par Adèle Surprenant | Mar 26, 2021 | Analyses, Québec
En 2020, le nombre de surdoses a doublé au Québec par rapport à l’année précédentei. La fermeture des frontières pour limiter la propagation de la COVID-19 a aussi restreint la circulation des drogues. Résultat, les prix du marché ont grimpé et la qualité des substances a diminuéii. En parallèle, les ressources pour assurer la santé et la sécurité des consommateurs et consommatrices sont jugées insuffisantes. Portrait d’une autre crise sanitaire.
Début mars, un sondage Ipsos commandé par Radio-Canada révélait une hausse de plus de 40 % de la consommation de cannabis depuis le début de la pandémie, chez les personnes ayant déjà recours à cette substanceiii. Une augmentation moindre, mais tout de même significative pour l’alcool et le tabac, les deux autres drogues légales prises en charge par l’étudeiv.
En ce qui concerne la consommation de drogues illégales, les chiffres manquent à l’appel. Au Québec comme dans le reste du Canada et aux États-Unis, le nombre de surdoses a pourtant considérablement augmenté avec la COVID-19, selon Urgences-santé Canadav.
En l’absence de données quantifiables, difficile d’identifier les raisons précises de cette augmentation. Différents acteurs communautaires, interrogés par L’Esprit libre, mettent en garde contre la diminution des ressources sur le terrain, mais aussi sur les répercussions de la fermeture des frontières sur la qualité et la diversité des substances disponibles sur le marché. À Montréal, par exemple, on constaterait notamment une forte circulation d’un mélange entre du fentanyl et de benzodiazépine, deux dépresseurs dont la combinaison compliquerait le traitement des surdoses. La cocaïne, difficile à trouver puisqu’elle est produite en Amérique latine, serait souvent remplacée par des métamphétamines, de production locale mais jusqu’alors méconnues des utilisateurs, ce qui rend sa consommation dangereuse.
Ressources limitées
Sur les quatre centres d’injection supervisée à Montréal, un seul est resté ouvert sans interruption depuis le début de la pandémie, tout en diminuant de moitié sa capacité d’accueilvi. L’entrée en vigueur du couvre-feu, le 9 janvier 2021, aurait également affecté leur fréquentation. Au CIUSSS du Centre-Sud de Montréal, des attestations de sortie sont disponibles pour que les utilisateurs et utilisatrices de drogues puissent s’y rentre entre 20 h et 5 h du matinvii. En dépit des attestations, nombreux sont ceux et celles qui ont cessé de s’y rendre par peur d’être interpellé·e·s par les forces de l’ordre, craignant d’être trouvé·e·s coupables de possession de drogues illégalesviii.
« Plusieurs recommandations de la santé publique pour limiter la propagation du virus sont contradictoires avec certaines pratiques pour éviter des surdoses », soutient Frankie Lambert de l’Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues (AQPSUD). Ces recommandations incluent l’utilisation de nouveau matériel de consommation – des seringues à utilisation uniques, par exemple –, mais aussi d’avoir sur soi de la naloxone, pouvant freiner temporairement les effets d’une surdose d’opioïdesix. Les consommateurs et consommatrices de drogues sont également invité·e·s à ne pas consommer seul·e·s, une recommandation irréconciliable avec les mesures sanitaires comme la distanciation sociale ou le confinement.
Un sondage réalisé auprès de leurs membres a permis à l’AQPSUD de constater que les personnes utilisatrices de drogues sont très affectées économiquement et psychologiquement par les conséquences de la pandémie. L’association a également analysé l’ensemble des rapports du coroner suite aux décès par surdoses en 2017x, tirant des conclusions éclairantes quant à la situation actuelle : « les maladies chroniques, les troubles de santé mentale, les tentatives de suicide et la détresse psychologique sont surreprésentées par rapport à la population générale, portant à croire que la prise en charge de ces problèmes n’est pas optimale », soutient M Lambert, rappellent qu’« une des causes des décès par surdose est la perte de confiance dans le système et le réseau de la santé ».
L’engorgement des services hospitaliers, en marge de la pandémie, n’a rien fait pour aider. « Quant aux ressources, elles sont sous-financées et l’effritement du tissu social vulnérabilise nos communautés et ralentit les progrès que nous aurions pu faire au cours des dernières années », se désole le chargé des communications de l’AQPSUD.
Un cocktail explosif
Le système de santé publique n’est pas le seul à faire les frais d’un sous-financement. Les centres de thérapie pour traiter l’alcoolisme et la toxicomanie réclament plus d’aide du gouvernement provincialxi et le manque de ressources se fait également sentir dans le travail de prévention et de sensibilisation.
Julie-Soleil Meeson, de l’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDP), se désole du peu de laboratoires d’analyse des substances dans la province. « L’analyse des drogues sauve des vies », affirme-t-elle au bout du fil, soutenant que « les gens n’arrêteront pas de consommer [et que] l’objectif, c’est que les gens puissent faire des choix plus éclairés par rapport à leur consommation, surtout en temps de pandémie et avec le peu de moyens qu’on a sur le terrain ».
Alors que les initiatives de drug-checking comme dans l’Ouest canadien font toujours défaut au Québec, les informations concernant la qualité et le type de substances qui se trouvent sur le marché proviennent des consommatrices et consommateurs eux-mêmes. C’est grâce au partage de leurs expériences que Mme Meeson et son équipe sont en mesure de savoir quelles drogues sont les plus en circulation, si certaines sont coupées et avec quelles substances, si la qualité diminue ou encore si une hausse de prix pousse certaines personnes à modifier leurs habitudes de consommation. « Avec la pandémie, il y a un gros impact sur la possibilité de rejoindre tout le monde comme on le faisait avant », constate Mme Meeson, soulignant que sans l’information fournie par les utilisateurs et utilisatrices de drogues, il est difficile d’adapter leur intervention à la réalité du terrain.
Les changements sur le marché de la drogue provoqués par la pandémie, cumulés au manque d’informations précises sur la nature de ces changements, est un cocktail explosif, si on en croit les expert·e·s. « Il nous faut agir rapidement si nous ne voulons pas que la COVID-19 engendre deux épidémies chez les personnes qui utilisent des drogues », s’inquiète M. Lambert, qui soutient notamment l’abolition du couvre-feu, la reconnaissance d’initiatives comme le feu campement Notre-Dame et la décriminalisation des drogues.
Le 26 janvier dernier, les élu·e·s de Montréal adoptaient, à 47 votes contre 13, une motion réclamant au gouvernement fédéral la décriminalisation de la possession simple de drogues pour usage personnelxii. Cette motion, sur une approche basée sur la santé publique et non sur la répression, est peut-être la première d’une série de mesures qui mèneront, à terme, à la décriminalisation.
