
À travers sa série Portraits d’élu·es, L’Esprit Libre suit des élu·es municipaux·les le temps d’une journée, pour retracer leur parcours et raconter leur quotidien. Pour cet épisode, nous nous sommes rendus à Gatineau, pour rencontrer le conseiller municipal Louis Sabourin, qui a choisi de ne briguer qu’un seul mandat.
À 9 h du matin, l’Hôtel de ville de Gatineau est encore calme, malgré le passage de quelques fonctionnaires. Situé à la frontière du Québec et de l’Ontario, l’édifice surplombe la rivière des Outaouais, de l’autre côté de laquelle se trouve la colline parlementaire d’Ottawa. Loin de l’agitation fédérale, nous restons sur la rive québécoise, pour passer une journée avec un conseiller municipal de la Ville de Gatineau.
C’est au quatrième étage que nous avons rendez-vous avec le conseiller Louis Sabourin, élu lors des dernières élections municipales de 2021 pour le parti d’Action Gatineau. M. Sabourin a accepté ce reportage après notre appel à volontaires aux conseiller·ères du Québec, dans le but de montrer les aspects positifs de la fonction d’élu municipal et de « donner envie aux gens de se lancer ».
Les bureaux des conseillers se succèdent le long d’un couloir, jusqu’à celui de M. Sabourin. Pas de chance pour notre hôte du jour, le tirage au sort l’a fait hérité d’un local sans fenêtre. L’élu s’affaire derrière son ordinateur, en compagnie de son agent de recherche et assistant Gautier Chardin. Derrière lui se trouve une carte du district de Limbour, à Gatineau, qu’il habite depuis vingt ans et dont il est le conseiller municipal depuis trois ans.

M. Sabourin n’avait jamais fait de politique auparavant. Lorsque nous lui demandons des précisions sur sa carrière professionnelle, son assistant et lui échappent un rire. L’élu déballe alors son curriculum vitae : « J’ai été infirmier quand même assez longtemps, puis enseignant au primaire moins longtemps. J’ai aussi été courtier immobilier, puis inspecteur en bâtiment. J’ai eu plusieurs entreprises dans des domaines différents, et me suis impliqué dans le communautaire. » Le conseiller explique alors aimer changer de travail régulièrement, « tous les quatre ans en moyenne », afin de vivre de nouvelles expériences.
Il reconnaît toutefois un fil conducteur à cette carrière très diversifiée : « C’est le service à la personne, le fait de voir du monde et d’aider les gens », croit-il. La politique municipale lui apparaît ainsi comme une « suite logique ». En 2021, il se présente alors aux élections municipales, avec comme motivation principale d’apprendre de cette nouvelle expérience, et est élu.
L’expérience du terrain
À 10 h, le conseiller et son assistant M. Chardin quittent l’Hôtel de ville pour se rendre au premier rendez-vous de la journée. Dans la voiture qui nous y mène, M. Sabourin dit être « content de [s’être] lancé en politique maintenant, et pas avant ». Les expériences professionnelles qu’il a multipliées jusqu’ici lui sont très utiles dans son quotidien d’élu, juge-t-il. Sa fonction le place notamment en relation directe avec les citoyen·nes, qui lui adressent de nombreuses requêtes. Alors que tous ces « gens fâchés » peuvent parfois éreinter certain·es élu·es, lui estime avoir l’habitude de gérer et de comprendre les plaintes : « Quand j’étais infirmier, les gens attendaient huit heures dans une salle d’urgence avant de voir un médecin, on peut se dire qu’ils étaient très fâchés. »
Sa matinée est d’ailleurs dédiée aux requêtes qui lui ont été adressées par les citoyen·nes de son district. Après dix minutes de voiture, nous arrivons au centre de services de Gatineau, où M. Sabourin doit rencontrer le directeur territorial, en charge des services municipaux. Une réunion hebdomadaire dans laquelle le conseiller municipal fait remonter les plaintes des citoyens concernant les services de la ville : un déneigement mal effectué sur un trottoir, un nid de poule à reboucher, ou des bus trop nombreux sur une rue. Dans une ambiance conviviale, MM. Sabourin et Chardin reprennent un à un les signalements qui leur ont été faits, et envisagent des solutions avec le directeur territorial et son assistante.

