La période des fêtes appelle à une surconsommation matérielle et alimentaire, qui génère du gaspillage et une lourde empreinte écologique. Pour y remédier, des initiatives émergent pour encourager les alternatives responsables et durables, remettant en question les traditionnels excès de fin d’année.

Le temps des fêtes arrive, et avec lui un bilan environnemental désastreux. Comme chaque année, les Canadien·nes jetteront 540 000 tonnes de papier d’emballage, 99% des cadeaux seront jetés ou inutilisés 6 mois après leur réception[1], le tout pour 972$ de dépenses en moyenne[2].

« Noël, c’est une période où il y a beaucoup, beaucoup de consommation », relate Anthony Côté-Leduc, chargé de communication à Équiterre. La tradition chrétienne est aujourd’hui davantage consumériste, certaines pratiques ayant été « créées de toutes pièces par des industries pour vendre davantage de produits. » En conséquence, « c’est la période de l’année où dans les centres de tri on observe le plus de matière générée », constate Daphnée Champagne, conseillère en communication à Recyc-Québec.

Pour Vincent Edin, journaliste spécialisé notamment en environnement, c’est « une gigantesque hypocrisie. » La surabondance incitée durant le temps des fêtes est pour lui déconnectée des réalités sociales et environnementales. « On nous vend un narratif qui ne correspond plus à rien. »

Face à cette dissonance entre le temps des fêtes et les enjeux environnementaux, des alternatives à la surconsommation sont imaginées par des organismes et des citoyen·nes soucieux de leur empreinte écologique. 

Trop de cadeaux ?

Ce que nous surconsommons le plus durant les fêtes, selon Anthony Côté-Leduc, ce sont les cadeaux, qui engendrent beaucoup de pollution. Ils nécessitent en effet des ressources pour la production, le transport, l’emballage, puis le recyclage. Dans la plupart des cas, ils ne seront plus utilisés au bout de six mois.

« On peut offrir des choses qu’on fabrique nous-mêmes », rappelle Femke Bergsma, coordonnatrice de l’écoquartier Lachine, qui sensibilise et mobilise les citoyen·nes à la transition socioécologique. Chaque année, l’organisme offre un atelier pour fabriquer des cadeaux soi-même à partir de matériaux recyclés. Les familles du quartier viennent y bricoler toutes sortes d’objets, de cartes, et d’emballages. Pour Mme Bergsma, recevoir un cadeau de « quelqu’un qui a passé du temps à le fabriquer, qui a mis de l’amour dedans, est très différent de juste recevoir un truc qui a été acheté en magasin. » De plus, l’atelier est également un lieu de socialisation et de rencontres, loin de l’anonymat des grands centres d’achat. 

L’éco-quartier Lachine propose de fabriquer des cadeaux à partir de matériaux recyclés – image fournie par l’organisme

Certaines personnes optent plutôt pour des marques locales et écoresponsables afin de réduire l’empreinte environnementale de leurs achats de Noël. Plusieurs entreprises québécoises offrent en effet des produits durables et écologiques. Lorraine Tremblay a cofondé Sac en vrac, une marque de sacs réutilisables, « pour éliminer le plus de sacs de plastique possible », raconte-t-elle. Aujourd’hui, sa gamme de produits touche aussi à l’art de la table, au jardinage urbain et au bien-être. Le tout fabriqué au Québec par des entreprises d’insertion sociale, et de la manière la plus écoresponsable possible : les emballages sont recyclés et recyclables, les encres sont écologiques, et le transport est électrique. « Je trouve ça déplorable que les gens achètent [leurs cadeaux] sur des plateformes […] c’est extrêmement polluant », confie Mme Tremblay, qui estime que l’offre locale et écoresponsable québécoise est suffisamment importante pour y trouver des cadeaux de Noël.

