Étienne Loiselle-Schiettekatte devant une de ses affiches, dans sa circonscription de Laval – Les îles (Photo fournie)
Alors que la moyenne d’âge au Parlement est de 53 ans, de jeunes candidat·es aux élections fédérales tentent de se frayer un chemin dans les circonscriptions montréalaises. Même si leur jeune âge suscite parfois l’interrogation, certain·es mettent en avant la légitimité de leurs expériences et la nécessité que toute la population soit représentée à la Chambre des communes. L’Esprit Libre est allé à la rencontre de deux d’entre ielles.
À 24 ans, Rose Lessard a déjà eu le temps de décliner plusieurs investitures pour le Bloc Québécois. Cependant, lorsque le parti l’a sollicitée pour la circonscription d’Hochelaga Rosemont-Est, son quartier, elle a accepté. Une surprise pour personne, tant son destin en politique était tracé : petite-fille de l’ancien député du Bloc Québécois Yves Lessard, elle a participé à sa première campagne « dans une poussette », nous dit-elle en riant. Après des études en relations internationales, diverses implications communautaires, et la présidence de l’aile jeunesse du Bloc Québécois, la voilà candidate pour les élections fédérales.
Les racines de l’engagement politique
Depuis son bureau de circonscription de la rue Ontario Est, Rose Lessard nous explique que, si elle a choisi la politique, « c’est pour faire changer les choses ». Durant son implication citoyenne et communautaire, la jeune femme a rapidement compris que le changement dépendait en grande partie de l’action législative des élu·es. Sa motivation est également nourrie par les récits de son grand-père Yves Lessard, député bloquiste à la Chambre des communes de 2004 à 2011 et actuel maire de Saint-Basile-le-Grand. « J’ai grandi en entendant le récit de son implication politique, et des personnes dont il a aidé à améliorer la vie. Quand on grandit là-dedans, on a envie de faire la même chose », raconte-t-elle.
Quand on lui demande quelles sont ses valeurs, Rose Lessard répond de but en blanc : “Moi, c’est sûr que c’est l’indépendance du Québec.” Et si elle a choisi la scène fédérale, c’est pour les relations internationales, et pour “préparer le terrain à l’indépendance”. Parmi les autres causes qu’elle veut mettre de l’avant, elle cite le féminisme, l’environnement, le logement et la culture.
Étienne Loiselle-Schiettekatte est l’un des autres jeunes candidat·es de cette élection. À 25 ans, il se présente dans la circonscription de Laval-Les îles pour le Nouveau Parti Démocratique (NPD). Même s’il ne pensait pas se présenter dès 2025, l’engagement politique était un « rêve depuis longtemps », nous confie-t-il. Ayant grandi dans une famille qui encourage « l’engagement citoyen et la générosité », la politique lui semblait être une bonne manière « d’aider les gens autour de [lui] et les plus défavorisés », explique-t-il. Diplômé d’une maîtrise en science politique, il travaille actuellement pour Moisson Montréal, un organisme qui lutte contre l’insécurité alimentaire. Dès qu’il a eu la chance de se présenter pour un « parti et un programme auquel [il] croyait, [il a] sauté à pieds joints ».
Parmi les enjeux qu’il défend et pour lesquels il a trouvé écho au NPD, le candidat de Laval nomme l’abordabilité du logement et de l’épicerie, les enjeux environnementaux, et la réforme du mode de scrutin.
Une absence de jeunes élu·es
Si leur jeune âge ne les a pas empêché·es de se présenter, il demeure que Rose Lessard et Étienne Loiselle-Schiettekatte demeurent des candidat·es précoces aux yeux des normes actuelles. Les élus de 30 ans ou moins représentent actuellement 2,6% du Parlement, tandis que l’âge moyen est de 53 ans.
Il arrive ainsi que leur jeune âge surprenne les électeur·rices et les proches des candidats. « C’est sûr que je m’attendais à ce qu’il y ait du monde qui porte un jugement, pensant que 25 ans c’est trop jeune », raconte Étienne Loiselle-Schiettekatte. « Avec certains électeurs, c’est un peu délicat », relate de son côté Rose Lessard, qui compense la perception négative de son âge en présentant son parcours et ses qualifications.
Pour les deux vingtenaires, les jeunes candidats sont pourtant aussi légitimes que les autres : « Les personnes dans la vingtaine ont le droit d’être représentées à la Chambre des communes », affirme Étienne Loiselle-Schiettekatte. Rose Lessard rappelle quant à elle que « notre démocratie se doit d’être représentative de toutes les tranches de la population ».
Joindre les jeunes
« Plus on se sent représenté, plus on a envie de s’impliquer et de voter », soutient la candidate d’Hochelaga. Or, aujourd’hui, la démocratie canadienne « n’est pas représentative de la jeunesse », dénonce-t-elle. Pour les candidat·es rencontré·es, l’absence de jeunes élu·es peut expliquer le fort taux d’abstention observé chez les jeunes. Aux dernières élections fédérales, les 18-24 ans se sont abstenus à plus de 53%, contre 37% pour la population générale.
Or, les jeunes ne sont pas désintéressé·es de la politique pour autant. Leur engagement politique prend simplement d’autres formes. Selon Statistique Canada, les 18-30 ans sont les plus susceptibles de signer des pétitions ou de participer à des manifestations. « Les jeunes sont impliqués politiquement », confirme Rose Lessard, s’appuyant notamment sur la mobilisation massive de la jeunesse pour le climat en septembre 2019 à Montréal.
En quoi de jeunes candidats pourraient-ils encourager le vote des jeunes ? Pour Étienne Loiselle-Schiettekatte, c’est tout d’abord une question de modèle. « Les jeunes sont excité·es de voir une personne de leur âge se présenter », témoigne-t-il. Le candidat de Laval a lui-même des amis qui n’ont pas pour habitude de voter, mais qui ont repris confiance en la politique en le voyant se présenter aux élections. « Ça montre aux gens qu’un politicien, ça peut aussi être quelqu’un de bien et de normal », croit-il.
Selon un sondage Léger datant de 2018, 66% des Québécois·es âgé·es de 18 à 34 ans disent ne pas faire confiance aux politicien·nes. Dans le même temps, 82% affirment qu’il faut plus de jeunes en politique.
