcours d’un homme à la recherche de l’assassin de son épouse et, plus viscéralement, à la recherche de sa propre identité. Divisé en quatre parties, le récit est successivement pris en charge par des bestiae verae, des bestiae fabulosae, un canis lupus lupus (loup gris commun) et un homo sapiens sapiens (humain moderne). Les bêtes vraies et fabuleuses se confondent (il s’agit, dans les deux parties, d’animaux empruntés au monde réel et non d’animaux fantastiques). Elles apparaissent dans autant de chapitres qui portent le nom latin de l’espèce à laquelle appartient le narrateur animalier, tandis que l’Homo sapiens sapiens de la dernière partie révèle que ce qui précède est un manuscrit écrit par Waahch Debch, l’homme dont l’histoire est racontée au travers de ces dizaines de voix.
Des parallèles s’établissent ainsi naturellement entre ces trois œuvres, tant dans la place centrale accordée aux personnages non humains que dans la structure et les voix narratives employées. Le Jour du chien et Anima sont composés de plusieurs voix liées à un seul évènement; La Lisière et Anima jouent avec le lectorat en ne lui indiquant pas clairement la nature de l’animal dont il est question : les noms latins des deux premières parties d’Anima constituent parfois des indices, parfois pas du tout, tout comme les descriptions de La Lisière peuvent être, ou non, directement évocatrices de l’espèce dont il est question. Mais s’il s’agit, dans les deux cas, de laisser en suspens l’identité de l’animal, la démarche apparaît, a priori, différente : dans Anima, deviner l’animal semble participer au genre auquel appartient le roman, portant à la fois sur une enquête policière et une quête d’identité. Dans ce contexte, préférer le nom latin à son expression francisée, plus commune, renvoie autant à une certaine rigueur scientifique (les dénominations latines autorisent des nuances qui n’apparaissent pas en français) qu’à un caractère générique. L’animal, bien qu’omniprésent, y est le plus souvent un narrateur extradiégétique ou, du moins, un personnage secondaire. Cette affirmation reste cependant à nuancer, car Mouawad procède fréquemment à de légers décadrages, qui laissent entrevoir le monde animal sans qu’il soit plus question de Waahch Debch. Donnons par exemple un papillon qui évoque la destinée du narrateur précédent : « Une bête traverse le grand espace où vibrent les voitures. Elle hésite, s’arrête, s’engage, recule et explose dans un éclair de sang3. »
En comparaison, dans le cas de Lamarche, laisser au lectorat le soin de deviner l’espèce témoignerait d’une forme de désintérêt pour l’appellation générique de l’animal, à laquelle l’autrice préfère la familiarité suggérée par un prénom : dans La Lisière, tous les animaux sont des individus aux personnalités singulières dont l’histoire est intrinsèquement liée à celle de l’humain·e qui la raconte, et tous ont un prénom4. Même si cette notion pourrait être problématique et pourrait vite prendre la forme d’une appropriation (pente glissante que n’emprunte jamais Lamarche), il s’agit bien là, avant tout et dans ce contexte, d’une tentative d’aller vers quelque chose : vers l’altérité, vers la construction d’une première passerelle entre les mondes en reconnaissant comme personnages, au même titre que les humain·e·s, ces êtres avec qui nous partageons notre quotidien sans toujours les voir.
Mes personnages, du reste, lorsqu’ils parlent d’un animal dont ils prennent soin, l’évoquent comme un autrui qui les séduit, les console, les accompagne un temps, et qu’il faut laisser libre de repartir, de rejoindre son territoire et la vie qui l’appelle. Ce n’est pas une appropriation. C’est un compagnonnage. Un échange. Ce qu’il y a de plus proche de l’amour.
À nouveau, un parallèle, plus discret mais aussi plus fondamental, s’établit dans Anima : dans la troisième partie du roman de Mouawad, il s’agit, de manière similaire mais inverse, de raconter un compagnonnage : celui de Waahch Debch et de Mason-Dixon Line, chien sauvage qui narre l’histoire de l’humain dont il a, de sa propre initiative, fait son compagnon. Certes, plus on avance dans la lecture, plus on se dirige vers l’humain (des bestiae à homo sapiens sapiens), mais plus les différentes parties s’éclairent à la lumière des révélations des suivantes. Bien que l’animalité tourne autour de Waahch, qui reste au centre de l’histoire, le chapitre final renverse cette conception : sous couvert de raconter sa propre histoire, c’est l’humain qui parlait, assez attentif pour voir les animaux à côté de lui et leur offrir un temps de parole qui ne soit pas basé sur des clichés5. Tout compte fait, la fin de l’histoire révèle que tous ces animaux étaient des personnages à part entière.
La différence entre Lamarche et Mouawad se situe ainsi davantage sur le plan de la stratégie narrative que sur celui du fond : tous deux font preuve d’une attention profonde à l’égard de toutes les formes du vivant et ignorent les hiérarchies. Cela apparaît simplement de manière plus directe chez Lamarche, qui place d’emblée les personnages humains et non humains sur le même plan. Ainsi, une narratrice de La Lisière affirme à propos d’un hérisson :
Je pense à lui avec inquiétude – tant de dangers le menacent! – comme à un frère, le petit frère de la femme que je suis, hérissée d’objections silencieuses. Je décide de l’appeler Ulysse6.
Un autre, à propos d’une cane, raconte :
Voilà moins de six mois que je la connais et c’est ma plus belle love story [histoire d’amour]. […] Frou-Frou est le miroir de mes pensées. C’est bouleversant pour moi et peut-être aussi pour elle, même si je veille à rester discret à son égard7.
Chez Lamarche, l’humain n’est jamais au-dessus de l’animal. Le traitement du religieux dans la production de l’autrice en est particulièrement révélateur en ce qu’à de nombreuses reprises, le sacré est mis à la portée des animaux. « [E]n poussant le raisonnement à l’extrême, en quoi un estomac de poule est-il plus indigne de recevoir le corps du Christ qu’un estomac humain8? » s’indigne un narrateur de La Lisière, comme ce prêtre du Jour du chien qui ne doute pas, malgré l’enseignement de l’Église, que les bêtes aient une âme, et ce camionneur végétarien qui se fait le porte-voix de cette position antihiérarchique :
Et combien j’aimerais dire au monde que négliger les bêtes, c’est comme d’encourager l’esclavagisme, c’est aussi grave, simplement les chiens et les chevaux, les vaches et les poulets ont remplacé les esclaves9.
