
Alors que la moyenne d’âge au Parlement est de 53 ans, de jeunes candidat·es aux élections fédérales tentent de se frayer un chemin dans les circonscriptions montréalaises. Même si leur jeune âge suscite parfois l’interrogation, certain·es mettent en avant la légitimité de leurs expériences et la nécessité que toute la population soit représentée à la Chambre des communes. L’Esprit Libre est allé à la rencontre de deux d’entre ielles.
À 24 ans, Rose Lessard a déjà eu le temps de décliner plusieurs investitures pour le Bloc Québécois. Cependant, lorsque le parti l’a sollicitée pour la circonscription d’Hochelaga Rosemont-Est, son quartier, elle a accepté. Une surprise pour personne, tant son destin en politique était tracé : petite-fille de l’ancien député du Bloc Québécois Yves Lessard, elle a participé à sa première campagne « dans une poussette », nous dit-elle en riant. Après des études en relations internationales, diverses implications communautaires, et la présidence de l’aile jeunesse du Bloc Québécois, la voilà candidate pour les élections fédérales.
Les racines de l’engagement politique
Depuis son bureau de circonscription de la rue Ontario Est, Rose Lessard nous explique que, si elle a choisi la politique, « c’est pour faire changer les choses ». Durant son implication citoyenne et communautaire, la jeune femme a rapidement compris que le changement dépendait en grande partie de l’action législative des élu·es. Sa motivation est également nourrie par les récits de son grand-père Yves Lessard, député bloquiste à la Chambre des communes de 2004 à 2011 et actuel maire de Saint-Basile-le-Grand. « J’ai grandi en entendant le récit de son implication politique, et des personnes dont il a aidé à améliorer la vie. Quand on grandit là-dedans, on a envie de faire la même chose », raconte-t-elle.
Quand on lui demande quelles sont ses valeurs, Rose Lessard répond de but en blanc : “Moi, c’est sûr que c’est l’indépendance du Québec.” Et si elle a choisi la scène fédérale, c’est pour les relations internationales, et pour “préparer le terrain à l’indépendance”. Parmi les autres causes qu’elle veut mettre de l’avant, elle cite le féminisme, l’environnement, le logement et la culture.
Étienne Loiselle-Schiettekatte est l’un des autres jeunes candidat·es de cette élection. À 25 ans, il se présente dans la circonscription de Laval-Les îles pour le Nouveau Parti Démocratique (NPD). Même s’il ne pensait pas se présenter dès 2025, l’engagement politique était un « rêve depuis longtemps », nous confie-t-il. Ayant grandi dans une famille qui encourage « l’engagement citoyen et la générosité », la politique lui semblait être une bonne manière « d’aider les gens autour de [lui] et les plus défavorisés », explique-t-il. Diplômé d’une maîtrise en science politique, il travaille actuellement pour Moisson Montréal, un organisme qui lutte contre l’insécurité alimentaire. Dès qu’il a eu la chance de se présenter pour un « parti et un programme auquel [il] croyait, [il a] sauté à pieds joints ».
Parmi les enjeux qu’il défend et pour lesquels il a trouvé écho au NPD, le candidat de Laval nomme l’abordabilité du logement et de l’épicerie, les enjeux environnementaux, et la réforme du mode de scrutin.
Une absence de jeunes élu·es
Si leur jeune âge ne les a pas empêché·es de se présenter, il demeure que Rose Lessard et Étienne Loiselle-Schiettekatte demeurent des candidat·es précoces aux yeux des normes actuelles. Les élus de 30 ans ou moins représentent actuellement 2,6% du Parlement, tandis que l’âge moyen est de 53 ans.
Il arrive ainsi que leur jeune âge surprenne les électeur·rices et les proches des candidats. « C’est sûr que je m’attendais à ce qu’il y ait du monde qui porte un jugement, pensant que 25 ans c’est trop jeune », raconte Étienne Loiselle-Schiettekatte. « Avec certains électeurs, c’est un peu délicat », relate de son côté Rose Lessard, qui compense la perception négative de son âge en présentant son parcours et ses qualifications.