Révision de fond : Alexandre Dubé-Belzile
Révision linguistique : Any-Pier Dionne
i Olivier Faucher, « Drogues : le couvre-feu et l’autre crise de la santé publique », Métro, 27 janvier 2021. https://journalmetro.com/actualites/montreal/2606103/drogues-couvre-feu-crise-sante-publique/.
ii Simon Coutu, « La COVID-19 chamboule le marché de la drogue », Radio-Canada, 17 juin 2020. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1712660/coronavirus-drogue-marche-changements-impacts.
iii Yasmine Khayat, « Cannabis alcool et tabac pour passer à travers la pandémie »,Radio-Canada, 3 mars 2021. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1774426/cannabis-alcool-tabac-pandemie-sondage-sante-mentale.
iv Ibid.
v Olivier Faucher, op.cit.
vi Simon Coutu, op.cit.
vii Olivier Faucher, op.cit.
viii Ibid.
ix « La naloxone », Santé publique Ottawa, 3 mars 2020. https://www.santepubliqueottawa.ca/fr/public-health-topics/naloxone.aspx.
x André-Anne Parent, Miguel Bergeron-Longpré et Antoine Bertrand-Deschênes, « Crise des surdoses. Une analyse de contenu des rapports du coroner », 2019. https://aqpsud.org/wp-content/uploads/2020/12/Rapport-AQPSUD-doc-final.pdf.
xi Marie-Eve Cousineau, « Des centres d’intervention en dépendance proches de fermer », Le Devoir, 8 février 2021. https://www.ledevoir.com/societe/sante/594816/coronavirus-des-centres-d-intervention-en-dependance-proches-de-fermer.
xii Jeanne Corriveau, « Montréal favorable à la décriminalisation de la possession simple de drogue », Le Devoir, 26 janvier 2021. https://www.ledevoir.com/politique/montreal/594051/montreal-favorable-a-la-decriminalisation-de-la-possession-simple-de-drogue.
par Adèle Surprenant | Mar 19, 2021 | Analyses, Québec
Le 23 mars 2020, le gouvernement caquiste annonçait l’imposition d’un confinement d’au moins trois semaines, premier pas d’une série de mesures sanitaires qui ponctuent depuis l’actualité – et le quotidieni. Au Québec et ailleurs, de nombreuses voix se sont élevées contre une réponse politique jugée, entre autres, « liberticide ». Alors que les feux sont braqués sur les antimasques, antivaccins ou carrément coronasceptiques, d’autres formes de contestation se mettent en place.
« Plus l’état d’urgence avance, plus la légitimité du gouvernement doit être questionnée », prévenait le juriste et professeur Louis-Philippe Lampron durant un webinaire organisé par la Ligue des droits et libertés (LDL) du Québec, le 24 février 2021ii.
Au Québec, l’état d’urgence est reconduit depuis le 13 mars 2020, en vertu des articles 118 et suivants de la Loi sur la santé publiqueiii. Aux dix jours, décrets et arrêtés ministériels se succèdent pour prolonger l’état d’urgence sanitaire, sans consultation du parlement.
« Un très petit nombre de personnes exerce le pouvoir exécutif actuellement. Ce nombre restreint de personnes prend des décisions majeures relatives aux droits fondamentaux des gens, sans qu’il y ait délibération ou discussion sur le bien-fondé de ces décisions », écrivait Christian Nadeau, professeur de philosophie politique à l’Université de Montréal, dans un communiqué de la LDL paru le 28 avril 2020iv. Près d’un an plus tard, le gouvernement de François Legault maintient une gestion de la pandémie sur le mode de la « crise », une gestion de plus en plus critiquée. Le couvre-feu, en vigueur depuis le 6 janvier dernierv, compte parmi les mesures pointées du doigt, à droite comme à gauche.
« Financer la santé, pas les policiers »vi
Alors que le premier ministre affirmait sur les réseaux sociaux qu’« avec le couvre-feu, on a réduit le nombre de cas », il n’existe aucune preuve du lien entre cette mesure et la diminution des tests positifs, constatée depuis sa mise en vigueurvii. Le manque d’appui sur des conclusions scientifiques est une des choses que reproche Pascalviii au gouvernement : « le couvre-feu n’est pas seulement inutile, mais il est aussi dangereux », soutient le militant du collectif Pas de solution policière à la crise sanitaire, qui a préféré témoigner anonymement.
Il rappelle le cas de Raphaël André, 51 ans, décédé à la mi-janvier à Montréal après avoir passé la nuit à quelques mètres d’un refuge ferméix. Sa mort avait suscité de nombreuses critiques sur l’application du couvre-feu aux personnes en situation d’itinérancex, finalement exemptées temporairementxi.
« On s’oppose au couvre-feu, mais aussi à l’ensemble des mesures autoritaires et policières à la crise sanitaire », poursuit Pascal, citant à titre d’exemple la distribution de contraventions, ou encore l’augmentation du budget de la police. En date du 18 février 2021, 6 557 constats d’infractions à la Loi sur la santé publique avaient été distribués au Québec, le montant des amendes récoltées totalisant plus de 9,7 millions de dollarsxii.
Le collectif, qui a organisé deux manifestations les 16 janvier et 7 février dernier dans les rues de la métropole, s’inscrit dans une mouvance de gauche extraparlementaire. Il se distingue fortement des opposants aux mesures sanitaires d’inspiration conspirationniste. Les antimasques et les antivaccins n’étaient d’ailleurs pas les bienvenu·e·s dans les rassemblements qu’a organisés le collectif, où on a invité les quelques centaines de participant·e·s à respecter les gestes barrières.
Pour les militant·e·s du collectif, qui est suivi par près d’un millier de personnes sur Facebook, la pandémie est avant tout un problème sanitaire, qui doit se résoudre à l’échelle sanitaire.
Pascal dénonce le manque d’investissement dans le système de santé public : « une des raisons pour lesquelles la Covid-19 est mortelle, c’est parce que depuis trente ans les gouvernements caquiste, libéraux et péquistes ont coupé dans le système de santé, ce qui fait qu’il va beaucoup plus vite qu’autrefois et nous rend très vulnérables à une pandémie », explique-t-il àL’Esprit libre.
Parmi les revendications du collectif, on trouve le désinvestissement dans les services de police, dans la foulée du mouvement Defund the police. Le militant croit que la crise sanitaire est plutôt une occasion de « mettre de l’avant des solutions d’entraide et de solidarité, des alternatives qui mettraient de l’avant un réinvestissement massif dans le filet social et les services sociaux ». Il se désole de constater une réponse inverse du gouvernement, qui adopte selon lui une approche individualiste de l’endiguement de la crise, tout en favorisant l’économie au détriment de l’intégrité physique et psychologique d’une partie de la population.
Il n’y aura pas d’avant pour les arts vivants
Avec la réouverture des écoles et des commerces, les rues de Montréal ont retrouvé un semblant de normalité. Mais certains secteurs d’activités sont encore profondément affectés par les restrictions sanitaires. C’est le cas des arts vivants comme le théâtre ou la danse, privés quasi intégralement de leurs lieux d’exercice depuis le début de la pandémie.