Il s’agit là de concepts qui animent Lamarche de longue date : élevée « en ville, sans chien ni chat, mais au contact de la nature dès que possible », elle a très vite « consid[éré] la forêt comme son milieu vital et les animaux, sauvages ou non, comme ses compagnons ». Ce socle forgé par une éducation où l’animal apparaît, sinon comme un égal, en tout cas comme un voisin dont on considère l’existence avec attention, est identifiable dans l’œuvre de l’autrice par le rejet systématique de l’essentialisation de « l’animal » : l’animalité qui parsème ses ouvrages est plurielle. Le chien du Jour du chien est l’occasion pour les narrateurs et narratrices humain·e·s d’évoquer leur quotidien, qui se trouve peuplé de bêtes. Le chien est au croisement de toutes ces manières d’êtres vivants dans la mesure où il s’agit de l’un des animaux les plus présents dans le quotidien des êtres humains; il est donc ici, l’animal qui cache le bestiaire – comme Waahch masquait, tout en le révélant, celui de Anima. Au-delà des animaux domestiques (ceux que l’on a décidé de ne pas manger) et exotiques (ceux dont l’existence revêt presque un caractère mythique à force d’être mis en scène dans des aventures rocambolesques), animaux de ferme, animaux de la forêt ou encore invertébrés trouvent leur place dans le quotidien des humains qui peuplent le roman :
L’araignée de cette nuit était belle : un corps étroit, légèrement allongé, des pattes très fines, démesurées, qui tâtaient l’air vers le bas, avec délicatesse, comme pour en mesurer le poids, la température et les courants infimes, y dessiner à l’avance le tracé de la toile, avec respect, et une sorte de conscience des bornes mystérieuses dont la vie – toute la vie, celle qui inclut la mort – est saturée10.
Cette aptitude à représenter des formes de vue multiples et à leur porter une attention quotidienne rappelle inévitablement les propos de Marguerite Yourcenar que rapporte Lamarche : l’autrice plaidait pour « une éducation où l’enfant apprendrait qu’il dépend de tous les êtres vivants », car « c’est un gain immense de s’apercevoir que la vie n’est pas incluse seulement dans la forme en laquelle nous sommes accoutumé[·e]s à vivre »11. C’est cette possibilité que l’on entrevoit dans les récits de Lamarche, celle d’un monde où l’humain·e et la ou le non-humain·e évoluent de manière complémentaire et respectueuse et tissent (inspiré·e·s par de jolies araignées) des ponts entre les mondes pour en créer un commun.
Questionner l’altérité : méthodes classiques et chemins de traverse
La présence polymorphe de l’animalité dans les récits de Caroline Lamarche est ainsi établie. La question est maintenant de traduire la sensibilité animale sans s’approprier une pensée qui, par essence, nous demeure étrangère. Dans bien des cas, dès que des animaux occupent un rôle important dans l’histoire, il s’agit de mettre en scène leur sensibilité telle que romancée par les humain·e·s, et non transcrite. L’anthropomorphisme n’est évidemment pas un travers, c’est un usage comme un autre des outils de la fiction. Le problème est que ces approches anthropocentrées sont prépondérantes et laissent peu de place à la variation; en conséquence, c’est toujours plus ou moins la même vision qui est ressassée: celle d’un monde divisé en deux, d’un côté l’humanité, de l’autre l’« environnement ». Il est pourtant possible d’écrire des contes ou des fables et de se placer en narrateur ou en narratrice omniscient·e sans pour autant établir de hiérarchies entre les règnes (animaux, végétaux) ni se conformer à des stéréotypes. Eugène Savitzkaya l’a bien montré :
Tous les bouleaux se ressemblaient mais n’étaient pas semblables. Pour les sapins, c’était pareil; il suffisait de bien observer. Et les rivières ne transportaient pas les mêmes alluvions, hébergeant toutefois des animaux de mêmes espèces. Nous voulons parler par exemple, tout en passant, de l’esturgeon, ce roi des eaux dont l’échine était couronnée et les œufs infiniment vénérés12.
Il est également envisageable d’emprunter la voix des animaux sans forcément trahir leur individualité, mais il faut, pour cela, emprunter un chemin de traverse. Cette dernière possibilité transparaît dans le roman de Mouawad, bien que certains aspects auraient tendance à indiquer le contraire, comme retrouver, dans la structure du roman, des réminiscences de la traditionnelle séparation interespèces ainsi qu’une idée de hiérarchie (des bêtes à l’humain, rappelons-nous). Vu sous cet angle, Mouawad emprunte le chemin classique, celui que l’on retrouve dans les contes et fables d’anthologie, celui qui va de l’animal vers l’être humain, lorsqu’il s’agit de faire parler les animaux pour dire quelque chose de l’humain. Hormis le fait que le roman représente, dans les deux premières parties de l’ouvrage, quantité d’espèces auxquelles on ne prête guère grande attention et qu’il introduit des variations dans leurs discours, cette remarque rejoint toutefois l’idée qu’il est impossible de « donner la parole » à des êtres qui en sont dépourvus puisque la subjectivité humaine est toujours derrière les narrations animales, comme le révèle la fin de l’ouvrage. Comment traduire la sensibilité animale? La réponse se situe dans la tentative : il ne s’agit pas de réaliser l’impossibilité fondamentale de traduire ce qui nous est étranger13, mais d’aller vers ce qui la traduirait au mieux.
