Traduction d’Alexandre Dubé-Belzile
Cet article a été publié par nos partenaires de Colombie, la revue Kalivando. 

Les alliances entre politiciens, hommes d’affaires et criminels continuent de renforcer la présence paramilitaire en Colombie, garantissant les intérêts d’accumulation et de contrôle territorial. De plus, les processus relatifs à la justice et à la réconciliation sont entrepris dans des pays étrangers. Cela reflète bien la nature du régime politique colombien.

Deux cas récents le confirment : devant un tribunal américain, la multinationale Chiquita Brands est enfin tenue d’indemniser un groupe de victimes (des milliers d’autres sont encore à venir) pour le financement par la multinationale de groupes paramilitaires. Il convient de noter qu’il s’agit d’un cas spécifique, mais que la liste des entreprises qui ont agi de la sorte et qui en ont également bénéficié est assez longue. Parallèlement, en faisant usage de la compétence universelle en Argentine, un groupe de victimes d’exécutions extrajudiciaires (falsos positivos ou faux positifs), des civils tués par l’armée et présentés comme des victimes de combat, avancent dans leur procès contre l’ancien président Álvaro Uribe pour sa responsabilité dans cette affaire.

Cela démontre la nature d’un État qui marche sur les épaules de l’impunité pour survivre, d’un ordre du mal institutionnalisé dirigé par une alliance perverse entre les élites politiques, criminelles, militaires et commerciales qui ont reconfiguré l’État à leur profit, au sein duquel le paramilitarisme continue de jouer un rôle central.

Qu’est-ce que le paramilitarisme?

Le paramilitarisme est un phénomène complexe qui a une longue histoire en Colombie, profondément ancré dans la politique de l’État et soutenu par des intérêts commerciaux.

Plutôt que d’être de simples groupes armés illégaux, les paramilitaires agissent effectivement comme un « État de facto » dans certaines régions, contrôlant le territoire, les ressources et exerçant une influence sur les communautés1Gearoid Ó Loingsigh, « Chiquita, las multinacionales y el baño de sangre en Colombia », 17 juin 2024. Récupéré au  https://www.elsalmon.com.co/2024/06/chiquita-las-multinacionales-y-el-bano.html (Consulté le 8 octobre 2024).

Le paramilitarisme en tant que tel est apparu en Colombie dans les années 1960, sous l’impulsion de la doctrine de sécurité nationale des États-Unis pendant la guerre froide. Les États-Unis, préoccupés par la propagation du communisme, ont encouragé la formation de groupes paramilitaires pour contrer toute sympathie ou tout soutien aux mouvements de gauche2Javier Giraldo, « Los manuales de contrainsurgencia que dan forma al paramilitarismo siguen vigentes: Javier Giraldo », 28 avril 2024. Récupéré au https://kavilando.org/lineas-kavilando/conflicto-social-y-paz/9857-los-manuales-de-contrainsurgencia-que-dan-forma-al-paramilitarismo-siguen-vigentes-javier-giraldo (Consulté le 8 octobre 2024).

Contrairement au récit officiel qui le présente comme une réaction de groupes privés à la guérilla, le paramilitarisme a bénéficié de la complicité et du soutien de l’État colombien depuis ses débuts. Le gouvernement colombien, suivant les directives américaines, a publié des décrets et des lois légalisant la livraison d’armes à des groupes civils et la formation de groupes armés en collaboration avec l’armée3José Fernando Valencia Grajales, Juan Jacobo Agudelo Galeano, Alfonso Insuasty Rodríguez (2016). Elementos para una genealogía del paramilitarismo en Medellín, historia y contexto de la ruptura y continuidad del fenómeno (II). Medellín: Kavilando..

Il existe une relation directe entre le modèle économique et la dépossession violente des terres, des biens, des richesses et des ressources. De même, il existe aussi une relation entre ce modèle et les méthodes coloniales recyclées par le néolibéralisme, les méthodes barbares qui violent les droits des peuples. Or, les pays développés, l’Occident, ont appliqué ces méthodes dans tout le Sud mondial et en particulier dans toute notre Amérique.

Cependant, outre le soutien de l’État à cette argumentation, plusieurs entreprises, y compris des multinationales et de grandes entreprises nationales, ont été accusées de financer des groupes paramilitaires pour protéger leurs intérêts économiques et réprimer les syndicats et les organisations sociales qui défendent et revendiquent les droits du travail et de l’environnement.