Une autre alternative à la pollution générée par les cadeaux est… de ne simplement pas s’en offrir. C’est l’option choisie par Vincent Edin, qui a plébiscité sa famille pour mettre fin au traditionnel échange de cadeaux, à l’exception des enfants. Dans sa belle-famille, un compromis a été trouvé autour d’un secret Santa, où chaque personne offre un cadeau à une autre. Des pratiques pour refuser la « surabondance artificielle » encouragée par le temps des fêtes : « On n’a pas besoin de tous ces cadeaux […] pour passer une bonne soirée. »

Le rituel des cadeaux, bien ancré dans la tradition, n’apporte pas nécessairement que du bonheur aux consommateur·rices. Au contraire, il peut constituer une charge mentale et un stress financier importants. « Ma famille et ma belle-famille me remercient de ne plus avoir à courir dans les grands magasins blindés pour dépenser l’argent qu’ils n’ont pas, […] et pour offrir des cadeaux qui ne font pas plaisir », raconte Vincent Edin.

Du gaspillage alimentaire

La surconsommation du temps des fêtes est aussi alimentaire. « Évidemment, quand on est rassemblés en famille, on est généreux, on a tout le temps peur de manquer, et on prévoit beaucoup de portions », estime Daphnée Champagne de Recyc-Québec. Tout en rappelant que les ménages canadiens gaspillent chaque année plus de 2,2 millions de tonnes de nourriture [3]. Pour encourager une consommation plus responsable dans le temps des fêtes, Recyc-Québec a publié un guide des pratiques écoresponsables. Parmi elles, des astuces pour mieux prévoir les quantités et gérer les restants.

La motivation à changer ses habitudes

Malgré le triste bilan écologique du temps des fêtes, la tendance demeure à la surconsommation. Les citoyen·nes sont-ils réellement prêts à changer leurs pratiques pour le motif environnemental ? Daphnée Champagne veut croire que oui : « La motivation environnementale de faire le bon choix, elle est bien présente. Ce qui est important pour nous, c’est d’y aller étape par étape. » Recyc-Québec veut ainsi adopter une approche encourageante à l’égard des consommateur·rices. « On n’est pas là pour être moralisateur, ou pour dire ce que les gens doivent faire à la maison. »

La cofondatrice de Sac en vrac Lorraine Tremblay croit également que « les gens sont fiers d’offrir des produits écoresponsables et réutilisables. » Depuis quelques semaines, elle observe un engouement pour les produits de sa marque.

De son côté, Vincent Edin pense néanmoins que globalement, « les gens ne sont pas prêts [à changer leurs pratiques], parce qu’il y a une dépendance à la consommation. » Malgré sa volonté d’y croire, il estime que l’on « vit un backlash ultra-consumériste. » L’image restrictive et ennuyante de l’écologie contraste selon lui face aux discours consuméristes qui valorisent le confort et l’abondance. 

La portée des gestes individuels

La motivation à changer ses habitudes de consommation est également freinée par l’idée que les gestes individuels n’ont pas d’impact. « Est-ce que les petits gestes suffisent à eux seuls ? La réponse est non. Mais est-ce qu’ils ne servent à rien ? Vraiment pas », insiste Anthony Leduc-Côté. Pour lui, ainsi que pour les autres expert·es rencontré·es, les actions individuelles mènent à des actions collectives plus grandes. 

Femke Bergsma, qui coordonne les ateliers de l’écoquartier Lachine, soutient que « c’est vraiment une mauvaise excuse » de ne pas changer son comportement sous prétexte que d’autres polluent davantage. Selon elle, il « faut bien commencer quelque part, et le plus facile c’est par soi-même. » Elle finit par nous conter l’histoire du « tout petit oiseau » qui tente d’éteindre le feu de forêt en prenant de l’eau dans son bec. Les autres animaux, qui fuient tous, lui disent que ça ne sert à rien. « Mais en fait, il montre aux autres qu’en agissant on peut changer les choses, et que si tout le monde s’y met, l’incendie peut être éteint. »


[1] https://www.theglobeandmail.com/news/national/canadians-to-toss-100000-elephants-worth-of-wrapping-paper-this-year-advocacy-group/article37448496/

[2] https://www.commercedetail.org/research/sondage-du-cccd-sur-le-magasinage-des-fetes-en-2024/

[3] https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/citoyens/mieux-consommer/gaspillage-alimentaire/

Auteur

  • Charline Caro est journaliste à L'Esprit Libre, où elle couvre divers sujets de société à travers des reportages. Diplômée en science politique, elle aime mettre en lumière les réalités sous-représentées dans les médias.

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