Au-delà de l’image, les deux candidat·es disent comprendre davantage certaines réalités communément vécues par les jeunes. « On a une expérience différente des politiciens plus âgés, comme celle de la crise climatique ou du coût de la vie », avance Rose Lessard. Son confrère du NPD la rejoint sur ce point : « On vient avec […] des valeurs qui nous parlent, et des inquiétudes qui nous sont propres. »
Rose Lessard dans son bureau de circonscription à Hochelaga (Charline Caro)
Les jeunes électeurs ne sont toutefois pas une catégorie homogène sur le plan politique, et portent des valeurs hétérogènes. Aux dernières élections, le Parti libéral, le Parti conservateur et le NPD obtenaient chacun entre 24 et 28% du vote étudiant, selon les estimations.
Croire en la politique
Interrogée sur la désillusion de certains politiciens entrés assez jeunes en politique, comme Gabrielle Nadeau-Dubois, Rose Lessard fait non de la tête. « Je crois quand même qu’il y a quelque chose à faire en politique », croit-elle. Passée par le communautaire, elle estime que ce sont les élu·es qui sont les principales vecteur·ices du changement, en étant aux premières loges du pouvoir législatif.
Si Étienne Loiselle-Schiettekatte a choisi d’agir par l’intermédiaire d’un parti, il tient toutefois à ne garder que le meilleur du monde politique : « Je ne veux pas être dans la négativité et la discréditation des autres candidats, mais plutôt dans la promotion de ma plateforme électorale. » Une approche qu’il juge davantage positive, centrée sur les besoins de la population et l’efficacité de l’action.
En attendant le 28 avril, les deux jeunes candidat·es poursuivent leur campagne avec beaucoup de plaisir. « C’est une expérience qui m’allume, c’est super enrichissant », se réjouit le candidat de Laval, qui encourage même tout le monde à s’engager en politique. Rose Lessard continuera elle de sillonner les rues d’Hochelaga et de rencontrer des gens. « C’est aussi pour ça que je fais de la politique. »
Les partis libéral, conservateur et vert n’ont pas répondu à nos demandes d’entrevue.
Les jeux de hasard et d’argent soulèvent de nombreuses préoccupations de santé publique au Québec. Sans conséquence pour certains, ils peuvent engendrer une dépendance pour d’autres et avoir des conséquences graves dans leur vie.
Loto-Québec fête cette année ses 55 ans. Sur son site internet, la société d’État indique que sa mission est de « gérer l’offre de jeux de hasard et d’argent de façon efficiente et responsable en favorisant l’ordre, la mesure et l’intérêt de la collectivité québécoise »[1]. Pourtant, de nombreux Québécois et de nombreuses Québécoises se retrouvent avec un problème de dépendance aux jeux de hasard et d’argent, ce qui peut avoir un impact négatif dans leur vie et dans celle de leurs proches.
Une enquête de Katia Gagnon et William Leclerc parue dans La Presse en septembre 2018 porte sur les suicides liés à la dépendance aux jeux de hasard et d’argent. Selon cet article, nommé « Le jeu qui tue », en moyenne 18 joueurs pathologiques se sont enlevé la vie chaque année depuis 1995 au Québec[2]. La période entre 1999 et 2004 est la plus meurtrière avec 28 suicides par an. Elle coïncide avec les années où le nombre d’appareils de loterie vidéo était le plus élevé sur le territoire québécois. Le pic maximal a été atteint durant cette période, c’est-à-dire qu’entre 14 000 et 15 000 machines étaient disponibles dans les bars et casinos au cours de ces cinq années.
De plus, une étude de la Direction de la santé publique de Montréal (DSP) datant de 2016 a révélé que l’accessibilité semble plus grande dans des zones défavorisées sur le plan socio-économique, ce qui fait en sorte que les individus qui sont plus à risque de développer une dépendance aux jeux de hasard et d’argent se retrouvent dans un environnement plus susceptible de déclencher cette dépendance. Les conséquences engendrées par la dépendance aux jeux sont nombreuses : faillite, problèmes familiaux, abus de substances, dépression, anxiété, problèmes d’argent, suicides, etc.
Un accès facile
L’accès aux jeux de hasard et d’argent est facilité avec la place grandissante qu’occupent les technologies dans le quotidien de chacun. En 2024, rares sont ceux et celles qui ne disposent pas d’un téléphone intelligent. Selon l’étude annuelle NETendances de l’Académie de la transformation numérique de l’Université Laval, 84 % des adultes québécois avaient un téléphone intelligent en 2022 et 53 % des adultes québécois affirmaient passer trop de temps devant leurs écrans[3].
Non seulement ces appareils créent eux-mêmes une dépendance, mais ils mettent à la disposition des joueurs un moyen d’accéder facilement et en tout temps à des sites de jeux en ligne. De plus, un document disponible sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) appelé « Les préjudices liés aux jeux de hasard et d’argent en ligne : de l’identification à l’action de santé publique » révèle des faits alarmants[4].
Parmi les informations essentielles, on apprend qu’en 2018, le nombre de joueurs au Québec était estimé à 4,2 millions. De ce nombre, 2 % sont des individus avec des problèmes de jeux, mais pour les adeptes de jeux en ligne, les chiffres montent à 23 %. Les données font aussi état d’une croissance de 37,5 % des revenus d’Espace Jeux en 2017 et 2018, ce qui témoigne d’un essor dans l’adoption du jeu en ligne au Québec[5].
Les joueurs en ligne sont donc plus susceptibles de développer une dépendance au jeu, mais ils risquent également de dépenser des montants d’argent plus importants. « Les données de prévalence au Québec révélaient en 2012 que le jeu en ligne occasionne des dépenses sept fois plus importantes que les autres types de jeu […]. Le jeu en ligne ne constitue donc pas un divertissement inoffensif. »[6]
Les effets de la pandémie
Ce problème est devenu d’autant plus inquiétant lorsque la COVID‑19 a forcé la fermeture des casinos et des commerces et a isolé les citoyens chez eux. Christophe Miville-Deschênes, coordinateur clinique à la Maison L’Odyssée, a constaté l’effet désastreux qu’a eu la pandémie sur les personnes aux prises avec une dépendance au jeu. Le centre de traitement, fermé lors de la pandémie, a pu accueillir à nouveau des patients en 2022.