Aux lendemains de l’annonce du premier confinement, en mars 2020, l’auteur et metteur en scène Hugo Fréjabise et certain·e·s de ses collègues ont tout de suite cherché à s’organiser pour continuer à créer, confiné·e·s. Il se souvient avoir rapidement pris conscience que, pour lui, le théâtre ne pouvait pas exister surZoom ou Facebook Live, qu’il lui fallait un public en chair, en os et en masques. S’est alors entamé un processus de réflexion, dont la conclusion est sans équivoque : « le théâtre n’a pas été bouleversé par l’épidémie, mais l’épidémie a révélé ce qu’il y avait de problématique dans les arts vivants », affirme M. Fréjabise, joint par téléphone.
Même si les artistes en arrêt de travail ont pu toucher les aides financières d’urgence, il s’inquiète que rien n’ait été fait pour assurer la survie des arts vivants en tant que tels. « On s’est vite rendu compte qu’il fallait agir par nous-mêmes et ne pas faire de motions pour le gouvernement, les grands théâtres, le Conseil des Arts et tout ça, qui n’ont rien fait pendant un an », poursuit-il, évoquant une « perte de confiance totale » vis-à-vis des institutions supposées représenter et défendre les intérêts des artistes, et surtout de leurs arts.
À l’été 2020, M. Fréjabise et ses collègues ont donc pris d’assaut les parcs de Montréal pour y jouer une pièce créée entièrement depuis le début de la pandémie. Aussi, malgré le temps froid, des manifestations-évènements sont organisées ponctuellement dans les lieux publics de la ville par différents collectifs, à défaut d’avoir accès aux salles de théâtres. D’ailleurs, celles-ci demeurent fermées jusqu’à nouvel ordre, malgré l’annonce de la réouverture des cinémas à compter du 26 févrierxiii.
En parallèle, les mesures proposées par le ministère de la Culture et des Communications sont insatisfaisantes pour M. Fréjabise, qui souligne que les bourses offertes pour la création sont désormais fortement orientées vers le théâtre numérique. « On nous propose de devenir des youtubeurs en puissance », commente-t-il, ajoutant qu’il s’oppose à cette injonction du « réinventez-vous en 2.0 ».
« Pour nous, ce serait une résistance de dire que le théâtre ça se passe en forêt, ça se passe dans la rue, ça ne se passe pas par écran », insiste l’auteur et metteur en scène, se faisant le porte-voix de dizaines d’artistes avec lesquels il travaille d’arrache-pied pour continuer à créer, en dépit des contraintes sanitaires. Sur l’avenir du théâtre postpandémie, il souhaite échapper à un mouvement qu’il qualifie de gauche réactionnaire qui appellerait à un retour au monde d’avant. Pour lui, en ce qui concerne la place accordée aux arts vivants dans la société québécoise, « l’avant, ce n’était déjà pas terrible ».
i Olivier Bossé, « COVID-19 : le Québec “sur pause” pour au moins trois semaines », Le Soleil, 23 mars 2020. https://www.lesoleil.com/actualite/covid-19-le-quebec-sur-pause-pour-au-moins-trois-semaines-video-01afbdb0751d8b91c6be329c812b1057.
ii « Webinaires », Ligue des droits et libertés. https://liguedesdroits.ca/webinaires/.
iii Mesures prises par décrets et arrêtés ministériels en lien avec la pandémie de la COVID-19, Gouvernement du Québec. https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/mesures-prises-decrets-arretes-ministeriels/#:~:text=le%2022%20juillet%202020%2C%20du,pand%C3%A9mie%20de%20la%20COVID%2D19%20.
iv « Communiqué : Mesures d’urgence et déconfinement – La crise sanitaire réveille de vieilles urgences déjà bien connues », Ligue des droits et libertés, 28 avril 2020. https://liguedesdroits.ca/communique-deconfinement-dh/.
v David Rémillard, « “On ne saura jamais” l’impact du couvre-feu sur le nombre de cas de COVID-19 », 24 janvier 2021. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1765499/couvre-feu-efficacite-science-covid19-quebec.
vi Slogan entendu lors des manifestations organisées par le collectif Pas de solution policière à la crise sanitaire.
vii Ibid.
viii Nom fictif.
ix Thomas Gerbet, « Un itinérant de Montréal est mort après avoir passé la nuit devant un refuge fermé »,Radio-Canada, 18 janvier 2021. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1763930/itinerant-montreal-mort-toilettes-nuit-dehors-refuge-ferme.
x Maud Cucchi, « L’opposition enjoint au gouvernement Legault d’exempter les itinérants du couvre-feu », Radio-Canada, 25 janvier 2021. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1765712/itinerance-legault-couvre-feu-covid-pandemie-exemption.
xi Jérôme Labbé, « Les itinérants exemptés temporairement du couvre-feu au Québec », Radio-Canada, 26 janvier 2021, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1766147/suspension-application-couvre-feu-itinerants-cour-superieure.
xii Marco Bélair Cirino, « Bond des constats d’infraction liés aux règles sanitaires »,Le Devoir, 18 février 2021. https://www.ledevoir.com/politique/quebec/595383/non-respect-des-consignes-le-nombre-de-contraventions-a-bondi-sauf-a-montreal.
xiii « La majorité des salles de cinéma rouvriront le 26 février au Québec », Radio-Canada, 19 février 2021. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1772115/reouverture-salles-cinema-26-fevrier-quebec-covid-coronavirus?depuisRecherche=true.
par Adèle Surprenant | Fév 20, 2021 | Analyses, Canada, Québec, Societé
Plus d’une décennie après les évènements du G20 de Toronto, quelque 1100 arrêté·e·s s’apprêtent à tourner la page. Le 19 octobre 2020, la Cour supérieure de l’Ontario a approuvé l’entente à l’amiable conclue en août entre les représentant·e·s des arrêté·e·s et la Commission des services policiers de Torontoi. Les membres du recours collectif avaient jusqu’au 16 février pour réclamer leur part du dédommagement financier de 16,5 millions de dollars prévu par l’ententeii. À cela s’ajoutent les excuses formelles de la police, une premièreiii.
Les 26 et 27 juin 2010, le centre-ville de Toronto accueille le sommet du G20. Au rendez-vous, les chefs d’État et représentant·e·s des grandes puissances mondiales, mais aussi 21 000 policier·ère·s et agent·e·s de sécurité, déployé·e·s dans les rues de la métropoleiv.
Sur les milliers de manifestant·e·s rassemblé·e·s au courant de la fin de semaine, environ 1100 sont arrêté·e·s et détenu·e·s dans des conditions portant atteinte aux droits fondamentaux. Dix ans plus tard, elles et ils recevront entre 5000 et 24 700 dollars par personne. L’entente stipule également que le Service de police de Toronto s’engage à modifier certaines de ses pratiques, en plus de présenter des excuses publiques pour la première fois de l’histoire des forces de l’ordre canadiennes. Cette compensation est-elle jugée suffisante par les personnes arrêtées sans motif valable, victimes de ce qui a été qualifié de « plus massive compromission des libertés civiles de l’histoire du Canadav »?
Abus de pouvoir
À bord de l’autobus qui devait l’emmener de Montréal à Toronto, Sonia Palato est informée par un groupe de militant·e·s des mesures de sécurité et des recours légaux en cas d’arrestation. « Mais je ne me sentais vraiment pas concernée, parce que de toute façon, j’allais juste participer à des manifestations légales, comme en touriste », se souvient l’étudiante, qui avait à l’époque 21 ans.