Des entreprises bananières telles que Chiquita Brands4Alfonso Insuasty Rodríguez, « Ordenan a la Fiscalía investigar a las bananeras y empresarios por financiación voluntaria a grupos paramilitares », 23 juin 2020. Récupéré au : https://kavilando.org/lineas-kavilando/observatorio-k/7820-ordenan-a-la-fiscalia-investigar-a-las-bananeras-y-empresarios-por-financiacion-voluntaria-a-grupos-paramilitares-colombia (Consulté le 8 octobre 2024), Ecopetrol, Postobón et Drummond, entre autres, ont été accusées de remettre de l’argent, des biens et des renseignements à ces groupes en échange de la sécurité, du contrôle territorial et de la suppression des mouvements syndicaux5Rafael Alberto Aristizabal, « Alias ‘HH’ desmintió a Chiquita Brands y aseguró que financiaron voluntariamente a las AUC », 20 juin 2024. Récupéré au  https://www.wradio.com.co/2024/06/20/alias-hh-sobre-chiquita-brands-y-auc-en-ningun-momento-los-aportes-fueron-obligados/Arley (Consulté le 8 octobre 2024)
Colombia Informa, « El historial de Chiquita y otras empresas acusadas de financiar el paramilitarismo », 11 juin 2024. Obtenido de Colombia Informa: https://www.colombiainforma.info/el-historial-de-chiquita-y-otras-empresas-acusadas-de-financiar-el-paramilitarismo/ (Consulté le 8 octobre 2024)
.

Malgré les efforts déployés pour démanteler le paramilitarisme, comme le processus Justice et Paix du gouvernement Uribe (2005), et, plus tard, l’accord de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) (2016), ces groupes ont démontré une grande capacité d’adaptation et de réorganisation. Cette situation qui développe des questions liées au suivi et au démantèlement du phénomène paramilitaire parmi les points convenus6Op. cit., note 2.

Des groupes tels que le Clan del Golfo (AGC), héritiers du paramilitarisme, ont cherché à se réinventer au cours de la dernière décennie, en adoptant de nouveaux noms, en cherchant une reconnaissance politique et en participant à des pourparlers de paix. Toutefois, leurs activités criminelles se poursuivent, et donc la violence paramilitaire se perpétue de manière intense et étendue en Colombie.

Aujourd’hui, les paramilitaires utilisent la violence et l’intimidation pour contrôler les communautés et consolider leur pouvoir. Outre les massacres, les assassinats sélectifs et les déplacements forcés, ils ont également recours aujourd’hui à la cooptation des juntes d’action communautaire (Juntas de Acción Comunal), à la création d’organisations sociales de façade et à la réalisation de travaux publics pour obtenir un soutien social et une légitimité7Camilo Alzate González, « El plan del Clan del Golfo para copar el sur de Bolívar y exigir reconocimiento político », 9 juin 2024. Récupéré au https://www.revistaraya.com/el-plan-del-clan-del-golfo-para-copar-el-sur-de-bolivar-y-exigir-reconocimiento-politico.html (Consulté le 8 octobre 2024), tirant ainsi les leçons des insurrections dérivées du passage des anciens combattants d’un groupe à l’autre. En définitive, ils sont aujourd’hui à nouveau à la recherche d’une reconnaissance politique qui, d’une part, dissimule leurs véritables intérêts et, d’autre part, leur permet de négocier avec l’État l’impunité et le blanchiment de leurs richesses accumulées au fil des décennies.

Influence de la doctrine américaine en matière de sécurité

La doctrine américaine en matière de sécurité est directement liée au paramilitarisme en Colombie. En 1962, une mission de l’armée américaine dirigée par le général William Yarborough s’est rendue en Colombie et a laissé des documents secrets ordonnant l’organisation de groupes mixtes civils militaires pour éliminer les sympathisants communistes8Op. cit., note 2. Ces groupes mixtes, armés par l’État colombien au service des États-Unis, sont à l’origine du paramilitarisme en Colombie9Op. cit., note 7. Les États-Unis ont imposé l’organisation de groupes mixtes civils et militaires en Colombie en 1962 et ont envoyé des manuels de contre-insurrection, comme le livre de Roger Trinquier Modern Warfare, qui a inspiré l’armée colombienne pour lutter contre le communisme10Op. cit., note 2.

Dans ce contexte, le président colombien Guillermo León Valencia a promulgué le décret 3398 en 1965, autorisant la remise d’armes aux civils et la formation de groupes civils armés, établissant ainsi une base juridique pour le paramilitarisme sous l’influence de la doctrine de sécurité américaine11Op. cit., note 7..