À ce moment, M. Miville-Deschênes a remarqué que certaines personnes qui ne jouaient pas avant la pandémie avaient commencé et que d’autres qui jouaient en personne au casino ou dans les bars s’étaient réfugiés sur les sites de jeux en ligne. Une personne, qui avait cessé de jouer pendant de nombreuses années, a aussi recommencé à jouer pendant la pandémie, dit-il.
Une enquête menée par Sylvia Kairouz de l’Université Concordia et Annie-Claude Savard de l’Université Laval montre que la pratique du jeu en ligne a triplé entre 2018 et 2020. L’étude, qui s’intéresse aux effets de la pandémie sur les habitudes de jeu des Québécois et des Québécoises, signale que peu de joueuses et de joueurs ont cessé leur pratique avec la fermeture des lieux de jeu, que certaines et certains ont migré vers les jeux en ligne et que de nouvelles joueuses et de nouveaux joueurs ont commencé à jouer en ligne[7].
Parmi les joueuses ou les joueurs continus (c’est-à-dire celles et ceux qui jouaient avant la pandémie et qui ont continué à le faire lors de celle-ci), 31 % ont déclaré avoir parié plus sur les jeux de hasard et d’argent comparativement à avant la COVID-19. Davantage de joueuses et de joueurs en ligne ont aussi déclaré avoir augmenté la fréquence à laquelle ils s’adonnent aux activités de jeux en ligne que de joueuses et de joueurs qui ont diminué leur fréquence de jeu en raison de la pandémie; les dépenses qui y sont associées et le temps passé à jouer sur ces plateformes sont aussi plus importants. Ces données semblent confirmer celles présentées dans le document de l’INSPQ.
L’étude mentionne également que celles et ceux qui ont avoué jouer davantage durant la pandémie ont affirmé que c’était parce qu’ils avaient plus de temps libre, qu’ils se sentaient seules ou seuls, ou encore qu’ils ne pouvaient pas acheter de billets de loterie en personne ou parce que le jeu les aidait à se détendre. Environ 20 % d’entre eux ont admis jouer plus en raison d’un besoin financier.
Une dépendance qui coûte cher
C’est d’ailleurs durant la pandémie de COVID-19 que la dépendance au jeu de David Fournier-Melançon s’est réellement développée. L’homme, qui avant pariait de petites sommes avec des amis pour le plaisir, a commencé à jouer sans s’imposer de limites. Avec le confinement, il passait inévitablement plus de temps chez lui et il s’ennuyait. Sa vie personnelle allait moins bien à ce moment aussi. Il a donc cherché un moyen de se divertir.
Ce qui le motivait était selon lui l’appât du gain. Il gagnait des petits montants et croyait qu’il allait gagner plus par la suite. De cette façon, il a misé près de 200 000 $ en un an sur Espace jeux, la plateforme de jeux en ligne de Loto-Québec. « En juillet 2022, j’avais dépensé le montant de mon prêt à 34 % et j’étais rendu à aller voir un shylock à 200 % d’intérêt. J’ai compris que j’avais un problème », admet-il. Lorsque sa conjointe l’a su, elle lui a posé un ultimatum : « tu vas en thérapie ou c’est fini! ». C’est à ce moment qu’il s’est rendu à la Maison L’Odyssée pour chercher de l’aide. Au moment de l’entrevue, à la fin de 2023, il fêtait une première année loin de sa dépendance au jeu.
De nombreux coûts sociaux sont associés à cette dépendance : les soins pour les problèmes de santé, les coûts juridiques et judiciaires, les coûts en service policiers et pénaux ainsi que des coûts liés au traitement qui sont utilisés pour la prévention et la recherche.
Mieux vaut prévenir
La société d’État, qui a le monopole sur les jeux de hasard et d’argent au Québec, engendre des profits astronomiques. En 2023, Loto-Québec a rapporté près de 3 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation significative de son revenu comparativement aux années précédentes[8]. Une partie de ces profits est redistribuée en tant que dividendes au gouvernement québécois. Au terme de son exercice 2023-2024, Loto-Québec a rapporté avoir remis 1,5 milliard de dollars à ce dernier, qu’il doit, de son côté, investir en prévention[9].
Pourtant, M. Fournier-Melançon déplore le manque de prévention liée à la dépendance aux jeux de hasard et d’argent. « Le jeu, ce n’est pas quelque chose dont on parle du tout et ce n’est pas quelque chose qui se voit, contrairement à l’alcool ou aux drogues », dit-il. Quant à l’avertissement qui apparaît sur le site de Loto-Québec après une heure de jeu, il croit qu’il n’est pas très utile. « On peut jouer tant qu’on le veut », lance-t-il. Il avoue que lorsque le message apparaissait, s’il avait une bonne journée avec des gains, il ne s’en préoccupait pas : « Il n’y a pas grand-chose qui t’empêche de jouer, à part t’exclure ».
Selon lui, les profits engendrés sont trop importants pour qu’une limite soit imposée : « En arrière de ça, il y a toujours un signe de dollar et personne ne va mettre de limitations tant que l’argent rentre ». M. Fournier-Melançon a pris les choses en main pour s’en sortir en s’excluant du site de Loto-Québec pour une période d’un an et en se tournant vers la Maison L’Odyssée pour de l’aide. Il croit qu’il est fondamental d’arriver en thérapie avec la bonne attitude et le désir de s’en sortir et il aimerait que ceux et celles qui souffrent de cette dépendance soient au courant de l’aide offerte. « Ce serait important que les gens sachent qu’il y a des ressources ». Pourtant, même si près de 41 % des joueurs en ligne disent connaître les services d’aide, seulement 2,4 % d’entre eux avouent les avoir utilisés.[10] Les maisons de traitements sont toutes indiquées pour aider ceux et celles qui souffrent de cette dépendance. La Maison l’Odyssée à Sainte-Marie et la Maison Jean Lapointe à Montréal offrent des traitements liés à la participation excessive aux jeux de hasard et d’argent. Info-Santé peut également offrir du soutien et informer les personnes qui le désirent sur les ressources disponibles.