L’originalité de Caroline Lamarche est de ne pas cacher qu’elle emprunte le chemin le moins fréquenté : celui qui part de l’humain à l’animal. Nous avons déjà évoqué la présence plurielle de l’animal dans sa production : d’entrée de jeu, Lamarche montre tous ceux qui se cachent derrière le chien-totem. Baptiste Morizot, dans Manières d’être vivant (Actes Sud, 2020), pose le caractère intraduisible de la sensibilité animale et de sa reconfiguration dans l’espace littéraire, qui est sans cesse à retraduire, car il existe autant d’approches qu’il y a d’individus. Cette idée se concrétise dans la présence des multiples personnages, humains et non humains, qui peuplent Le Jour du chien et Nous sommes à la lisière. Plutôt que d’emprunter les voix animales, de parler à leur place ou en qualité de narrateur ou de narratrice omniscient·e, qui connaîtrait les pensées de chaque vivant, Lamarche choisit d’exposer les sensibilités à travers le regard d’un personnage humain qui, le plus souvent, s’exprime au je : « On tourne autour, on observe […] et peu à peu on apprivoise les mystères de la vie animale. On ne peut prétendre à plus. » Cette approche colle au plus près la réalité et, comme donner un prénom, participe à reconnaître l’existence des animaux sans empiéter sur leur territoire. Le choix de cette voix narrative humaine, le plus souvent autodiégétique (dans les deux livres qui nous occupent en priorité, mais aussi dans le reste de sa production), permet de s’éloigner de la focalisation omnisciente, apanage d’une certaine littérature classique et traditionnelle qui convient difficilement à la représentation équilibrée de vivants de natures distinctes.
C’est ainsi que Lamarche partage, dès son premier ouvrage, des imaginaires alternatifs qui dépassent les catégories et les clichés. Dans La Lisière, c’est un imaginaire des relations interespèces vierge de tout a priori qui est pensé en filigrane : ces relations ne se présentent ni sous la forme d’une servitude ni d’un sauvetage, mais sous celle d’un compagnonnage. Lamarche et Mouawad ont l’audace de bouleverser la dichotomie humanité-bestialité entendue au sens premier, lorsque l’animal figure la sauvagerie ou la pureté de la nature, par opposition à la sagesse ou à l’intelligence de la culture humaine. Dans les ouvrages que nous avons analysés, être « humain » n’est pas forcément synonyme d’être sensible et à l’écoute, bien au contraire : à l’intérieur du héros de Anima gronde « une bête », et c’est la raison pour laquelle ce héros parvient à voir et à entrer en résonance avec les êtres qui l’entourent, là où les autres humains sont d’une cruauté et d’une indifférence insupportables. Ces récits déploient des imaginaires fertiles, riches en possibilités, car ils écrivent les contours d’une humanité et d’une animalité interchangeables. Si, dans l’ouvrage de Mouawad, l’humain se confond avec la bête pour le meilleur et non pour le pire, chez Lamarche, l’humain·e et l’animal sont tou·te·s deux des créatures.
C’est dans un ouvrage de 2012, La Chienne de Naha14 (Gallimard), que Lamarche adopte le plus clairement ce parti pris, tel qu’on peut le constater dans l’exergue : « toute femme est femme ET chienne, humaine ET animale à la fois ». Il n’est pas rare que femmes et animaux se fondent et se confondent dans les récits de Lamarche par leurs « yeux de bête », leurs prénoms, leurs aptitudes… Le mal fait aux animaux et celui fait aux femmes apparaissent comme des thèmes récurrents de son œuvre, ce qui fait inévitablement écho à l’écoféminisme. L’autrice se défend cependant d’une quelconque appartenance à un courant de pensée, car, dit-elle :
La réponse genrée face à la destruction me semble insuffisante. Elle gomme le fait que ce sont avant tout les possédant[·e·]s qui consomment et détruisent, et que ce seront eux encore qui monteront dans l’arche salvatrice qui les transportera au-delà de l’effondrement.
C’est pour cette raison qu’elle accorde une telle importance aux histoires individuelles, car « tout cela charrie du politique et de l’universel ». Chez Lamarche, la voix narrative se révèle un puissant outil d’invention, d’innovation, sans pour autant participer d’une démarche ouvertement militante. Le motif de la nature saccagée, qu’elle dit observer depuis des décennies, n’est pas central mais traversant. Véhiculer des idées sans s’inscrire dans un mouvement ou un courant de pensée particulier, mais les fédérer (écologie et féminisme), partager une vision du monde en l’inscrivant dans des histoires individuelles, c’est ainsi que Lamarche transmet au lectorat « à la fois l’émerveillement et l’épouvante » ressentis dans son enfance face aux autres vivants et à la manière dont les (mal)traitent les humains. Lamarche a cette aptitude à semer le trouble dans les idées reçues, à montrer de nouvelles voies en osant quelques pas de côté. Cela tient à des procédés aussi simples que le choix d’une voix narrative singulière, la mise en scène de vivants de diverses espèces sans pour autant prétendre parler pour eux, l’omniprésence de tous ces êtres non pas autour des humains, mais dans leur quotidien : laisser à tous de la place pour s’épanouir dans l’espace du récit et, au-delà, dans la vie.
Conclusion : un nouvel espace possible
Les récits de Caroline Lamarche et Wajdi Mouawad dépassent la notion de concept en refusant l’essentialisation de la « nature » : elle et il montrent ce qui est caché par le mot, c’est-à-dire des vivants, des individus. Par leurs choix narratologiques et leur capacité à déplacer le curseur du centre autoproclamé de l’humanité, l’auteur et l’autrice étudié·e·s signalent que l’être humain fait partie intégrante de la biosphère, avec une simplicité telle qu’on en vient à se demander comment il pourrait seulement en être autrement. Lamarche et Mouawad tracent de leurs mots de nouvelles voies à emprunter pour promouvoir l’inclusion des animaux non humains dans les sociétés modernes. Reconnaître leur existence est le premier pas à effectuer afin d’envisager la mise en place d’une société qui ne soit pas anthropocentrée. Lamarche déplie ainsi la possibilité d’un nouvel espace, qui se cristallise sous la forme de la « lisière » : un lieu où se répare la séparation entre l’être humain et la nature, un espace indéterminé où tombent les conventions qui régissent les sociétés humaines autant que celles que l’on attribue au monde animal. Aux dires de l’autrice, cette réparation s’effectue tous les jours : « Des gens disent, écrivent, jouent, enregistrent les bruits de la nature pour garder une mémoire de ce que nous avons connu : un silence habité. » Voilà ce qui se déploie dans les fictions de Caroline Lamarche : écrire pour partager un imaginaire conscient de l’interdépendance des êtres, écrire pour se souvenir des forêts primaires et des rossignols, écrire pour replacer toutes les créatures sur le même sol.