Selon Giraldo12Op. cit., note 2, les manuels de contre-insurrection sont toujours utilisés et servent à justifier l’élimination de « l’ennemi intérieur ».

Entreprises nationales et multinationales

Les entreprises multinationales ont joué un rôle primordial dans le conflit colombien en finançant les groupes paramilitaires. Bien que cette relation ait été documentée dans différents rapports officiels et non gouvernementaux, ce phénomène reste une vérité non résolue qui doit être abordée afin d’éviter la répétition des cycles de violence13José Fernando Valencia Grajales & Alfonso Insuasty Rodríguez, « Multinacionales y dictaduras en Nuestra América », 24 mars 2024. Récupéré au https://contrahegemoniaweb:https://contrahegemoniaweb.com.ar/2024/03/24/multinacionales-y-dictaduras-en-nuestra-america/ (Consulté le 8 octobre 2024).

Nous pouvons citer quelques exemples parmi tant d’autres de cette relation entre les intérêts commerciaux, qui ont profité des groupes paramilitaires et les ont même directement soutenus afin d’accumuler des terres et de réaliser des profits :

Tableau : liste de quelques entreprises impliquées ou condamnées pour avoir soutenu directement des groupes paramilitaires en Colombie.

EntrepriseDescription du soutien paramilitaire                                     
ChiquitaA admis avoir donné 1,7 million de dollars aux Autodéfenses unies de Colombie (AUC) entre 1997 et 2004. Condamnée à verser 38 millions de dollars aux familles des victimes et à permettre le transport d’armes pour les AUC.
BP (British Petroleum)Elle a reconnu avoir financé la Brigade de l’Armée XVI, affirmant que c’était légal à l’époque.
Sociétés minièresElles ont encouragé la guerre contre les communautés du sud de Bolivar, en finançant des activités paramilitaires pour protéger leurs intérêts économiques.
PalmerasElle a encouragé le paramilitarisme pour protéger ses propriétés et ses opérations, comme le corroborent plusieurs décisions de la Cour et poursuites14Canal1, « Empresarios de palma condenados por vínculos con paramilitares », 14 août 2013. Récupéré au https://canal1.com.co/noticias/empresarios-de-palma-condenados-por-vinculos-con-paramilitares/ (Consulté le 8 octobre 2024).
Coca Cola et NestléDes allégations de financement de groupes paramilitaires ont été formulées à l’encontre de ces entreprises, bien qu’elles n’aient pas encore été entièrement étayées15Tribunal Permanente de los Pueblos. (18 de marzo de 2008). Tribunal Permanente de los Pueblos, empresas transnacionales y derechos de los pueblos en Colombia (2006-2008) . Obtenido de Tribunal Permanente de los Pueblos. Récupéré au https://permanentpeoplestribunal.org/wp-content/uploads/2006/04/Colombia_V_TPP_Es.pdf (Consulté le 8 octobre 2024).
EcopetrolSalvatore Mancuso, un ancien chef paramilitaire, a affirmé que l’entreprise versait aux AUC un pourcentage de ses contrats et qu’elle encourageait même les assassinats16Paula Naranjo, « Salvatore Mancuso explicó cómo Ecopetrol financió a los paramilitares: “Tuvo una responsabilidad enorme” », 12 juin 2024. Récupéré au https://www.infobae.com/colombia/2024/06/12/salvatore-mancuso-explico-como-ecopetrol-financio-a-los-paramilitares-tuvo-una-responsabilidad-enorme/ (Consulté le 8 octobre 2024).
PostobónAlias HH, un ancien chef paramilitaire, a avoué que l’entreprise livrait des boissons et de l’argent aux paramilitaires en échange de leur sécurité17Op. cit., note 6..
Fedegan (Fédération nationale des éleveurs de bovins)Elle faisait partie de la structure du bloc Catatumbo, utilisant son pouvoir économique pour atteindre des objectifs criminels. Entre 1994 et 1998, Vicente et Carlos Castaño Gil, anciens commandants en chef des AUC, et le Fonds de bétail de Córdoba ont dépossédé 130 familles paysannes de plus de 105 parcelles de terre dans la région de Tulapas.
DrummondEntreprise charbonnière accusée de financer le Bloc Nord des AUC et d’être impliquée dans l’assassinat de dirigeants syndicaux18WRadio, « JEP: señalan a expresidente de Drummond y a ‘Jorge 40′ por homicidio de sindicalistas », 13 avril 2023. Récupéré au https://www.wradio.com.co/2023/04/13/jep-senalan-a-expresidente-de-drummond-y-a-jorge-40-por-homicidio-de-sindicalistas/ (Consulté le 8 octobre 2024).