La mission de la Maison L’Odyssée est de venir en aide aux personnes aux prises avec un problème de dépendance au jeu et de cyberdépendance. Elle offre des thérapies et du soutien à ceux et celles dans le besoin. La prévention est également au programme, puisque « le jeu est à portée de main », l’organisme communautaire s’assure donc de faire de la sensibilisation, entre autres, en informant sur les risques associés à ces dépendances[11]. De son côté, l’ancien joueur est sans équivoque : « ça a changé ma vie pour le mieux », lance-t-il, soulagé. Il travaille dorénavant pour la Maison L’Odyssée et tente d’aider les joueurs compulsifs dans le besoin.
À la suite de la présentation de la Loi 96, réforme de la fameuse Charte de la langue française (Loi 101), par le gouvernement de François Legault, l’éternel débat sur l’importance de la langue française au Québec s’est de nouveau mis en branle. Mais qu’en est-il des autres territoires linguistiques minoritaires dans le monde et leurs lois? Pour Jacques Leclerc, sociolinguiste, le Québec a beaucoup à apprendre du reste du monde.
Les citations de l’article sont tirées d’un entretien avec Jacques Leclerc, linguiste.
À première vue, le site Web « L’aménagement linguistique dans le monde », créé par Jacques Leclerc, peut sembler banal. Pourtant, ce projet, parti en 1999, est aujourd’hui une des références en la matière de l’aménagement linguistique dans le monde : « J’ai fait ça il y a à peu près 20 ans, ça a commencé lentement, avec une quarantaine de pays. Puis, avec les années, le monde entier y a passé. » Durant notre entretien téléphonique, il m’était difficile de cacher mon admiration envers la passion et l’effort mit sur ce site, celui-ci regorgeant d’informations détaillées sur plus de 195 États souverains, 200 États non souverains en plus de près de 3000 lois linguistiques traduites en français[i]. À ce jour, 15 000 à 20 000 internautes visitent ce site par jour, pour un total de près de 5 millions par année[ii]. Comme l’explique Jacques Leclerc, linguiste de profession, « tout ce qui concerne la géographie linguistique, l’aménagement linguistique, les lois linguistiques, c’est mon hobby ».
Cela étant dit, notre entretien était tout d’abord destiné à comparer la situation linguistique québécoise à celle des autres territoires minoritaires du reste du monde. Une comparaison qui permettrait peut-être de dédramatiser la situation dite alarmante du français au Québec[iii].
« Beaucoup de peuples minoritaires à travers le monde envient le Québec, ils aimeraient bien ça être dans notre situation, même si ce n’est pas parfait. »
Des situations comparables au Québec
Parmi les régions linguistiques semblables au Québec, la comparaison de la Catalogne est revenue fréquemment, notamment en raison d’une situation administrative similaire, en plus d’une langue distincte de l’État central, dans ce cas-ci l’espagnol d’Espagne. « Le cas du catalan est intéressant, parce qu’il est à la fois majoritaire et minoritaire, comme nous », faisant référence au fait que le catalan est parlé par une majorité de gens dans la région, mais par une minorité à l’échelle du pays. À ça s’ajoute un combat nationaliste – voire pour l’indépendance politique – qui rejoint les valeurs politiques de ses deux nations. Dans les deux cas, une volonté d’indépendance s’appuie sur la protection du français dans le cas du Québec, et du catalan dans le cas de la Catalogne, généralement négligée par l’État central.
La langue distincte devient alors un symbole de cette volonté d’autodétermination. Comme le développe Jacques Leclerc sur L’Aménagement linguistique dans le monde, « symbole de l’identité, la langue est le plus puissant facteur d’appartenance sociale et ethnique en même temps qu’un facteur de différenciation et d’exclusion. L’affirmation de soi va de pair avec la recherche de la dominance, mais, ce faisant, la langue dominée entre nécessairement en conflit avec la langue dominante, dont elle veut partager la suprématie. »
Le problème des minorités linguistiques va donc plus loin que la simple cohabitation: « En réalité, les pays, ou les États non souverains, ont des problèmes quand leur langue n’est pas celle de l’État central. » Le problème résiderait également dans le fait que « le groupe majoritaire n’aime jamais apprendre la langue du minoritaire. Pour eux, c’est comme une [rétrogradation], une humiliation ».
Parmi d’autres exemples notables, la Corse, collectivité territoriale française : « La Corse a une assemblée délibérante, la Corse peut adopter des lois en autant que ça ne contrevienne pas aux lois françaises. » Ainsi, « les Corses peuvent imposer certaines choses, comme certaines écoles peuvent imposer l’étude du corse à tout le monde. Ça oblige les Français‧es [en Corse] à apprendre le corse, et ça les écœure, les majoritaires n’aiment jamais ça ».
Quoique moins discutée, une autre comparaison intéressante pourrait être faite avec l’Inde, État qui fonctionne sous un mode fédératif, comme le Canada, et où deux langues officielles doivent cohabiter (l’hindi et l’anglais). Pourtant, « les États [de l’Inde] ont un réel pouvoir, autant que le Québec en a. Ils peuvent choisir la langue officielle qu’ils veulent. Ils ne pourront pas exclure ni l’anglais ni l’hindi, mais ils peuvent rajouter les langues officielles qu’ils veulent ». Il y a donc 22 langues indiennes considérées comme constitutionnelles, celles-ci ayant une présence administrative, scolaire et sociale dans les provinces concernées. Jacques Leclerc en profite pour démontrer l’influence prépondérante du multilinguisme en Inde : « En Inde, normalement, un enfant apprend la langue de son État, s’il y en a deux, il en apprend deux, en plus d’apprendre la langue de l’État central qui est l’hindi ou l’anglais. Il va probablement aussi apprendre la langue de l’État voisin. Autrement dit, un enfant indien apprend généralement trois à quatre langues. » M. Leclerc se permet donc de lancer une flèche à l’unilinguisme à l’américaine : « L’unilinguisme est assez généralisé dans les deux Amériques. Ou bien c’est l’anglais, ou bien c’est l’espagnol, ou bien c’est le portugais. [Les Québécois‧es], on est les moins unilingues [en Amérique] pour diverses raisons historiques. »
L’Inde peut également se comparer avec le Canada pour une autre raison : la présence de langues mineures et autochtones. Alors que le Canada recense une soixantaine de langues autochtones au pays[iv], l’Inde possède 302 « langues mineures » et plus de 250 – quoique moins bien répertoriées – « langues tribales »[v]. Dans les deux cas, des difficultés s’imposent dans la conservation de ses langues. Au Canada, les dispositions linguistiques destinées à promouvoir certaines langues autochtones ne doivent pas contrevenir au bilinguisme officiel, donnant à cesdites langues un rôle de second plan[vi]. Quant à l’Inde, la présence omniprésente des langues de l’État central, l’hindi et l’anglais, marginalise l’apprentissage de langues non constitutionnelles[vii]. Des encadrements qui poussent certaines langues sous-représentées près de l’extinction.