Le choix d’un seul mandat
Après une heure de réunion, l’élu et son assistant se rendent dans un café avoisinant le centre de services de Gatineau. Ils s’installent au fond de la salle, latte et sandwich à la main. En guise de compte-rendu de la réunion, M. Sabourin raconte que son travail est assez routinier : « en hiver, c’est le déneigement, au printemps les nids de poule, et en été le gazon ». Un mandat de quatre ans revient selon lui à faire « quatre fois le même tour du jardin », et c’est suffisant. Son assistant sourit, connaissant l’aversion de son conseiller pour la routine.
Son expérience politique n’échappera pas à la règle : elle durera quelques années seulement, comme ses précédentes expériences professionnelles. Le conseiller confie entre deux bouchées qu’il sait « depuis le début » qu’il ne sollicitera pas de deuxième mandat. Un fait rare pour un élu, alors que la quasi-totalité de ses collègues se représentent aux élections municipales de novembre, dont certains pour la troisième ou la quatrième fois.
Après avoir salué le directeur général d’Action Gatineau qui entrait dans le café, M. Sabourin explique qu’au-delà d’être un choix personnel, le mandat unique a des avantages sur le plan politique. « Les décisions que je prends ne sont jamais électoralistes, car les prochaines élections n’ont aucun poids dans la balance », expose-t-il, soutenant que son seul intérêt est le bien commun. En raison de sa courte expérience en politique, il se considère plus comme un citoyen politicien que l’inverse, et davantage connecté aux réalités du terrain. Il n’est toutefois pas le seul politicien à défendre de nobles motivations.
Sachant qu’il n’avait que quatre ans devant lui, M. Sabourin estime également avoir maximisé son implication, en multipliant les dossiers et les commissions dont il a la charge. « Je pense qu’un élu qui sait qu’il n’a qu’un mandat mettra beaucoup plus d’énergie que celui qui en fait deux ou trois », expose-t-il, tout en précisant qu’il respecte les choix de chacun·e. Adepte de sport d’endurance, l’élu tente une comparaison avec la course à pied : « Si je fais 4km, je vais courir vite, mais si j’en fais huit ou douze, je vais y aller plus mollo ».
Il est midi, et c’est le moment de rentrer à l’Hôtel de ville. Dans la voiture, le conseiller et son assistant échangent sur la course à pied, sans métaphore politique cette fois-ci. M. Chardin nous apprend que son élu prépare le marathon de l’île Perrot en mai. Si M. Sabourin veut faire seulement 4 km en politique, il en courra 42 au mois prochain.

Apprendre de la politique
Dans l’après-midi, M. Sabourin préside la Commission du développement du territoire et de l’habitation, dont la séance du jour porte sur la mise en œuvre de logements abordables. Le conseiller se rend à la salle Mont-bleu, au premier étage de l’Hôtel de ville, dans laquelle une dizaine de conseiller·ères sont installé·es autour d’une table en U. Les autres membres de la commission, issus du monde politique et des affaires, des secteurs communautaires ou des citoyen·ne·s, ont rejoint la réunion par un appel en visioconférence projeté sur un grand écran.
M. Sabourin avait déjà eu affaire à ces enjeux lorsqu’il était courtier immobilier ou inspecteur en bâtiment. Mais y faire face depuis le côté politique est une toute autre chose, témoigne-t-il. « Cela m’amène à avoir une vision beaucoup plus large du développement d’une ville, et plus globalement de ma façon de voir le monde », relate-t-il. En tant que conseiller municipal et président de commission, M. Sabourin doit prendre en compte une variété de points de vue, à l’image des différent·es représentant·es d’entreprises ou d’OBNL qui s’expriment au cours de la commission.
En tant que citoyen, l’élu estime que c’est une grande chance de « voir l’autre côté de la médaille », et de comprendre les rouages de la prise de décision publique. S’il s’est lancé en politique, c’était d’ailleurs avant tout pour apprendre, comme il en faisait part dans la matinée : « C’est comme un quatre ans d’université […] durant lequel j’ai énormément appris ». À la fin de son mandat en novembre prochain, M. Sabourin redeviendra un citoyen, « mais un citoyen mieux outillé ».
Mais alors, qu’a-t-il compris de la politique ? Après quelques secondes de réflexion, l’élu affirme que « la politique est tout autour de nous ». Il n’est même pas indispensable d’être élu·e pour en faire, car comme l’affirme M. Sabourin avant de finir sa journée, « si tous les chemins mènent à Rome, tous les sujets mènent à la politique ».