Crédit photo : flickr/phil fiddyment
RÉFÉRENCES
1 Sauf mention contraire, toutes les citations de cet article réfèrent à Louise Van Brabant, « Entretien avec Caroline Lamarche », Revue générale, Presses de l’Université de Louvain, 2, 2019, 27-38.
2 Qui sera par la suite réduit à l’abréviation La Lisière.
3 Wajdi Mouawad, Anima, Paris : Actes Sud, 2012, p. 177.
4 Et pas seulement les animaux dits de compagnie, comme on peut le constater dans Anima.
5 Certes, le chien occupe, dans ce roman, une place centrale, mais ce temps de parole reflète la place qu’occupe aujourd’hui cet animal dans les foyers.
6 Caroline Lamarche, Nous sommes à la lisière, Paris : Gallimard, 2019, p. 104.
7 Lamarche, ibid., p. 13.
8 Lamarche, ibid., p. 76.
9 Caroline Lamarche, Le jour du chien, Paris : Éditions de Minuit, 1996, p. 15.
10 Lamarche, ibid., p. 77.
11 Louise Van Brabant, op. cit., p. 36.
12 Eugène Savitzkaya, Au Pays des poules aux œufs d’or, Paris : Éditions de Minuit, 2020, p. 19.
13 Voir Elisabeth de Fontenay, Le silence des bêtes, Paris : Seuil, 1998. Référencé à la fin de Anima.
14 Caroline Lamarche, La Chienne de Naha, Paris : Gallimard, 2012.
par Anonyme | Mai 27, 2017 | Analyses
« Loi de Murphy : Si tout semble bien marcher, vous avez forcément négligé quelque chose. » – Edward A. Murphy, repris dans Nous les Dieux de Bernard Werber
Cet article a été publié dans le recueil (in)visibilités médiatiques de L’Esprit libre. Il est disponible sur notre boutique en ligne ou dans plusieurs librairies indépendantes.
Les enjeux environnementaux sont aujourd’hui un dossier prioritaire au cœur de nombreuses discussions politiques et économiques. Pourtant, l’ensemble de ces débats, plutôt que de proposer une critique radicale du système néolibéral et du spécisme actuels, portent sur l’intégration des problématiques environnementales dans l’économie de marché. C’est là le mythe de la croissance verte qui veut que le développement toujours grandissant d’initiatives et d’innovations minimisant les externalités négatives parvienne à régler les problèmes causés par l’espèce humaine dans son écosystème. De surcroît, ce discours a été normalisé par les médias d’information de masse, au détriment d’une réelle pensée écologique, marginalisée, car proposant des alternatives aux schémas de pensée actuels quant à notre rapport à la nature. À travers un regard sur deux cas types de la télévision de Radio-Canada et du Journal de Montréal, la proposition de cet article est de réfléchir à la place que prennent les médias d’information de masse dans la normalisation du discours politique. Il s’agit également de prendre un certain recul sur notre rapport à l’environnement, à la fois en tant qu’individu et comme société, pour voir comment s’y intègre ce que nous faisons à l’heure actuelle.
La croissance verte, mythe ou réalité?
Extractivisme, écosocialisme, décroissance conviviale, ces expressions vous disent quelque chose[i]? De plus en plus présents dans les milieux politiques et économiques de gauche, notamment parmi les groupes critiques du modèle néolibéral actuel, ce sont des termes à connaître et à cogiter pour qui souhaite développer un système de pensée en harmonie avec l’environnement. Or, ce dont on parle ces jours-ci dans les médias d’information de masse et au sein des gouvernements, c’est plutôt de développement durable, de croissance verte, qui ne sont que des façons de conceptualiser les enjeux environnementaux de façon à les intégrer au système économique actuel[ii]. Quand on connaît la nature de plus en plus problématique de ces enjeux, ne devient-il pourtant pas plus important d’entretenir une réflexion critique sur notre conception de la nature et de la place qu’y occupe l’espèce humaine? Peut-on réellement conjuguer enjeux économiques et environnementaux sans modifier radicalement nos comportements?
Il n’existe certainement pas de réponse facile à ces questions, pour la simple raison qu’approcher les problématiques environnementales de manière plus radicale suppose de laisser de côté les habitudes de confort dans lesquelles nous évoluons depuis plusieurs décennies et qui affectent tant le monde occidental, maître à penser de la société moderne, que les États de l’Est et du Sud, souvent subjugués de manière insidieuse aux premiers. À titre d’exemple, même si l’ensemble de la communauté scientifique et une part importante du monde politique s’entendent pour dire que les problèmes climatiques sont une priorité en ce début de XXIe siècle, nous tardons, en tant que société, à modifier nos pratiques de consommation pour diminuer notre empreinte carbone et avoir un impact effectif sur ces dérèglements[iii],[iv]. Une pensée magique s’est installée à travers laquelle nous en sommes venus-es à croire que tous ces problèmes se régleraient automatiquement en dirigeant le marché dans la bonne direction. Des subventions sont accordées aux entreprises qui appliquent des mesures destinées à « protéger l’environnement » alors qu’elles comptent souvent parmi les plus polluantes, comme Air Canada ou de nombreuses pétrolières[v]. De nouveaux concepts d’objets « écologiques » se retrouvent sur nos tablettes, nous recyclons et nous compostons de manière inefficace (à titre d’exemple, 15% de ce que l’on met dans nos bacs de recyclage n’a pas à y être, et seulement 23 à 35% du verre est effectivement recyclé dans les centres de tri)[vi],[vii], à travers un système de gestion des déchets en constant développement sans que l’on diminue pour autant notre consommation[viii],[ix]. Et de fait, cette surconsommation amène avec elle son lot de problèmes, à savoir une augmentation des déchets domestiques et industriels, de même que des contraintes pour la récupération des objets électroniques ou nanotechnologiques[x],[xi],[xii]. Or, ces phénomènes sont plutôt traités comme des promesses d’avenir nous entraînant loin d’une réflexion effective sur leurs impacts, comme si la consommation à outrance ne pouvait être que bénéfique.