Élaboration propre à partir des sources dûment répertoriées dans la dernière colonne.

La protection du paramilitaire par le gouvernement Uribe

Javier Giraldo19Op. cit., note 6. a souligné que l’administration d’Álvaro Uribe a utilisé diverses stratégies pour dissimuler la responsabilité de l’État dans le paramilitarisme et permettre sa reconfiguration. Giraldo affirme qu’Uribe a organisé des « démobilisations » de groupes paramilitaires qui étaient en réalité de faux paramilitaires recrutés et revêtus de nouveaux uniformes. La Fiscalía, complice de ce système, a enquêté sur les «combattants démobilisés » sous leurs pseudonymes non enregistrés, ce qui leur a permis de paraître innocents et d’échapper aux poursuites.

Réseaux d’informateurs : Uribe a créé des réseaux d’informateurs rémunérés pour fournir une façade légale aux paramilitaires démobilisés.

Des entreprises comme façades : des entreprises, telles que des entreprises de palmiers à huile, ont été créées pour employer d’anciens paramilitaires.

Lois d’amnistie : des lois ont été adoptées, comme la loi 782, qui amnistie les paramilitaires non identifiés, leur permettant de rejoindre des entreprises et des réseaux d’informateurs.

Justice et paix : la loi Justice et paix (975) offre aux chefs paramilitaires des réductions de peine et des procédures judiciaires plus souples.

Extradition vers les États-Unis : lorsque les paramilitaires ont commencé à révéler leurs liens avec l’État, Uribe les a extradés vers les États-Unis.

Giraldo affirme que ces stratégies ont consolidé un « nouveau paramilitarisme », d’apparence légale, financé par le trafic de drogue et avec la coopération déguisée de l’État20Op. cit., note 2.

À ce stade, il est important d’approfondir le rôle du trafic de drogue, qui est important dans la croissance et le renforcement des groupes paramilitaires en Colombie et leur permet aujourd’hui de progresser et de se repositionner, et d’étudier plus en profondeur le rôle des États-Unis, par l’intermédiaire de la Drug Enforcement Administration (DEA), dans ce processus d’expansion et d’accords clandestins. Ces groupes, il est important de le souligner, ont réussi à devenir une puissance nationale grâce au financement du trafic de drogue, une réalité connue du gouvernement américain21National Security Archive, « La inteligencia estadounidense incluyó al presidente colombiano Uribe entre los narcotraficantes importantes en 1991 », 1er août 2004. Récupéré au https://nsarchive2.gwu.edu/NSAEBB/NSAEBB131/index.htm (Consulté le 8 octobre 2024)
National Security Archive, « Se revela la lista negra de Jimmy Carter en Colombia », 15 avril 2024. Récupéré au https://nsarchive.gwu.edu/briefing-book/colombia/2024-04-15/jimmy-carters-colombia-blacklist-revealed (Consulté le 8 octobre 2024)
. Cette relation leur a permis de se consolider économiquement, en articulant des actions en faveur de la classe politique régionale par le biais de pots-de-vin, de contributions importantes aux campagnes électorales, de l’accès à des contrats, entre autres.

La relation entre le paramilitarisme et l’État colombien a évolué depuis la formalisation des groupes paramilitaires dans les années 1960 jusqu’à la reconfiguration sous le gouvernement Uribe. Ainsi, malgré les efforts de démobilisation, les groupes paramilitaires se sont adaptés et continuent d’agir en toute impunité, consolidant un nouveau paramilitarisme d’apparence légal et financé par le trafic de drogue.

Dans la communauté de paix de San José de Apartadó, par exemple, le Clan del Golfo a pris le contrôle après la démobilisation des FARC, agissant en toute impunité et avec une coopération déguisée de l’État. Il en va de même pour les municipalités de Urabá, Chocó, Santander, Sierra Nevada de Santa Marta, Sur de Bolívar.

Alors que cette chronique était en cours de rédaction, un rapport des services de renseignement militaire a été rendu public et révèle des faits inquiétants qui confirment ce que nous avançons ici.