Sur place, elle est témoin de peu de grabuge, et n’aperçoit que de loin les affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestant·e·s. Comme une centaine d’autres Québécois·es, qui ont fait la route pour participer aux manifestations dans le cadre du G20, elle passe la nuit dans le gymnase de l’Université de Toronto. Aux alentours de sept heures du matin, elle est réveillée, un fusil pointé sur la tête. Encore endormie, Mme Palato ne comprend pas ce qui lui arrive : elle croit d’abord que l’opération policière en cours a pour but d’arrêter quelques manifestant·e·s ciblé·e·s durant le rassemblement de la veille par les forces de l’ordre. Rien ne lui laisse à penser qu’elle est en train d’assister à sa propre arrestation.
Ce n’est que trois ou quatre heures plus tard que toutes les personnes présentes dans le gymnase se font escorter par les policier·ère·s dans un centre de détention provisoire, emménagé pour l’occasion dans les locaux d’un ancien studio de cinéma. Les arrêté·e·s y passeront entre 24 et 70 heures, pour certain·e·s, sans pouvoir parler à un·e avocat·e ou appeler un·e prochevi.
Des cellules surpeuplées, climatisées alors que de nombreux·ses détenu·e·s ne portent que des vêtements légers, des infiltrations d’eau sur le sol, qu’elles et ils doivent arpenter sans chaussures… Les humiliations décrites par les arrêté·e·s contacté·e·s par L’Esprit libre, sont nombreuses : fouilles à nu, toilettes sans portes les contraignant à faire leurs besoins devant policier·ère·s et codétenu·e·s, commentaires sexualisants, racistes, dénigrants. Certaines personnes sont privées de leurs médicaments contre le diabète ou encore la schizophrénie.
« De l’abus de pouvoir », juge Mme Palato, qui est libérée le deuxième soir de son arrestation avec quatre autres personnes, laissées à elles-mêmes en périphérie de Toronto. Les accusations tenues contre elle ont été abandonnées l’année suivante. Plusieurs arrêté·e·s ont été accusé·e·s de complot pour commettre un acte criminel, un délit passible d’emprisonnement.
L’engagement de caution d’un détenu, obtenu par L’Esprit libre, stipule entre autres que la ou le prévenu·e ne doit « pas participer à des manifestations, à moins qu’il ne s’agisse de manifestations paisibles et légitimes, ou être présent[·e] sur les lieux, et que si cette manifestation devient illégale ou non paisible, [il ou elle doit] quitter les lieux immédiatement ».
Le risque de judiciarisation derrière elle, Mme Palato dit avoir eu pour réflexe le détachement. « Ce n’est que des années plus tard que je me suis rendu compte que ça a créé un traumatisme », affirme-t-elle. Au téléphone, elle raconte s’être réveillée en panique plusieurs nuits, alors que le sommet de Toronto célébrait à l’été 2020 son dixième anniversaire : « chaque nuit, je pensais qu’il y aurait quelqu’un qui m’attendrait avec un gun ».
Les symptômes post-traumatiques ne sont pas non plus étrangers à Guim Moro, qui a passé 27 heures au centre de détention provisoire avant d’être libéré, lui aussi sans accusions. Le musicien affirme avoir passé les trois quarts de son temps d’enfermement menotté. Lorsqu’il performe dans des festivals, où les bracelets en plastique sont souvent substitués aux billets d’entrée, il ressent encore le poids de ses menottes d’antan.
Des avis partagés
« J’ai vu comment ce type d’événements là peut casser des gens », affirme Guim Moro, tout en insinuant que le mouvement, lui, n’a pas été freiné par la répression policière.
D’où la nécessité d’un recours collectif qui « n’a pas été fait dans une optique d’avoir de l’argent, mais dans une optique d’avoir un précédent (judiciaire) » qui n’a, selon lui, été établi qu’à moitié. Si l’affaire s’était résolue par la voie d’un procès, le jugement aurait fait jurisprudence. Les conclusions d’une entente à l’amiable n’ont pas valeur juridique, ce que déplorent certain·e·s arrêté·e·svii.
« Moi ça ne m’aurait pas dérangé de faire un autre dix ans, que ça rentre en cours et que finalement il y ait un réel précédent, que le gouvernement et la police soient [reconnus] coupables et ne puissent pas refaire ce genre de trucs là », affirme Guim Moro. Il se dit déçu et attristé d’une entente « régressive » qui, survenue en parallèle du mouvement Black Lives Matter, aurait d’après lui pu mener à considérer un désinvestissement dans les services policiers.
« C’est beaucoup d’insatisfaction que les gens peuvent vivre, c’est clair. Si on était allé·e·s jusqu’au bout et qu’on était allé·e·s en procès, on aurait gagné, on aurait eu une reconnaissance écrite et complète de la violation de nos droits. Pour plusieurs personnes, ça aurait été vraiment significatif », renchérit Jacinthe Poisson, membre de la Ligue des droits et libertés, juriste et militante. Aussi arrêtée durant le G20 de Toronto, elle se dit pourtant satisfaite de l’entente. « Je ne sentais plus brûler en moi la souffrance et l’injustice que j’ai vécues il y a dix ans », explique-t-elle, ajoutant également qu’un long processus judiciaire aurait pu réactiver les traumatismes.
Impunité policière
« C’est normal qu’il y ait un article dans notre Code criminel qui dit que c’est interdit de comploter […], soutient Mme Poisson. Ce n’est pas l’existence de cet article-là qui est un problème, dit-elle, mais comment la police l’a appliqué. » Avec brutalité et sans discernement, à en croire différents témoignages.
Mme Poisson souligne néanmoins l’impunité des corps policiers, à l’issue de l’entente à l’amiable : « On le savait tous qu’à travers le recours collectif nous n’allions jamais obtenir de punition pour les policiers [et policières] ou des chefs politiques qui sont derrière les décisions qui ont été prises. » Peu de policier·ère·s ont été sanctionné·e·s sur une base individuelle, et seulement un haut gradé s’est vu retirer 60 jours de vacances payéesviii. Le policier qui a donné l’ordre d’arrêter les Québécois·es dans le gymnase a pris une retraite préventive et s’est soustrait à tout processus disciplinaire, selon Mme Poisson.
Bill Blair, chef du Service de police de Toronto au moment du G20, a quant à lui été nommé ministre fédéral de la Sécurité publique et de la Protection civile en 2019.
« Ça a été une vraie guerre d’usure », commente la juriste, qui se dit maintenant prête à tourner la page. Pour Guim Moro, l’héritage des évènements de 2010 et de la bataille du recours collectif qui a suivi, lui, n’est pas près de disparaître. Un évènement charnière, selon lui, qui a permis d’introduire sur la place publique des questionnements sur le rôle de la police, la répression des personnes racisées ou encore des peuples autochtones.