Pour autant qu’une bonne intention guide la mise en place de ces pratiques, de plus en plus de scientifiques, militants-es et regroupements considèrent qu’il s’agit d’un effort insuffisant pour pallier aux problèmes environnementaux. Notamment, ces mesures ne sont pas assez contraignantes, principalement en ce qui concerne les entreprises les plus polluantes. On n’a qu’à penser au cas du projet de cimenterie McInnis à Port-Daniel en Gaspésie, ou encore plus largement à tout le dossier entourant le pipeline Énergie Est de TransCanada[xiii],[xiv]. Par ailleurs, si les différents paliers de gouvernement au Canada se targuent de vouloir lutter contre les changements climatiques et s’attarder à la protection des écosystèmes, on constate la présence nette d’un double discours qui souhaite surtout arrimer ces préoccupations à la croissance économique du pays et des provinces.
Ce phénomène est apparent quand on entend Philippe Couillard se faire le chantre vert du Québec dans le dossier des forages pétroliers sur Anticosti, tout en proposant un projet de loi qui favorise l’exploitation des hydrocarbures sur le territoire québécois[xv],[xvi]. C’est aussi le même gouvernement qui met en place un plan de mise en valeur de l’exploitation des ressources naturelles du Nord québécois sous le prétexte du développement durable, et qui a octroyé des subventions douteuses dans le cadre du programme du Fonds vert du Québec[xvii],[xviii]. Or, ces projets d’exploitation n’en sont pas moins finis et ne seront certainement pas durables pour les populations locales. On a déjà de nombreux exemples au Québec, que ce soit en Abitibi-Témiscamingue, sur la Côte-Nord, en Gaspésie et, plus largement, tout le Nord québécois où ces projets ont plutôt été des sources de problèmes socio-économiques. On promet des emplois et une prospérité pour les populations concernées, mais c’est plutôt le contraire qui arrive finalement, et ceux et celles qui s’y opposent ont souvent l’impression de n’avoir aucun pouvoir[xix],[xx]. Et c’est le cas particulièrement pour les communautés autochtones qui, malgré tous les traités existants, se trouvent généralement contraintes à collaborer sans véritables compensations et à travers les filtres d’une discrimination systémique. Ainsi, nous assistons à une certaine forme de rhétorique verte, ou croissance verte, qui cherche principalement à valoriser le développement du marché, plutôt qu’à exécuter des efforts réels et concertés de protection de l’environnement et des populations concernées.
Toutefois, cette rhétorique verte n’aurait pas tout son poids si elle n’avait été gobée par les médias d’information de masse. Sans critiquer le travail des journalistes, qui nous semblent faire un travail exemplaire de description et de critique dans un contexte où très peu sont des spécialistes de l’environnement, c’est plutôt le discours médiatique rapporté au public dans son ensemble qui est problématique. Toutefois, avant de voir pourquoi, il importe de se questionner sur le rôle général des médias d’information dans la société.
Le rôle des médias d’information de masse
Tout d’abord, il convient de noter que le présent texte porte essentiellement sur les médias d’information de masse que sont les entreprises de presse écrite, de radio et de télécommunications. S’il est vrai que le monde numérique, et particulièrement les médias sociaux, prend une place de plus en plus importante dans la façon dont nous nous informons, il n’en constitue pas encore le cœur de la pensée sociopolitique. Pour la grande majorité de la population, cela passe encore par les médias de masse, lesquels contribuent par ailleurs à forger le cadre de la société dans laquelle nous vivons. Leur plus importante particularité est certainement de pouvoir véhiculer un discours à un grand nombre de personnes simultanément.
Quand on pense aux médias de masse, l’essentiel de leur développement s’est fait dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, surtout à des fins de propagande nationale. Le rôle de ces médias a-t-il changé depuis? On peut en douter, même si le vocable de propagande a été mis de côté. Cette vision propagandiste permet toutefois de considérer un côté du prisme que sont les médias d’information, soit tout l’univers des relations publiques[xxi]. Une expression à la mode les consacre comme la courroie de transmission du pouvoir. Toutefois, les médias d’information ont évolué considérablement au cours des 75 dernières années et ils sont aujourd’hui appelés à jouer de multiples rôles. Certains-es diront plutôt qu’ils sont là pour dépolitiser la société, en forgeant un cadre social qui soit uniforme pour tout le monde[xxii]. On peut aussi se rappeler les propos de Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1, lequel a affirmé sur les ondes de sa propre station que les médias sont là essentiellement « pour vendre du temps de cerveau humain disponible » aux publicitaires et entreprises de ce monde[xxiii]. Cela passe pour beaucoup par la fixation de l’audience devant son médium d’information de masse préféré à travers un équilibre entre information et divertissement. C’est-à-dire que le public n’est pas appelé à critiquer en profondeur ce qu’il reçoit, mais plutôt à l’absorber dans un système qui soit le plus agréable pour lui.
Toutefois, un autre mouvement voit plutôt dans les médias le quatrième pouvoir[xxiv]. Ainsi, les médias se situeraient plutôt dans le monde des possibles en termes de discours allant à l’encontre de la pensée dominante. Particulièrement présente chez les médias indépendants et alternatifs, cette approche se traduit surtout par une volonté d’amener une réflexion critique des enjeux sociaux, politiques, économiques ou scientifiques. Elle suppose donc d’amener l’audience à s’interroger sur le monde qu’elle souhaite voir se mettre en place et aussi à faire preuve de réflexivité afin de se questionner sur ses propres comportements et idéaux. Loin d’aller dans le divertissement et la facilité, les médias nous feraient plutôt sortir de notre confort, que ce soit en nous défiant intellectuellement ou pratiquement.