Le rapport des services de renseignement militaire a révélé récemment, le 7 juillet 2024, que le Clan del Golfo met en œuvre un plan d’expansion dans la région d’Antioquia, plus précisément dans l’est d’Antioquia. Ce groupe criminel a réussi à établir une structure armée dans la région, avec une hiérarchie de commandants comprenant des membres démobilisés des anciennes Autodefensas del Magdalena Medio, en particulier des membres du Clan Isaza. Cette structure armée du Clan del Golfo est chargée de surveiller des zones stratégiques telles que les canyons de Melcocho, Samaná et Arma, utilisés pour la culture de la feuille de coca et l’exploitation minière illégale. En outre, ils contrôlent les franges limitrophes de Grenade avec San Luis et San Carlos, ainsi que les couloirs de mobilité qui relient San Rafael et San Carlos au nord, au nord-est et au Magdalena Medio.

L’expansion du clan du Golfe dans l’est d’Antioquia et dans d’autres régions du pays serait financée par des trafiquants de drogue et des hommes d’affaires. Lors d’un sommet de la mafia à Magdalena Medio, plus d’un million de dollars provenant de ces secteurs auraient été injectés pour soutenir le plan d’expansion criminelle du Clan del Golfo.

Ces rapports confirment la présence de commandos armés dans les villages ruraux de la Grenade au cours des derniers mois, ce qui a entraîné le déplacement de villageois en raison des intimidations et des violences commises par le Clan del Golfo. Il convient de noter que cette organisation criminelle a réussi à mettre en place une structure de commandement composée d’anciens paramilitaires démobilisés, ce qui lui confère une expérience et une connaissance des opérations armées et des stratégies de contrôle territorial.

Le rapport des services de renseignement militaire met en évidence l’expansion et la consolidation inquiétantes du Clan del Golfo dans l’est d’Antioquia, avec une structure armée qui cherche à contrôler des territoires stratégiques pour des activités illicites telles que le trafic de drogue et l’exploitation minière illégale, générant un climat d’insécurité et de violence dans la région22Señal Investigativa, « Falso testigo de Uribe comanda expansión de Clan del Golfo en Antioquia: informe de inteligencia militar », 2024. Récupéré au https://revistaraya.com/falso-testigo-de-uribe-comanda-expansion-de-clan-del-golfo-en-antioquia-informe-de-inteligencia-militar?s=08 (Consulté le 8 octobre 2024).

Conséquences sociales et culturelles

Ces alliances nt eu des répercussions sur la société colombienne, générant violence, assassinats, disparitions et déplacements forcés. Les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent l’impunité et l’absence de justice dans les cas de violence paramilitaire. En outre, le paramilitarisme a coopté les communautés et les organisations sociales, pénétré les institutions de l’État et les a reconfigurées pour répondre aux besoins des élites économiques, politiques, militaires et criminelles à fort impact23Alfonso Insuasty, « ¿De qué hablamos cuando nos referimos al paramilitarismo? » El Ágora USB, 2017, 338-352.. Il a également fortement influencé la mentalité de toute une génération et de nombreuses communautés en la teintant de « cupidité », de tromperie et d’intérêt personnel. La mentalité du paramilitarisme est fondée sur la recherche de ressources économiques, favorisant une culture de la consommation et de la banalité, ainsi qu’une position encline à l’autoritarisme, à l’exclusion et au racisme. C’est ce que Vega Cantor a défini comme la « cultura traqueta », une culture de tueurs à gages, une mentalité dont il sera difficile de se défaire24Renan Vega Cantor, « La formación de una cultura «traqueta» en Colombia », 28 février 2014. Récupéré au https://rebelion.org/la-formacion-de-una-cultura-traqueta-en-colombia/ (Consulté le 8 octobre 2024).

L’administration de Gustavo Petro a reconnu l’existence d’un « État de facto» en Colombie, dans lequel le paramilitarisme joue un rôle important. Cependant, l’éradication du paramilitarisme nécessite un changement profond de l’idéologie des forces de sécurité, renforçant l’idée d’honneur et de souveraineté, une approche de la justice centrée sur la vérité totale, l’accès aux droits, des opportunités et une transformation culturelle soutenue.

Image : Pixabay


Authors

  • Alexandre Dubé-Belzile est titulaire d'une maîtrise en études langagières de l’UQO. Il a présenté ses travaux de recherches au Canada et à l’étranger, en Algérie, en Jordanie, au Maroc, au Pakistan, au Gabon, en Iran, au Brésil, en Pologne et à Cuba. Il s’est initié pendant 12 ans au mysticisme islamique avant de prendre la voie de la médecine traditionnelle chamanique, après sa participation à une série de cérémonies d’Ayahuasca et de San Pedro en Équateur en 2023. Il collabore avec L’Esprit Libre depuis 2016. Ses intérêts comprennent, sans s’y limiter, la traduction militante, l’anarchisme et l’épistémologie.

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