Comparaison des lois linguistiques
À sa sortie en 1970, la Loi 101 avait subi beaucoup d’opposition, notamment de la communauté anglophone et italienne québécoise[viii]. La plus récente Loi 96, même si étant plus globalement consensuelle[ix], a tout de même attiré son lot de critiques. Ainsi, comparativement aux lois linguistiques du reste du monde, le Québec est-il si sévère dans la protection de sa langue minoritaire?
« Dans certains pays, comme en Roumanie, on les oblige à savoir le roumain. Tu vas à l’université en anglais? C’est bien correct, mais tu vas avoir des matières en roumain », explique Jacques Leclerc.
« C’est comme si on disait que les cours d’histoire [au Québec] seraient en français, y compris dans les cégeps, y compris dans les écoles anglaises. Ça va plus loin que [nos lois]. Nous, on est un peu peureux au Québec. On craint toujours de froisser la population. »
Comparant encore la situation catalane à celle du Québec, M. Leclerc se permet également de mettre de l’avant une certaine combativité des Catalan‧e‧s en ce qui a trait à leur langue : « Les Catalan‧e‧s se retournent de bord plus vite que les Québécois‧es. Quand l’État central, ou la Cour constitutionnelle, condamnait une loi, les Catalan‧e‧s se retournaient de bord et en votaient une autre. Nous on prend notre trou. Quand la Cour suprême condamne, on ne fait rien. » Ainsi, fidèle à son habitude[x], le québécois se veut plus consensuel que combatif. L’idée du Québec comme un peuple « d’extrême-centre » n’est toutefois pas née d’hier. Comme l’explique Jean-Marc Léger, auteur du livre Code Québec, dans le balado du même nom, « la recherche du consensus ça vient de loin, ça a des conséquences sur une société qui est plus tolérante, une société qui est plus permissive[xi]. »
La perte d’une langue minoritaire
La situation linguistique du Québec est toutefois « positive » puisque « quand on se compare avec le reste du monde, on est dans une situation quand même intéressante pour notre minorité ». Certaines situations témoignent d’une perte de la langue minoritaire au profit de la langue majoritaire à un rythme bien plus important qu’au Québec.
Que ce soit dans le cas d’un État central autoritaire comme la Chine vis-à-vis le Tibet : « En Chine, tout est contrôlé par le gouvernement chinois. C’est-à-dire qu’on met en poste des Chinois‧es, et non des Tibétain‧e‧s. Les Tibétain‧e‧s sont là comme le peuple qui subit les forces des Chinois‧es. Ensuite, on s’organise pour les minoriser. » La situation du Tibet est donc extrêmement tendue.
Comme l’explique M. Leclerc sur L’aménagement linguistique dans le monde, « le Tibet vit sous un régime colonial au moyen duquel les Chinois imposent leurs idées et leurs valeurs, le tout avec un fort patriotisme normalement accompagné de racisme, de dogmatisme, de mépris et d’ignorance. »
Ce contrôle chinois fait en sorte que les Tibétain‧e‧s « ne peuvent pas adopter des lois pour imposer le tibétain aux Chinois‧es ».
Ce peut aussi être un manque de volonté politique pour le maintien d’une langue : « Tous les pays où on donne libre-choix [de la langue], il y a de sérieux problèmes. » Entre autres, « en Moldavie, on donne le choix d’aller à l’école russe ou à l’école moldave, mais en faisant ça, ils se comportent un peu comme les Québécois‧es le feraient [avec l’anglais], une bonne partie des gens instruits, des gens plus aisés, envoient leurs enfants à l’école russe. Autrement dit, individuellement c’est une bonne affaire. Mais socialement, c’est une catastrophe ». Cette catastrophe est liée à la régression rapide de la langue moldave au profit de celle de l’État voisin, la Russie.
Des lois sévères pour une plus grande conservation linguistique
De l’autre côté de la médaille, certains États et régions exercent des lois linguistiques plus sévères, leur permettant une préservation linguistique presque parfaite. Parmi ces États, il y a l’Islande, pays dont plus de 90 % de la population ont l’islandais comme langue maternelle[xii].
« Les Islandais‧es, qui sont moins de 200 000 de population, le parlement intervient é–nor–mé–ment sur les questions linguistiques, et ils sont sur une ile, c’est ce qu’on appelle une forteresse linguistique. Leur langue n’est pas en danger et ne le sera jamais. »
Pourtant, l’apprentissage de l’anglais et du danois est obligatoire, rendant presque la totalité de la population islandaise bilingue ou trilingue[xiii]. De plus, sous les principes du purisme linguistique islandais, la langue islandaise est en constante évolution, ce qui rend la langue dynamique, s’adaptant du même coup aux nouvelles générations[xiv]. Comme l’explique Jacques Leclerc, « contrairement au Québec, les Islandais‧es sont très respectueux de leur organisme linguistique », le Conseil de la langue islandaise (Íslensk málnefnd), qui règlemente justement sur ses différents changements linguistiques.
Quelles leçons à tirer pour le Québec et le Canada?