Et c’est peut-être là le principal défi des médias d’information, celui de tendre encore davantage vers ce rôle de quatrième pouvoir. Plutôt que de fixer les gens devant leurs écrans de télévision ou leur ordinateur, pourquoi ne pas plutôt les inciter à l’action, à l’introspection et à la réflexion? Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer, que ce soit les modèles d’affaire des médias, et particulièrement des médias de masse, qui dépendent d’une certaine façon de l’importance de leur audience ou de leur lectorat en termes de nombre[xxv]. Ils ont donc tout intérêt à tendre vers le divertissement, la légèreté, et surtout à ne pas vouloir trop heurter la sensibilité et le confort du public. Le phénomène est particulièrement frappant au Québec, si l’on considère que les médias réussissant le mieux financièrement sont ceux qui font le plus dans la légèreté. De l’autre côté du spectre, les médias incitant davantage à la réflexion éprouvent d’importantes difficultés financières. Et il existe également un déséquilibre en termes de type de média d’information de masse : si la télévision connaît un succès certain, il n’en va pas de même pour la presse écrite. Et de fait, l’image qui vient de pair avec la télévision apporte un élément de divertissement important que ne peut se permettre la presse écrite. Or, c’est précisément le fait que l’image prenne une telle place au détriment du contenu qui fait que les médias d’information ont du mal à assumer leur rôle de quatrième pouvoir. L’important n’est pas tant d’informer la population que de la raccrocher à notre média.
La couverture des médias d’information de masse sur les enjeux environnementaux
Rappelons que notre objectif est de voir comment et pourquoi les médias d’information de masse contribuent à la normalisation de la rhétorique de la croissance verte en tant que pensée dominante autour des enjeux environnementaux, en prenant pour cas le Québec. Il ne s’agit donc pas de démontrer que les discours environnementaux plus radicaux ne sont pas présents dans les médias, ce qui serait impossible par ailleurs étant donné l’étendue de la couverture médiatique. La démarche analytique préconisée suppose plutôt de réfléchir à cette normalisation du discours environnemental à travers deux cas types, soit l’émission La Semaine verte d’ICI Radio-Canada Télé et la section « Environnement » du Journal de Montréal.
La Semaine verte à ICI Radio-Canada Télé est-elle verte?
Depuis 1970, alors qu’elle était diffusée sur la Première chaîne de Radio-Canada, La Semaine verte propose à son public différents reportages touchant à l’agriculture, la foresterie, les pêches, l’écologie et l’environnement. En date de 2014, l’émission rejoignait un auditoire de près de 600 000 personnes par semaine, un nombre considérable pour la télévision québécoise[xxvi],[xxvii].
Si les récentes saisons de l’émission ont intégré encore davantage les problématiques environnementales dans le contenu des reportages, on peut se demander à quoi est destinée cette sensibilisation. En effet, on constate que nombre de reportages de l’émission ne critiquent que très peu le modèle extractiviste d’exploitation des ressources naturelles ou encore l’agriculture et l’élevage industriel. La mission d’un média d’information est certes de proposer une diversité de contenu et de points de vue, encore faut-il que les concepts soient adéquatement appliqués. Et qu’une émission qui se dit sensible à l’environnement le démontre réellement. Pour se diriger dans cette voie, il s’agit non seulement d’inclure davantage de reportages sur des phénomènes comme l’agriculture biologique ou les modes alimentaires alternatives, sujets marginaux à l’émission par ailleurs, mais aussi de faire preuve de réflexivité quant aux contenus dont la vocation n’est pas strictement environnementale. Certes, la vocation de l’émission n’est certainement pas centrée uniquement sur cet aspect, d’où l’importance de bien réfléchir à l’articulation que l’on souhaite développer quand on a affaire à des enjeux, économiques et environnementaux dans ce cas-ci, dont on constate de plus en plus l’incompatibilité.
Toutefois, il y a bien sûr la question du public de cette émission à prendre en compte. Initialement destinée au milieu agricole, puis au milieu des ressources naturelles, il y a fort à parier que ceux-ci se trouvent toujours au cœur des réflexions quant à la direction que l’équipe de La Semaine verte donne à ses reportages. On peut donc se demander s’il y a des sensibilités auxquelles elle préfère ne pas se heurter. Finalement, si le but d’ajouter une vocation environnementale de plus en plus importante à l’émission est de diriger graduellement son public vers une réflexion critique de plus en plus approfondie, l’objectif est certes louable. Or, ce que l’on constate aujourd’hui, c’est plutôt une normalisation de ce discours au sein des modes actuelles d’exploitation de la nature et du territoire. Une piste pour tendre vers cette réflexion critique serait d’inclure davantage les points de vue radicaux, notamment les modèles agroalimentaires alternatifs, les écovillages et les systèmes de décroissance conviviale[xxviii],[xxix],[xxx].
De quoi traite la section « Environnement » du Journal de Montréal?
Quotidien le plus lu à Montréal, le Journal de Montréal est un vecteur important du discours médiatique actuel sur nombre de sujets. Souvent critiqué pour la faible qualité de ses articles, pour le sensationnalisme qu’il diffuse ou encore pour son niveau insuffisant de recherche, il dispose tout de même d’une quantité importante de ressources pour mener un travail critique sur nombre d’enjeux, et surtout, il donne la parole à de nombreux regroupements, autant de gauche que de droite. Ce dont il sera question ici concerne strictement la section « Environnement » du journal, donc les articles qui y sont publiés[xxxi].