« Regardez, au Canada aussi ça arrive des choses comme ça. Historiquement, c’est arrivé, même si on n’en parle pas trop qu’il y a eu des répressions depuis le début de la colonisation », dit le musicien. Interrogé sur l’impact de la médiatisation de la répression policière, il souligne que la représentation médiatique du G20 a effectivement été plus importante que celle d’autres mouvements, ce qu’il explique par le fait que les personnes arrêtées à Toronto étaient majoritairement blanches.
Même s’il estime qu’il n’y a pas de réelle volonté de repenser et de réformer les services policiers, Guim Moro croit que le G20 a permis d’entamer un processus de prise de conscience collective, toujours en cours.
i « G20 de Toronto : règlement de 16,5 millions dans un recours collectif contre la police »,Radio-Canada, 17 août 2020. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1727120/g20-recours-collectif-police-toronto-reglement.
ii Ibid.
iii Jacinthe Poisson, « G20 de Toronto : l’impunité policière persiste et signe », Ligue des droits et libertés, 29 octobre 2020. https://liguedesdroits.ca/carnet-g20-toronto-impunite-police/.
iv Ibid.
v Wendy Gillis, « “We regret thet mistakes were made” : Toronto police acknoledge “unacceptable” mass arrests at 2010 G20 protests », Toronto Star, 19 octobre 2020. https://www.thestar.com/news/gta/2020/10/19/we-regret-that-mistakes-were-made-toronto-police-acknowledge-unacceptable-mass-arrests-at-2010-g20-protests.html.
vi Jacinthe Poisson, op.cit.
vii Ibid.
viii Ibid.
par Adèle Surprenant | Fév 13, 2021 | Analyses, Canada, Québec
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, la démocratie s’est affaiblie dans 80 des 192 pays passés sous la loupe de l’ONG Freedom Housei. Élections reportées, censure des médias, manque d’accès à de l’information claire et transparente sur l’évolution de la crise sanitaire… Autant de paramètres qui font craindre aux observateur·trice·s un recul des droits et libertés dans le monde. Face à ce bilan, le Canada peut-il encore se targuer d’être le « plus meilleur pays du monde », pour reprendre la formule de Jean Chrétien?
« La pandémie a vraiment créé une situation de tension, puisque la gravité de la crise en tant que telle amène les gouvernements à prendre des mesures d’exception qui, souvent, empiète sur les droits et libertés », explique Maxim Fortin, coordonnateur et porte-parole de la section québécoise de la Ligue des droits et libertés. Peu importe la nature de la crise, le respect des droits de la personne est encadré par le droit international, censé fournir aux États les limites au sein desquelles ils peuvent légiférer et agir pour résorber une situation critique sans fragiliser les droits de la personne et la démocratie, d’après Amnistie internationaleii. Interrogé sur la performance du Québec et du Canada, M. Fortin affirme qu’ « il y a plusieurs mesures qui ont été prises qui, sur le plan des droits et libertés, sont très raisonnables et justifiables, mais, dit-il, il y a d’autres mesures sur lesquelles, vraiment, on peut se poser des questions ». Il ajoute que la plupart des dérives sont imputables au gouvernement québécois de François Legault.
Sur l’échelle de liberté globale mise sur pied par Freedom House, le Canada cumule un score de 98/100. Les deux points qui lui ont échappé en 2020 sont, d’une part, attribuables à l’adoption au Québec de la Loi sur la laïcité de l’État qui, selon l’ONG, brimerait la liberté religieuse. D’autre part est soulignée l’absence de traitement équitable entre différents groupes de la populationiii. Les peuples autochtones « demeurent sujets aux discriminations répandues, se débattent avec l’insécurité alimentaire, un accès inégal à l’éducation, à la santé, aux services publics et à l’emploiiv v», peut-on lire dans le rapport.
L’État canadien, dont le rôle central dans la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) fait encore l’objet de fierté, déclare lui-même « prendre au sérieux » ses obligations en matière de droits de la personne et rappelle son implication au niveau d’enjeux tels les changements climatiques, le pluralisme et la diversité ou encore les « affaires autochtones internationalesvi »vii.
Ô Canada, terre des droits?
Fin septembre 2020, la mort de Joyce Echaquan, 37 ans, a mis de nouveau sur le devant de la scène médiatique les problèmes de racisme systémique dans les institutions québécoises. La jeune Atikamekw de Manawan, décédée suite à la négligence du personnel médical de l’hôpital Saint-Charles-Borromée, qui a proféré des insultes racistes à son encontre, est devenue le symbole d’un mal profond.
Dénoncées par plusieurs groupes de défense des droits et libertés, les « discriminations systémiques de longue date à l’encontre des peuples autochtonesviii » ont eu des conséquences particulièrement criantes au cours de la dernière année : déjà vulnérables, les populations autochtones des réserves et des villes ont souffert du manque d’accès aux ressources et à l’information dans le contexte sanitaire actuel, s’inquiète Nicolas Houde, professeur au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal. « Il y a une crainte du système hospitalier et les gens peuvent être un peu réfractaires à aller au-devant des hôpitaux ou de la vaccination », souligne-t-il, ajoutant que le décès de Mme Echaquan n’a fait qu’augmenter les craintes des autochtones vis-à-vis des institutions publiques québécoises.
Le spécialiste des relations entre les communautés autochtones et les autorités canadiennes rappelle que les habitant·e·s des réserves ont souvent du mal à respecter les gestes-barrières faute d’avoir accès à des conditions d’hébergement favorables à l’isolement. En ville, la pauvreté, les obstacles à l’emploi et la crise du logement poussent de nombreux·ses autochtones à la rue. Il en a été ainsi pour Raphael André, 51 ans, retrouvé mort à la fin janvier 2021, à quelques pas d’un organisme d’aide qui a été contraint de fermer sa halte-chaleur suite à l’éclosion de cas de COVID-19ix.
Au sujet de l’inaction des différents paliers gouvernementaux, Nicolas Houde soutient qu’il y avait de quoi être optimiste avant la pandémie, mais que celle-ci a absorbé toute l’énergie médiatique, politique et publique qui commençait pourtant à se sensibiliser à la réalité des peuples autochtones. « Notre attention est ailleurs, ce qui ne veut pas dire que les problèmes ne continuent pas à s’accumuler », commente-t-il, constatant que « les problèmes liés à la reconnaissance des droits territoriaux, à la reconnaissance des institutions politiques — notamment des chefs traditionnels en Colombie-Britannique — et à l’acceptation d’une notion de consentement pour les autochtones pour les projets de développement environnementaux n’ont pas beaucoup évolué dans la dernière année ».
Ce constat fait écho aux préoccupations de Maxim Fortin, qui rappelle que la pandémie a mis un frein à plusieurs luttes menées par des communautés autochtones partout au pays contre différents projets gaziers ou miniers « menés et loués », dit-il, par le fédéral : « depuis que Justin Trudeau est au pouvoir, il a tout un discours d’ouverture, d’inclusion, et à plusieurs reprises, de profession de foi à l’égard des droits et libertés, mais ce gouvernement-là semble un peu prisonnier de la logique extractiviste du Canada et du capitalisme canadien : d’un côté, il se tourne vers les nations autochtones pour leur dire qu’elles sont les bienvenues dans le Canada que Trudeau veut construire, mais de l’autre, ces communautés-là se voient refuser le droit de choisir ou de s’opposer au déploiement de projets miniers et gaziers sur leurs territoires ancestraux », déplore le porte-parole de LDL-Québec.