« Je me souviens il y a quelques années, j’ai été dans la Vallée d’Aoste en Italie, où la langue officielle est l’italien et le français, et puis je me souviens que le président de la Vallée d’Aoste me disait « on aimerait ça nous aussi être comme vous », de pouvoir faire les lois qu’ils veulent », m’explique Jacques Leclerc. Il perçoit donc le Québec comme un peuple « chanceux », notamment en ayant un « pouvoir quasi souverain sur sa langue ». Ceci se distingue d’ailleurs des départements français qui n’ont aucun pouvoir de légiférer sur les questions linguistiques, un problème qui est d’ailleurs visible dans les cinq départements qui constituent la Bretagne, la langue bretonne étant désormais parlée par environ 5 % de la population[xv].
Au-delà du pouvoir provincial de légifération linguistique, M. Leclerc espère aussi un plus grand rôle du gouvernement fédéral canadien : « Le Canada fédéral pourrait certainement s’améliorer aussi. C’est d’un ridicule des fois de consommer les politiques du gouvernement. Juste ce qui s’est passé récemment avec la gouverneure générale, on s’en fout complètement de nous, c’est clair. » Celui-ci fait, du coup, référence à la nouvelle gouverneure générale du Canada, Mary Simon, qui a fait couler beaucoup d’encre pour ses difficultés à s’exprimer en français[xvi]. À l’encontre de ces critiques, d’autres pourraient toutefois se réjouir d’avoir la représentation d’une langue autochtone, dans ce cas l’inuktitut, parlée par près de 40 000 personnes au Canada, au sein d’un des postes les plus prestigieux du pays[xvii].
Le Canada pourrait donc tirer des leçons de différents pays dans le monde, notamment la province autonome de la Voïvodine en Serbie ou encore la Finlande, cette dernière étant « très respectueuse des minorités linguistiques ». Dans les deux cas, un pouvoir spécial est émis aux municipalités afin que celles-ci légifèrent et choisissent leurs propres langues administratives et sociales. Ce type de division municipale pourrait alors aider de nombreuses minorités linguistiques au Canada, dont les Franco-Ontariens : « Si l’Ontario s’en inspirait, elle pourrait faire des choses plus intéressantes pour les francophones, c’est certain. » À cela pourrait s’ajouter d’autres communautés francophones au Canada, les anglophones au Québec, ou sur un plan pancanadien, les langues autochtones.
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Le constat : en se comparant avec le reste du monde, la situation du français au Québec « n’est pas une catastrophe ». Toutefois, encore une fois en se comparant, il y aurait également place à « améliorer des choses ». « Si on compare le Canada au Pakistan, le Canada est diablement mieux, mais si on compare le gouvernement canadien avec le gouvernement finlandais, là il y a du chemin à faire », conclut Jacques Leclerc.
[viii] Pierre-Luc Bilodeau, « Impacts de la loi 101 sur la culture politique au Québec de 1977 à 1997», Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal – Département d’histoire, 2016. https://archipel.uqam.ca/8719/1/M14347.pdf.
[x] Jean-Marc Léger, Jacques Nantel et Pierre Duhamel, Le Code Québec : Les sept différences qui font de nous un peuple unique au monde, Montréal : Les Éditions de l’Homme, 2016.
Une nouvelle étape dans le but de rendre le sport plus sécuritaire a été franchie avec l’annonce que le Centre de règlement des différends sportifs du Canada (CRDSC) a été sélectionné pour établir et mettre en œuvre un nouvel organisme pour la sécurité dans le sport. Cette annonce est un pas dans la bonne direction, mais il s’agit d’un problème auquel la communauté sportive mondiale doit faire face.
Le ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbault, en a fait l’annonce le 6 juillet dernier. Selon le communiqué de presse, le gouvernement du Canada investira un montant de 2,1 millions pendant la période de 2021-2022 pour l’établissement et la mise en œuvre de l’organisme. Cette annonce se faisait attendre depuis plusieurs années alors que plusieurs intervenants dans le milieu sportif réclamaient la création d’un organisme pour recevoir et traiter les plaintes d’abus qui serait indépendant.[i]
Le principal objectif de ce nouveau mécanisme sera de superviser la mise en fonction du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport (CCUMS). Le CCUMS aspirent à ce que le monde sportif soit dissocié d’abus physiques, psychologiques ou sexuels[ii] et cela à tous les niveaux.[iii] Le mécanisme aura particulièrement à l’œil les organismes sportifs qui sont financés par le gouvernement fédéral.[iv]
Avec ce partenariat, le CRDSC se munit d’un autre outil. Marie-Claude Asselin, cheffe de la direction pour le Centre de règlement des différends sportifs du Canada, a annoncé en entrevue avec un journaliste de l’Esprit libre que l’organisme se munira d’une nouvelle branche avec la création du Commissaire à l’intégrité dans le sport. Selon le site Internet du Commissaire, cette nouvelle branche aura comme rôle de traiter les plaintes de maltraitance dans le sport au niveau national. Le Bureau du Commissaire se chargera de superviser le processus de réception des plaintes, de mener les évaluations préliminaires, de commencer les enquêtes complètes et de transmettre les dossiers à des professionnels indépendants ou indépendantes en médiation ou en arbitrage.[v]
Le bureau du commissaire s’ajoute aux services de tribunal (Secrétariat de règlement des différends) et le centre de ressources qui sont déjà disponibles. Avec le nouveau système, des services de soutien aux victimes seront offerts. Des services en santé mentale et de l’assistance pour les victimes seront également implantés. Les abus dans le sport ne datent pas d’hier alors qu’une étude conjointe de CBC News et de CBC Sport avec l’aide de Radio-Canada révèle que 340 entraîneurs du monde sportif amateur au Canada ont été accusés d’un crime de nature sexuelle pendant la période allant de 1998 à 2018.
Les accusations vont de l’agression à la possession et fabrication de matériel pornographique juvénile.