Mentionnons d’emblée la place que prend cette section sur le site web du Journal de Montréal. Alors que les sports, les spectacles, les voyages ou les opinions sont très en vue, l’environnement se retrouve en sous-thème de l’onglet « Actualités ». Et même dans la version papier, plusieurs noteront la disproportion entre le nombre de pages consacrées à la section sportive et celles dédiées aux différents thèmes de l’actualité. À l’intérieur de la section, un premier coup d’œil permet de voir que la grande majorité des articles sont reliés à la météo. En effet, la page d’accueil « environnementale » du site du journal, entrecoupée de publicités, comprenait en date du 19 octobre 2016 treize articles sur vingt consacrés à l’actualité météorologique, principalement l’ouragan Matthew. Si ce dernier cause un biais certain, il est tout de même préoccupant de voir une telle couverture. On pourrait argumenter que les dérèglements climatiques actuels favorisent l’apparition de phénomènes météorologiques extrêmes, on pourrait argumenter que ces enjeux sont importants pour la population québécoise, cela n’en demeure pas moins problématique. Car plutôt que de confronter nos perceptions des enjeux environnementaux, ce type de couverture tend plutôt à les conforter en les assimilant à des choses auxquelles nous accordions déjà de l’importance, contribuant ainsi à un immobilisme de notre pensée. Et quand cela porte sur des sujets plus directement reliés aux enjeux environnementaux que la météo, par exemple les résultats des audiences du BAPE concernant la minière Canadian Malartic, le tout est traité de façon apolitique, comme si le devoir du journaliste se résumait à énoncer une situation[xxxii]. Et c’est d’ailleurs un phénomène que l’on retrouve un peu partout dans l’univers médiatique. Ainsi, la situation du Journal de Montréal reflète bien un des aspects de la crise médiatique dans laquelle on se trouve aujourd’hui : plutôt que de proposer une diversité de sujets et de points de vue alternatifs, la couverture médiatique proposée est tournée vers la confortation et l’apolitisation du discours social en général, et sur l’environnement en particulier.
Quelles avenues pour décoloniser le discours médiatique et politique en matière d’environnement?
Les exemples mentionnés ci-dessus ne constituent que deux illustrations d’une normalisation des enjeux environnementaux autour de la rhétorique de la croissance verte, deux exemples parmi les plus marquants. Et pourtant, il existe de nombreux exemples qui, au contraire et au sein même de cette sphère médiatique, tendent à décoloniser nos esprits en la matière. On peut penser par exemple aux Années lumières sur ICI Première, qui laisse une place à la communication scientifique de points de vue alternatifs et radicaux en termes d’écologie, de climat ou d’utilisation des ressources naturelles[xxxiii]. Sans nécessairement y entendre une considération de ces enjeux sous une forme politique plus assumée, il s’agit déjà d’un point de départ intéressant.
Une prise de position plus assumée en la matière est peut-être la prochaine étape à franchir pour faire contrepoids au discours apolitique ambiant. Cette prise de position est déjà en train de se faire chez certains médias : on peut penser aux indépendants, comme Le Devoir, ou aux autres formats alternatifs un peu moins connus (L’Esprit libre, Ricochet, À Bâbord, Relations, Nouveau Projet, Liberté, Milieux, Raisons sociales, Les Alter Citoyens, CIBL, CKUT, pour n’en nommer que quelques-uns – vous êtes bien sûr invités-es à découvrir ce qui se fait dans votre région en la matière). Il existe également des regroupements spécialisés, comme Gaïa Presse ou ÉcoQuébec.info, qui proposent des réflexions intéressantes et radicales en termes d’actualité environnementale.
Le pas reste toutefois encore à faire pour de nombreuses entreprises faisant dans l’information de masse. Or, ces dernières composent toujours le cœur du discours médiatique québécois alors qu’environ 93% des parts de marché, pour la presse écrite francophone au Québec, étaient détenues en 2015 par Gesca (51%), Québecor (32%) et TC Media (10%)[xxxiv]. Cela est inversement proportionnel au poids média sur les sujets environnementaux à l’échelle du Canada, alors que le principal acteur en ce sens au Québec est Le Devoir avec 3%, comparativement à moins de 2% pour les autres médias écrits[xxxv]. Concernant la télévision, ce sont 77% des parts de marché qui sont détenues par Québecor, suivi par Radio-Canada, et pour la radio, Cogeco et Bell Média dominent avec respectivement 54% et 22% des parts à l’échelle du Québec francophone. Bref, on constate une homogénéisation du paysage médiatique québécois, et à moins d’une sérieuse introspection de la population du Québec ou d’une percée des médias plus marginaux, la situation va perdurer pour la raison que ces grands médias ont réussi à créer un cercle vicieux à travers duquel la population se trouve confortée dans sa vision politique malgré des situations de crise de plus en plus importantes, notamment en matière environnementale.
En retour, il est clair que les entreprises médiatiques ne chercheront pas à briser les paradigmes, sans quoi elles heurteraient la sensibilité de leur auditoire et seraient vouées à l’échec. De plus, on peut parier que ces entreprises suivent des objectifs politiques et économiques précis, et ainsi vont chercher à guider leur auditoire vers certains points de vue, certains phénomènes qui seront moins dangereux à la poursuite de ces objectifs. Elles chercheront également à être le plus complaisantes possible envers les normes sociales et politiques acceptées pour ne pas être mises à l’écart du champ médiatique. Il s’en suit une banalisation du discours politique et une intégration des problématiques environnementales à un système avec lequel elles sont incompatibles. Cette rhétorique verte est ensuite offerte aux auditoires des différents médias d’information de masse à travers des filtres précis visant à satisfaire une certaine demande pour les enjeux environnementaux, mais sans brusquer le système en place. Et bien sûr, en raison de cette philosophie plutôt conservatrice, les alternatives qui pourraient peut-être un jour nous sauver la vie sont marginalisées ou mises de côté, n’étant finalement considérées que par une poignée d’initiés-es. Il apparaît de plus en plus nécessaire de mettre à l’œuvre une prise de conscience collective quant au rôle que nous voulons accorder aux médias ainsi qu’à notre rapport à l’environnement.
[i] Abraham, Yves-Marie et David Murray (eds). 2015. Creuser jusqu’où? Extractivisme et limites de la croissance. Montréal : Écosociété.
[ii] Rotillon, Gilles. 2011. « Qui veut vraiment du développement durable? ». Dans Abraham, Yves-Marie, Louis Marion et Hervé Philippe (dirs.) Décroissance versus développement durable. Montréal : Écosociété.
[iii] Platts, Ellen et Claire Sabel. 2016. « Collaborating with scientists for climate justice ». openDemocracy, 21 septembre 2016, https://www.opendemocracy.net/openglobalrights/ellen-platts-claire-sabel…
[iv] Bolstad, Erika. 2016. « Obama Demands That Security Agencies Consider Climate Change ». Scientific American, 22 septembre 2016, https://www.scientificamerican.com/article/obama-demands-that-security-a…
[v] Schepper, Bertrand. 2016. « Le Fonds vert au service des pollueurs ». Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, 22 février 2016, http://iris-recherche.qc.ca/blogue/le-fonds-vert-au-service-des-pollueurs
[vi] Guénette, Jean. 2016. Recyclage : La grande illusion. Productions Gaspa Vidéo II inc.