« Les pratiques ne sont pas à la hauteur des discours »
L’application Alerte COVID, lancée par le gouvernement fédéral au Québec le 5 octobre 2020x, a fait grincer des dents plusieurs critiques, dont M. Fortin, qui s’inquiète du fait qu’il n’y ait pas eu de « débat suffisant sur les implications du traçage numérique ». À ce sujet, il rappelle que le ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, Pierre Fitzgibbon, a déclaré être favorable à ce que le gouvernement permette aux pharmaceutiques l’accès aux données personnelles des Québécoises et Québécois pour attirer ces compagnies au Québec : « un ministre qui, d’une certaine façon, fait la promotion d’une pratique d’extraction des données qui viole carrément le droit à la vie privée et à la confidentialité », affirme-t-il. Toujours du côté du Québec, M. Fortin souligne la « tournure répressive » qu’a prise la lutte contre la pandémie à partir du printemps 2020. Il pointe notamment du doigt le couvre-feu, entré en vigueur après les fêtes et sur lequel aucune preuve scientifique de l’efficacité n’a, selon lui, été avancée.
À l’international, où le gouvernement de Justin Trudeau est connu pour ses ferveurs multilatéralistesxi et pour avoir dénoncé les gouvernements répressifs de Pékin, de Moscou et de New Delhixii, la réalité ne semble pas être la même que l’image qu’Ottawa aime projeter : « le Canada a différentes pratiques dans différents pays qui font en sorte que les droits humains sont brimés », affirme M. Fortin, qui tient toutefois à nuancer. « Évidemment, le Canada n’agit pas directement, mais fait souvent affaire avec des gouvernements ou avec de grandes compagnies qui, eux, ne respectent pas les droits et libertés des populations locales ». L’an dernier, le Canada a été pointé du doigt pour par la première fois dans un rapport de l’ONU sur le Yémen, pour avoir « poursuivit le support à des parties du conflit, incluant à travers le transfert d’armes, contribuant par le fait même à la poursuite du conflit », aux côtés de la France, de l’Iran, de la Grande-Bretagne et des États-Unisxiii. En date de la publication de ce rapport, la guerre au Yémen avait fait environ 112 000 mort·e·s, dont 12 000 civil·e·sxiv.
« Le Canada est également aux prises avec de graves problèmes de droits de la personne à l’étranger, liés aux pratiques abusives des entreprises canadiennes d’extraction minière (…)xv », selon Human Rights Watch. L’Ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises ne dispose pas du « pouvoir d’enquêter indépendamment ou de faire rapport sur les violations des droits de la personne mettant en cause des entreprises extractives canadiennes et ses capacités de faire rendre des comptes aux parties responsables sont limitées », et ce, même si près de la moitié des entreprises extractives au monde sont enregistrées au Canadaxvi.
À cela s’ajoute l’absence de mesures de rapatriement pour les 46 Canadien·ne·s détenu·e·s illégalement dans le nord-est de la Syrie, dont on estime que 25 sont des enfantsxvii. Emprisonné·e·s pour soupçon d’appartenance à l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL), les ressortissant·e·s canadien·ne·s vivent dans des conditions insalubres, et ce, sans avoir eu droit à un procès en bonne et due formexviii. Une situation à laquelle le Canada juge qu’il est trop difficile de remédier considérant l’absence de représentation diplomatique et la situation sécuritaire en Syrie, ce qui ne semble pas avoir empêché la France, l’Allemagne et d’autres pays occidentaux de procéder aux rapatriementsxix.
Pour Maxim Fortin, une menace inédite fait de plus en plus d’ombre aux droits et libertés : les mouvements conspirationnistes ou complotistes qui, même s’ils revendiquent parfois la défense contre les gouvernements liberticides, en sont un de leurs plus fidèles alliés. Il rappelle que les organisations de défense des droits et libertés sont « les chiens de garde » de nos démocraties, et qu’elles continueront de « faire des analyses critiques et dénoncer lorsque c’est nécessaire ». Par contre, insiste M. Fortin, « il faut le faire à partir de données solides, à partir d’arguments solides et d’analyses logiques, et ne pas se lancer, comme on le voit sur les réseaux sociaux, dans un concert d’accusations saugrenues ».
i Ximena Sampson, « COVID-19 : la démocratie en prend pour son rhume », Radio-Canada, 19 octobre 2020. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1741399/pandemie-democratie-recul-monde-abus-pouvoir.
ii Amnistie internationale, « Un appel pour une surveillance des droits humains dans les réponses gouvernementales à la pandémie de COVID-19 », 15 avril 2020. https://amnistie.ca/sinformer/communiques/local/2020/canada/un-appel-pour-une-surveillance-droits-humains-reponses.
iii Freedom House, « Freedom in the World 2020. Canada ». https://freedomhouse.org/country/canada/freedom-world/2020.
iv « Canada’s indigenous peoples remain subject to widespread discrimination, struggle with food insecurity, and unequal access to education, health care, public services, and employment. » Citation originale. Ibid.
vi Gouvernement du Canada, « Approche du Canada visant à promouvoir les droits de la personne », dernière modification le 9 janvier 2020. https://www.international.gc.ca/world-monde/issues_development-enjeux_developpement/human_rights-droits_homme/advancing_rights-promouvoir_droits.aspx?lang=fra.
viii Human Rights Watch, « Canada. Événements de 2020 ». https://www.hrw.org/fr/world-report/2020/country-chapters/336746.
ix Jeanne Corriveau et Annabelle Caillou, « La mort d’un sans-abri sème la consternation », Le Devoir, 19 janvier 2021. https://www.ledevoir.com/societe/593511/un-itinerant-trouve-mort-dans-une-toilette-portable-a-montreal.
x Tommy Chouinard et Pierre-André Normandin, « Alerte COVID. Faible taux d’utilisation chez les Québécois infectés », La Presse, 19 janvier 2021. https://www.lapresse.ca/covid-19/2021-01-19/alerte-covid/faible-taux-d-utilisation-chez-les-quebecois-infectes.php.
xi Jocelyn Coulon, « Quelle politique étrangère pour le Canada? », Institut canadien des Affaires mondiales, octobre 2019. https://www.cgai.ca/quelle_politique_etrangere_pour_le_canada.
xii La Presse canadienne, « Le Canada et des alliés condamnent d’une même voix les arrestations à Hong Kong », Radio-Canada, 10 janvier 2021. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1762165/arrestations-hong-kong-diplomatie-canada-australie-etats-unis-royaume-uni?depuisRecherche=true.
xiii United Nations, « Report of the Group of eminent International and Regional Experts on Yemen. Situation of Human Rights in Yemen, including violations and abuses since September 2014 », 2 octobre 2020. https://yemen.un.org/en/21002-situation-human-rights-yemen-including-violations-and-abuses-september-2014-ahrc3943.
xiv Ibid.
xv Human Rights Watch, op.cit.
xvi Ibid.
xvii Ibid.
xviii Ibid.
xix Agnès Gruda, « Canadiens coincés en Syrie : rapatrier Amina… et les autres », La Presse, 10 août 2020. https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/2020-08-10/canadiens-coinces-en-syrie-rapatrier-amira-et-les-autres.php.
par Adèle Surprenant | Fév 3, 2021 | Analyses
Un récent sondage de la firme Léger prêtait 40 % des intentions de vote à la Coalition avenir Québec (CAQ)1, et ce, malgré l’épuisement de la population face aux mesures de confinement et l’impasse économique dans laquelle la crise sanitaire a projeté la province. Une telle popularité s’explique-t-elle par le désir de stabilité politique qu’a engendré la crise ou est-ce plutôt le fruit de « la plus vaste campagne de communication jamais répertoriée dans l’histoire du Québec »2, comme l’a annoncé le gouvernement? À un an près du début de la pandémie, attardons-nous sur les communications de la CAQ et de son chef, le premier ministre François Legault.