L’enquête a aussi démontré que parmi ces 340 entraîneurs, 222 accusations ont été retenues pour des condamnations.[vi] Un des cas qui a retenu l’attention de l’actualité québécoise et canadienne est celui de Bertrand Charest. L’ex-entraîneur de ski a été reconnu coupable d’avoir agressé de jeunes skieuses âgées de 12 à 18 ans dans les années 90 (1992-1998).[vii]
De plus, le phénomène de la violence dans le sport ne date pas d’hier. Des études sur le sujet ont été publiées depuis plusieurs années. Par exemple, une étude de plusieurs chercheurs et chercheuses de l’Université de Toronto en partenariat avec AthlèteCAN s’est penchée sur la question de la prévalence de mauvais traitements comme la violence physique, psychologique, sexuelle ainsi que bien d’autres comportements nocifs chez les athlètes actuels et passés de l’équipe nationale.
Lors de la création de cette recherche en 2019, 67% des 764 athlètes interrogés et qui étaient actuellement dans l’équipe du Canada ainsi que 76% des athlètes à la retraite depuis au moins une dizaine d’année, se dit avoir été victime d’une forme de comportement négligent.[viii]
Un problème mondial
Le fléau que représentent les abus dans le sport est un problème qu’on retrouve partout dans le monde. En septembre 2016, des allégations d’abus sexuels contre Larry Nassar, un ancien docteur de l’équipe nationale américaine de gymnastique, ont été rendues publiques. Lors de ses années de service au sein de l’équipe américaine, Nassar a agressé plusieurs centaines d’athlètes dont certain-e-s étaient des mineur-e-s.[ix][x][xi]
Dans le but de lutter contre les abus de nature sexuelle, le gouvernement français a lancé un plan de prévention des violences sexuelles ainsi qu’un kit de sensibilisation pour les dirigeants sportifs, les éducateurs, les bénévoles ainsi que les familles des athlètes. L’ensemble de sensibilisation explique les différentes catégories en matière de violences sexuelles, les signaux à repérer chez les possibles victimes. Finalement, le document explique les raisons pourquoi il est nécessaire de signaler.[xii]
Une nouvelle bien accueillie
Sylvain Croteau, directeur général de l’organisme Sport’Aide, applaudit l’initiative prise par le gouvernement canadien : « Je suis très content de voir que la communauté du sport canadien emboîte le pas à ce qui a été fait au Québec » a-t-il dit en entrevue à l’Esprit libre. Sport’Aide se donne comme mission d’offrir des services d’accompagnement, d’écoute et d’orientation pour les jeunes sportifs ainsi que les autres intervenants dans le monde sportif qui sont témoins de violences dans le cadre sportif.[xiii]
Afin d’instaurer la confiance envers les victimes, le gouvernement du Québec avait annoncé, l’an dernier, l’instauration d’un nouveau mécanisme indépendant où les athlètes pourront déposer leurs plaintes plutôt que de faire affaire avec les fédérations.
En ce qui a trait à l’instauration d’un mécanisme pour gérer les plaintes dans le monde sportif, le Québec est légèrement en avance sur le reste du Canada. Depuis février, la province du Québec s’est munie d’un officier indépendant où les athlètes québécois-es sont en mesure de déposer des plaintes lorsqu’ils ou elles sont victimes d’abus ou de harcèlement.[xiv]
Il se réjouit de savoir qu’avec l’instauration de cette entité, le reste du Canada a maintenant une place où les athlètes ou les témoins d’abus peuvent porter plainte. Un des souhaits de M. Croteau est de voir cet outil être fonctionnel et à la disponibilité des victimes ou des individus voulant l’utiliser le plus tôt possible.
Le directeur général de Sport’Aide a des attentes assez élevées pour le projet qui devrait être complété en 2021 ou 2022 : « Qu’il soit totalement indépendant, qu’il ait une culture éthique irréprochable et qu’il place les victimes au premier plan. »
Aller plus loin
Pour M. Croteau, la création de cet organisme indépendant est un pas dans la bonne direction, mais il faut faire attention de ne pas se contenter uniquement de cette étape et pousser plus loin.
« Il ne faut pas s’arrêter là. C’est bien d’avoir un officier indépendant, mais il faut s’assurer d’avoir un levier sur les organisations. ». Le directeur estime que les organisations devront être imputables et qu’elles ont une obligation de mettre les meilleurs efforts pour s’assurer de prévenir et de contrer les différentes formes de violence dans leurs communautés. M. Croteau estime qu’un des moyens les plus importants pour aider à combattre ce problème est d’éduquer, sensibiliser et informer l’ensemble des parties de la communauté sportive.
[v] Bureau du Commissaire à l’intégrité dans le sport, « Bienvenue sur le futur site du nouveau Bureau du Comissaire à l’intégrité dans le sport du Canada », consulté le 17 juillet 2021, https://commissaireintegritesport.ca/
[viii] Gretchen Kerr(Ph.D), Erin Wilson (B.Kin) et Ashley Stirling(Ph.D), Prévalence des mauvais traitements chez les athlètes , tant qu’anciens qu’actuels, de l’équipe nationale, Université de Toronto, rapport du 30 avril 2019. https://athletescan.com/sites/default/files/images/prevalence_of_maltrea…
Un récent sondage de la firme Léger prêtait 40 % des intentions de vote à la Coalition avenir Québec (CAQ)1, et ce, malgré l’épuisement de la population face aux mesures de confinement et l’impasse économique dans laquelle la crise sanitaire a projeté la province. Une telle popularité s’explique-t-elle par le désir de stabilité politique qu’a engendré la crise ou est-ce plutôt le fruit de « la plus vaste campagne de communication jamais répertoriée dans l’histoire du Québec »2, comme l’a annoncé le gouvernement? À un an près du début de la pandémie, attardons-nous sur les communications de la CAQ et de son chef, le premier ministre François Legault.
« C’est une crise qui n’est pas comme la crise du verglas qui a duré un mois, un mois et demi et après on est revenus à la normale », souligne Isabelle Gusse, professeure en communication politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « C’est une crise pour laquelle on n’a pas réellement de repères sur sa finalité […] et donc c’est quasiment une communication en état de crise permanente, puisque la crise ne s’essouffle pas, ce qui est aussi nouveau que la pandémie », conclut-elle en riant.