[vii] Syndicat des Métallos. 2016. « Recyclage des bouteilles de vin et autres contenants en verre – Québec sur le point de céder à l’immobilisme de la SAQ ». Communiqué de presse, 18 octobre 2016, http://www.newswire.ca/fr/news-releases/recyclage-des-bouteilles-de-vin-…
[viii] Ministère du Développement durable, de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques (MDEEELCC). 2016. « Fonds vert », http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/ministere/fonds-vert/
[ix] Équiterre. 2016. « Gaspillage alimentaire : Non merci! », http://www.equiterre.org/geste/gaspillage-alimentaire-non-merci
[x] Gobeil, Mathieu. 2016. « Où produit-on le plus de déchets? La réponse en carte ». ICI Radio-Canada, 3 juin 2016, http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/international/2016/06/03/003-dechet…
[xi] Bihouix, Philippe. 2015. « Les low tech, la seule alternative crédible ». Dans Abraham, Yves-Marie et David Murray (eds). 2015. Creuser jusqu’où? Extractivisme et limites de la croissance. Montréal : Écosociété, 284-388.
[xii] Borde, Valérie. 2008. « La grande illusion du recyclage ». L’Actualité, 19 août 2008, http://www.lactualite.com/sante-et-science/la-grande-illusion-du-recyclage/
[xiii] Communiqué de presse. 2016. « Ciment McInnis : Des citoyens occupent la Caisse de dépôt et placement ». Le Havre, 24 août 2016, http://www.journallehavre.ca/actualites/2016/8/24/ciment-mcinnis–des-ci…
[xiv] Shields, Alexandre. 2016. « TransCanada a commencé ses relevés sismiques dans le Saint-Laurent ». Le Devoir, 21 septembre 2016, http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/480…
[xv] Shields, Alexandre. 2016. « Anticosti : un premier site de forage est prêt ». Le Devoir, 30 septembre 2016, http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/481…
[xvi] Shields, Alexandre. 2016. « Après six ans de débats, une loi ». Le Devoir, 20 août 2016, http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/478…
[xvii] Schepper, Bertrand. 2015. « Le nouveau Plan Nord ne transforme pas grand-chose ». Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, 21 avril 2015, http://iris-recherche.qc.ca/blogue/le-nouveau-plan-nord-ne-transforme-pa…
[xviii] Lecavalier, Charles. 2016. « L’argent du Fonds vert gaspillé ». Le Journal de Québec, 14 janvier 2016, http://www.journaldequebec.com/2016/01/13/largent-du-fonds-vert-gaspilles
[xix] Deshaies, Thomas. 2016. « L’impression que les citoyens n’ont aucun pouvoir ». L’Écho Abitibien et Le Citoyen, 24 octobre 2016, http://www.lechoabitibien.ca/actualites/politique/2016/10/24/l-impressio…
[xx] Arnaud, Aurélie. 2011. « Plan Nord – Où sont les femmes autochtones? ». Recherches amérindiennes au Québec 41 (1) – Plan Nord, éducation et droit : 81-82.
[xxi] Herman, Edward S. et Noam Chomsky. 2008. La fabrication du consentement. De la propagande médiatique en démocratie. Marseille : Agone
[xxii] Pingaud, Denis et Bernard Poulet. 2006. « Du pouvoir des médias à l’éclatement de la scène publique ». Le Débat 1 (138) : 6-16, doi : 10.3917/deba.138.0006
[xxiii] Tremblay-Pépin, Simon. 2013. Illusions : Petit manuel pour une critique des médias. Montréal : Lux Éditeur
[xxiv] Gauchet, Marcel. 2006. « Contre-pouvoir, méta-pouvoir, anti-pouvoir ». Le débat 1 (138) : 17-29, doi : 10.3917/deba.138.0017
[xxv] Bourdieu, Pierre. 1996. Sur la télévision suivi de L’emprise du journalisme. Paris : Liber
[xxvi] La Semaine verte, saison 2016-2017. 2016. ICI radio-Canada Télé, http://ici.radio-canada.ca/tele/la-semaine-verte/2016-2017/. Consulté le 19 octobre 2016.
[xxvii] Laprade, Yvon. 2014. « France Beaudoin animera La semaine verte ». La Terre de chez nous. 17 décembre 2014, http://www.laterre.ca/actualites/vie-rurale/france-beaudoin-animera-la-s…
[xxviii] Greer, John-Michael. 2013. La fin de l’abondance : L’économie dans un monde post-pétrole. Montréal : Écosociété.
[xxix] Mongeau, Serge (dir.). 2007. Objecteurs de croissance. Pour sortir de l’impasse : La décroissance. Montréal : Écosociété.
[xxx] Ridoux, Nivolas. 2006. La décroissance pour tous. Lyon : Éditions Parangon/Vs.
[xxxi] Le Journal de Montréal. 2016. « Environnement ». Le Journal de Montréal, http://www.journaldemontreal.com/actualite/environnement. Consulté le 19 octobre 2016.
[xxxii] Philie, Benoît. 2016. « Le BAPE approuve l’expansion de la mine Malartic sous conditions ». Le Journal de Montréal, 13 octobre 2016, http://www.journaldemontreal.com/2016/10/13/agrandissement-de-la-mine-ca…
[xxxiii] Les Années lumières. 2016. « Lumière réfléchie : la contradiction climatique du Canada ». Les Années lumières, ICI Première, 11 septembre 2016, http://ici.radio-canada.ca/emissions/les_annees_lumiere/2015-2016/archiv…
[xxxiv] Giroux, Daniel. 2015. État de la concentration de la propriété des médias d’information de langue française au Québec. Québec : Centre d’études sur les médias.
[xxxv] Influence Communication. 2016. État de la nouvelle : Bilan 2015, http://www.influencecommunication.com/sites/default/files/bilan-2015-qc.pdf