« C’est une crise qui n’est pas comme la crise du verglas qui a duré un mois, un mois et demi et après on est revenus à la normale », souligne Isabelle Gusse, professeure en communication politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « C’est une crise pour laquelle on n’a pas réellement de repères sur sa finalité […] et donc c’est quasiment une communication en état de crise permanente, puisque la crise ne s’essouffle pas, ce qui est aussi nouveau que la pandémie », conclut-elle en riant.
Un rire jaune, sans doute. Au moment de l’entrevue, le Québec enregistre plus de 2 500 nouveaux cas positifs à la COVID-19, pour un total de 220 518 personnes infectées3. Ce n’est pas faute d’avoir mené une bonne campagne de communication, selon Mme Gusse, qui souligne cependant que la deuxième vague a plus difficilement été appréhendée. « Est-ce que c’est la faute du gouvernement? », s’interroge-t-elle, invoquant la lassitude des gens et le scepticisme de certain∙e∙s face au virus ou à son vaccin.
Selon les spécialistes, les efforts de communication du gouvernement ont en effet été « globalement réussis »4. Même si l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) insiste, dans un document officiel, sur le fait qu’une bonne stratégie communicationnelle permette de contrer la désinformation et les théories conspirationnistes qui circulent en abondance sur les réseaux sociaux5, la Belle Province n’est pas à l’abri du phénomène. À l’été 2020, l’ INSPQ révélait que près du quart des Québécois∙e∙s croient que le coronavirus a été créé en laboratoire, des chiffres qui grimpent à 28 % dans les rangs des travailleur∙euse∙s de la santé. On peut alors se demander si les fausses nouvelles sont alimentées par les tendances et les failles du discours caquiste, assez fréquemment taxé de populisme6.
« Le boss en ce moment, c’est le virus »
« […] La communication, en donnant sens aux évènements, a un effet considérable sur le niveau de sécurité (ou d’insécurité) d’une société. C’est là le premier des grands paradoxes des crises sanitaires : le succès des efforts des systèmes de santé pour traiter la maladie est dépendant en partie d’impératifs communicationnels, complètement étranges à la sphère médicale. Sans la communication efficace des mesures en place, sans la confiance des populations envers les autorités — construite essentiellement par le discours —, le meilleur système de santé de la planète risque d’échouer », met en garde Olivier Turbide dans un article pour Policy Options7.
Le professeur en communication politique à l’UQAM souligne également le dilemme auquel sont confrontées les politiques qui, face aux impératifs de la crise, doivent concilier la vitesse à laquelle les informations évoluent et la rapidité à laquelle doivent être prises les décisions, tout en assurant la fiabilité des informations sur la base desquelles sont prises les mesures gouvernementales8.
Mme Gusse rappelle à L’Esprit libre qu’il y a eu des ratés dans la communication des directives. À titre d’exemple, elle cite la recommandation du docteur Horacio Arruda, au début de la pandémie, d’éviter le port du masque : « quand tu as une pandémie, tu ne dis pas aux gens de ne pas porter de masque pour leur dire un mois et demi plus tard qu’il faut le porter, parce que là les gens ils ont capté, en période de crise, que c’était inutile » et prennent donc plus difficilement les consignes contradictoires au sérieux. Ce genre de « cafouillages », souligne-t-elle, témoigne d’une certaine confusion au sein du gouvernement au sujet des informations à divulguer… ou de celles à taire, lorsqu’elles ne sont pas encore confirmées.
« C’était quasiment impossible de ne pas avoir un certain niveau de confusion », juge quant à lui Frédéric Boily, professeur de science politique à l’Université d’Alberta et auteur de plusieurs livres sur la CAQ et sur les politiques québécoise et canadienne, qui croit que le manque de clarté vaut bien la rapidité d’action qui peut en être gagnée. Selon lui, l’erreur principale du gouvernement provincial a été d’accumuler les fausses promesses. Invoquant une déclaration du premier ministre qui, en avril 2020, a déclaré que « les jours meilleurs s’en viennent »9, M. Boily dit comprendre « que dans un discours politique, un premier ministre doit annoncer que des choses meilleures vont arriver, mais il ne faut surtout pas les annoncer trop rapidement, et ça a été une erreur de mon point de vue du côté du gouvernement du Québec ». Lors de sa conférence de presse pour les enfants, François Legault a promis à ses interlocuteur∙trice∙s qu’ils·elles allaient revoir leurs « ami∙e∙s » dès le 11 janvier 202110, quelques semaines avant d’annoncer la fermeture des écoles et d’autres mesures restrictives11.
Sous des apparences de contrôle, M. Legault et son équipe sont soumis, comme tout le monde, aux aléas du virus, les mesures étant prises en fonction de sa progression ou de sa régression. Le tout est emballé d’une bonne dose d’humour et de légèreté, notamment incarnée par la figure sympathique du docteur Arruda12 et de ses pastéis de nata. Qu’est-ce les tartelettes portugaises et la présence du père Noël en conférence de presse aux côtés de François Legault nous disent sur la stratégie communicationnelle du gouvernement? Tout en étant efficace, risque-t-elle de verser dans le populisme et dans la démagogie?
Populaires ou populistes?
Même s’il fait souvent la une des journaux et se balade sur toutes les lèvres, le populisme est un phénomène difficile à cerner. Interrogé par L’Esprit libre, Frédéric Boily explique que son association à la droite s’est faite à cause de Donald Trump, devenu figure emblématique du populisme, mais qu’il s’agit d’une erreur. « C’est un style politique qui peut se greffer à toutes les idéologies », soutient-il, un style politique dont les différentes caractéristiques n’adviennent pas toujours simultanément. Parmi ces caractéristiques, une conception du peuple comme unité absolue, le refus du désaccord et l’absence de médiations au sein du peuple et dans le discours public, pour n’en citer que quelques-unes.