Pour les deux vingtenaires, les jeunes candidats sont pourtant aussi légitimes que les autres : « Les personnes dans la vingtaine ont le droit d’être représentées à la Chambre des communes », affirme Étienne Loiselle-Schiettekatte. Rose Lessard rappelle quant à elle que « notre démocratie se doit d’être représentative de toutes les tranches de la population ».
Joindre les jeunes
« Plus on se sent représenté, plus on a envie de s’impliquer et de voter », soutient la candidate d’Hochelaga. Or, aujourd’hui, la démocratie canadienne « n’est pas représentative de la jeunesse », dénonce-t-elle. Pour les candidat·es rencontré·es, l’absence de jeunes élu·es peut expliquer le fort taux d’abstention observé chez les jeunes. Aux dernières élections fédérales, les 18-24 ans se sont abstenus à plus de 53%, contre 37% pour la population générale.
Or, les jeunes ne sont pas désintéressé·es de la politique pour autant. Leur engagement politique prend simplement d’autres formes. Selon Statistique Canada, les 18-30 ans sont les plus susceptibles de signer des pétitions ou de participer à des manifestations. « Les jeunes sont impliqués politiquement », confirme Rose Lessard, s’appuyant notamment sur la mobilisation massive de la jeunesse pour le climat en septembre 2019 à Montréal.
En quoi de jeunes candidats pourraient-ils encourager le vote des jeunes ? Pour Étienne Loiselle-Schiettekatte, c’est tout d’abord une question de modèle. « Les jeunes sont excité·es de voir une personne de leur âge se présenter », témoigne-t-il. Le candidat de Laval a lui-même des amis qui n’ont pas pour habitude de voter, mais qui ont repris confiance en la politique en le voyant se présenter aux élections. « Ça montre aux gens qu’un politicien, ça peut aussi être quelqu’un de bien et de normal », croit-il.
Selon un sondage Léger datant de 2018, 66% des Québécois·es âgé·es de 18 à 34 ans disent ne pas faire confiance aux politicien·nes. Dans le même temps, 82% affirment qu’il faut plus de jeunes en politique.
Au-delà de l’image, les deux candidat·es disent comprendre davantage certaines réalités communément vécues par les jeunes. « On a une expérience différente des politiciens plus âgés, comme celle de la crise climatique ou du coût de la vie », avance Rose Lessard. Son confrère du NPD la rejoint sur ce point : « On vient avec […] des valeurs qui nous parlent, et des inquiétudes qui nous sont propres. »

Les jeunes électeurs ne sont toutefois pas une catégorie homogène sur le plan politique, et portent des valeurs hétérogènes. Aux dernières élections, le Parti libéral, le Parti conservateur et le NPD obtenaient chacun entre 24 et 28% du vote étudiant, selon les estimations.
Croire en la politique
Interrogée sur la désillusion de certains politiciens entrés assez jeunes en politique, comme Gabrielle Nadeau-Dubois, Rose Lessard fait non de la tête. « Je crois quand même qu’il y a quelque chose à faire en politique », croit-elle. Passée par le communautaire, elle estime que ce sont les élu·es qui sont les principales vecteur·ices du changement, en étant aux premières loges du pouvoir législatif.
Si Étienne Loiselle-Schiettekatte a choisi d’agir par l’intermédiaire d’un parti, il tient toutefois à ne garder que le meilleur du monde politique : « Je ne veux pas être dans la négativité et la discréditation des autres candidats, mais plutôt dans la promotion de ma plateforme électorale. » Une approche qu’il juge davantage positive, centrée sur les besoins de la population et l’efficacité de l’action.
En attendant le 28 avril, les deux jeunes candidat·es poursuivent leur campagne avec beaucoup de plaisir. « C’est une expérience qui m’allume, c’est super enrichissant », se réjouit le candidat de Laval, qui encourage même tout le monde à s’engager en politique. Rose Lessard continuera elle de sillonner les rues d’Hochelaga et de rencontrer des gens. « C’est aussi pour ça que je fais de la politique. »
Les partis libéral, conservateur et vert n’ont pas répondu à nos demandes d’entrevue.