Entre le 12 mars et le 22 décembre 2020, le premier ministre a participé à 115 points de presse. « Cette relation directe entre leader et peuple à travers une émission quotidienne est une caractéristique des néo-populismes, ce qu’on appelle les télépopulismes », nous renseigne Ricardo Penafiel, professeur à l’UQAM et spécialiste de la politique et des populismes latino-américains. En donnant l’exemple de l’émission Aló presidente de l’ex-dirigeant vénézuélien Hugo Chávez, il affirme cependant être mal à l’aise avec le parallèle entre les pratiques du gouvernement Legault et le populisme. « La caractéristique principale du populisme est d’être anti-establishment et en ce sens-là, la CAQ n’a jamais été anti-establishment », rappelle-t-il, insistant sur le fait que même lorsqu’il était dans l’opposition, le parti était une création de l’establishment.
Une étude menée avant la pandémie auprès de 56 universitaires et 40 expert∙e∙s des médias confirme cette assertion13. La CAQ n’est pas perçue comme antiélitiste par les expert∙e∙s interrogé∙e∙s, mais souscrit cependant à l’autre aspect du populisme observé, soit le fait de tenir un discours axé sur le peuple à des fins électoralistes (people centrism)14. À ce sujet, M. Penafiel explique que le projet de loi 21 sur la laïcité s’est inscrit dans une démarche visant à satisfaire une partie de l’électorat québécois, même s’il allait à l’encontre des chartes des droits et libertés québécoise et canadienne. Une inquiétude corroborée par Mike Medeiros et Jean-Philippe Gauvin :
« Même si le gouvernement Legault ne propose pas de mécanismes de démocratie directe, il semble souvent ignorer l’aspect délibératif de la démocratie représentative. En effet, il a proposé en quelques mois des projets de loi qui pourraient avoir des conséquences importantes pour la démocratie délibérative. S’il est normal pour un nouveau gouvernement de chercher à se démarquer de son prédécesseur, certaines propositions semblent tout de même s’inspirer davantage du populisme que de la délibération. Par exemple, justifier un projet de loi avec des sondages selon lesquels la majorité des Québécois le soutiennent, c’est revenir essentiellement aux bases populistes de la démocratie directe […]. »15
« Si on regarde le mot populisme étymologiquement, c’est un système fondé sur le peuple et ça, ce n’est rien d’autre que la démocratie », nuance M. Penafiel. Pour M. Boily, le populisme était plus présent dans le discours caquiste en 2012 et en 2014 que depuis le début de la pandémie, « précisément parce que le populisme servait à la CAQ comme moyen de se distinguer des deux grands partis à ce moment-là (à savoir le PLQ et le PQ) et le populisme est souvent un instrument qui va permettre à un parti politique de troisième ou quatrième position […] de se faire une place au soleil ».
Maintenant que le parti s’est bel et bien taillé une place, ce ne sont pas les accents populistes du gouvernement qui inquiètent les spécialistes. « Ce qui m’a frappé, ça a été le ton paternaliste de François Legault […], ce ton du bon père qui parle à son peuple, mais qui en même temps n’est pas dans une relation trop verticale », commente M. Boily, pour qui la place donnée aux autres membres du gouvernement dans les communications gouvernementales a contribué à « casser » la verticalité que peut induire au discours la formule des conférences de presse. Isabelle Gusse souligne quant à elle l’emploi de vocabulaire du registre du sacré (les travailleur∙euse∙s de la santé désigné∙e∙s « anges gardien∙ne∙s ») et de la guerre, parfois déplacé : « dans les sociétés démocrates libérales, les gens ont continué de manger, ils ont continué d’avoir un toit, ils avaient la possibilité, même chez eux, d’être dans une chambre à part si quelqu’un était malade », affirme-t-elle, précisant que, même au Québec, la situation n’est pas toujours aussi rose pour les personnes les plus précaires.
Le vocabulaire guerrier, d’abord introduit par le Président français Emmanuel Macron, a été récupéré par les politiques et les médias d’ici. « Les commodités que nous avons face à la COVID font en sorte que parler de guerre, c’est un peu indécent parce qu’il y a, dans nos sociétés, des infrastructures médicales et gouvernementales pour prendre soin des gens », poursuit Mme Gusse.
Avec des investissements mensuels de 13 millions de dollars en placements publicitaires, la stratégie communicationnelle d Québec est loin de faire face à une pénurie. En dépit des quelques bavures, elle ne semble pas non plus avoir été contaminée par la vague de populisme qui fait rage chez nos voisins du Sud et ailleurs16.
1 Marco Bélair-Cirino et Marie-Michèle Sioui, « La méthode Legault séduit toujours après deux ans de gouvernement caquiste », Le Devoir, 3 octobre 2020. https://www.ledevoir.com/politique/quebec/587174/deux-ans-de-gouvernement-caquiste-la-methode-legault-seduit-toujours.
2 Guillaume Bourgault-Côté, « François Legault, 115 points de presse plus tard », Le Devoir, 22 décembre 2020. https://www.ledevoir.com/politique/quebec/592154/legault-115-points-de-presse-plus-tard.
3 Gouvernement du Québec, « Données sur la COVID-19 au Québec », 6 janvier 2021. https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/situation-coronavirus-quebec/.
4 Guillaume Bourgault-Côté, op. cit.
5 Institut national de la santé publique du Québec, « COVID-19 : Stratégies de communication pur soutenir la promotion et le maintien des comportements désirés dans le contexte de la pandémie », 23 novembre 2020 (dernières modifications). https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/covid/3026-strategies-communication-promotion-comportements-covid19.pdf.
6 Mike Medeiros et Jean-Philipe Gauvin, « La CAQ et le risque du populisme », Policy Options, 6 mars 2019. https://policyoptions.irpp.org/fr/magazines/march-2019/la-caq-et-le-risque-du-populisme/.
7 Olivier Turbide, « L’image publique comme outil de lutte contre la COVID-19 », Policy Options, 24 mars 2020. https://policyoptions.irpp.org/magazines/march-2020/limage-publique-comme-outil-de-la-lutte-contre-la-covid-19/.
8 Ibid.
9 Jérôme Labbé, « Legault n’exclut pas de rouvrir les écoles et les garderies avant le 4 mai », Radio-Canada, 10 avril 2020. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1692850/coronavirus-covid-19-malades-hopitaux-chsld-residence-personnes-agees.
10 Matthieu Paquette, « Le père Noel reconnue comme service prioritaire, dit Legault », La Presse, 20 décembre 2020. https://www.lapresse.ca/noel/2020-12-20/le-pere-noel-reconnu-comme-service-prioritaire-dit-legault.php.
11 Henri Ouellette-Vézina, « Le gouvernement Legault annonce un nouveau confinement », La Presse, 6 janvier 2021. https://www.lapresse.ca/covid-19/2021-01-06/couvre-feu/des-amendes-salees-aux-contrevenants.php.
12 Franca G. Mignacca, « Dr. Horacio Arruda is a media star. What’s making him so popular? », CBC, 21 mars 2020. https://www.cbc.ca/news/canada/montreal/horacio-arruda-quebec-public-health-1.5505624.
13 Mike Medeiros et Jean-Philippe Gauvin, op.cit.
14 Ibid.
15 Ibid.
16 Guillaume Bourgault-Côté, op.cit.