Un rire jaune, sans doute. Au moment de l’entrevue, le Québec enregistre plus de 2 500 nouveaux cas positifs à la COVID-19, pour un total de 220 518 personnes infectées3. Ce n’est pas faute d’avoir mené une bonne campagne de communication, selon Mme Gusse, qui souligne cependant que la deuxième vague a plus difficilement été appréhendée. « Est-ce que c’est la faute du gouvernement? », s’interroge-t-elle, invoquant la lassitude des gens et le scepticisme de certain∙e∙s face au virus ou à son vaccin.
Selon les spécialistes, les efforts de communication du gouvernement ont en effet été « globalement réussis »4. Même si l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) insiste, dans un document officiel, sur le fait qu’une bonne stratégie communicationnelle permette de contrer la désinformation et les théories conspirationnistes qui circulent en abondance sur les réseaux sociaux5, la Belle Province n’est pas à l’abri du phénomène. À l’été 2020, l’ INSPQ révélait que près du quart des Québécois∙e∙s croient que le coronavirus a été créé en laboratoire, des chiffres qui grimpent à 28 % dans les rangs des travailleur∙euse∙s de la santé. On peut alors se demander si les fausses nouvelles sont alimentées par les tendances et les failles du discours caquiste, assez fréquemment taxé de populisme6.
« Le boss en ce moment, c’est le virus »
« […] La communication, en donnant sens aux évènements, a un effet considérable sur le niveau de sécurité (ou d’insécurité) d’une société. C’est là le premier des grands paradoxes des crises sanitaires : le succès des efforts des systèmes de santé pour traiter la maladie est dépendant en partie d’impératifs communicationnels, complètement étranges à la sphère médicale. Sans la communication efficace des mesures en place, sans la confiance des populations envers les autorités — construite essentiellement par le discours —, le meilleur système de santé de la planète risque d’échouer », met en garde Olivier Turbide dans un article pour Policy Options7.
Le professeur en communication politique à l’UQAM souligne également le dilemme auquel sont confrontées les politiques qui, face aux impératifs de la crise, doivent concilier la vitesse à laquelle les informations évoluent et la rapidité à laquelle doivent être prises les décisions, tout en assurant la fiabilité des informations sur la base desquelles sont prises les mesures gouvernementales8.
Mme Gusse rappelle à L’Esprit libre qu’il y a eu des ratés dans la communication des directives. À titre d’exemple, elle cite la recommandation du docteur Horacio Arruda, au début de la pandémie, d’éviter le port du masque : « quand tu as une pandémie, tu ne dis pas aux gens de ne pas porter de masque pour leur dire un mois et demi plus tard qu’il faut le porter, parce que là les gens ils ont capté, en période de crise, que c’était inutile » et prennent donc plus difficilement les consignes contradictoires au sérieux. Ce genre de « cafouillages », souligne-t-elle, témoigne d’une certaine confusion au sein du gouvernement au sujet des informations à divulguer… ou de celles à taire, lorsqu’elles ne sont pas encore confirmées.
« C’était quasiment impossible de ne pas avoir un certain niveau de confusion », juge quant à lui Frédéric Boily, professeur de science politique à l’Université d’Alberta et auteur de plusieurs livres sur la CAQ et sur les politiques québécoise et canadienne, qui croit que le manque de clarté vaut bien la rapidité d’action qui peut en être gagnée. Selon lui, l’erreur principale du gouvernement provincial a été d’accumuler les fausses promesses. Invoquant une déclaration du premier ministre qui, en avril 2020, a déclaré que « les jours meilleurs s’en viennent »9, M. Boily dit comprendre « que dans un discours politique, un premier ministre doit annoncer que des choses meilleures vont arriver, mais il ne faut surtout pas les annoncer trop rapidement, et ça a été une erreur de mon point de vue du côté du gouvernement du Québec ». Lors de sa conférence de presse pour les enfants, François Legault a promis à ses interlocuteur∙trice∙s qu’ils·elles allaient revoir leurs « ami∙e∙s » dès le 11 janvier 202110, quelques semaines avant d’annoncer la fermeture des écoles et d’autres mesures restrictives11.
Sous des apparences de contrôle, M. Legault et son équipe sont soumis, comme tout le monde, aux aléas du virus, les mesures étant prises en fonction de sa progression ou de sa régression. Le tout est emballé d’une bonne dose d’humour et de légèreté, notamment incarnée par la figure sympathique du docteur Arruda12 et de ses pastéis de nata. Qu’est-ce les tartelettes portugaises et la présence du père Noël en conférence de presse aux côtés de François Legault nous disent sur la stratégie communicationnelle du gouvernement? Tout en étant efficace, risque-t-elle de verser dans le populisme et dans la démagogie?
Populaires ou populistes?
Même s’il fait souvent la une des journaux et se balade sur toutes les lèvres, le populisme est un phénomène difficile à cerner. Interrogé par L’Esprit libre, Frédéric Boily explique que son association à la droite s’est faite à cause de Donald Trump, devenu figure emblématique du populisme, mais qu’il s’agit d’une erreur. « C’est un style politique qui peut se greffer à toutes les idéologies », soutient-il, un style politique dont les différentes caractéristiques n’adviennent pas toujours simultanément. Parmi ces caractéristiques, une conception du peuple comme unité absolue, le refus du désaccord et l’absence de médiations au sein du peuple et dans le discours public, pour n’en citer que quelques-unes.
Entre le 12 mars et le 22 décembre 2020, le premier ministre a participé à 115 points de presse. « Cette relation directe entre leader et peuple à travers une émission quotidienne est une caractéristique des néo-populismes, ce qu’on appelle les télépopulismes », nous renseigne Ricardo Penafiel, professeur à l’UQAM et spécialiste de la politique et des populismes latino-américains. En donnant l’exemple de l’émission Aló presidente de l’ex-dirigeant vénézuélien Hugo Chávez, il affirme cependant être mal à l’aise avec le parallèle entre les pratiques du gouvernement Legault et le populisme. « La caractéristique principale du populisme est d’être anti-establishment et en ce sens-là, la CAQ n’a jamais été anti-establishment », rappelle-t-il, insistant sur le fait que même lorsqu’il était dans l’opposition, le parti était une création de l’establishment.
Une étude menée avant la pandémie auprès de 56 universitaires et 40 expert∙e∙s des médias confirme cette assertion13. La CAQ n’est pas perçue comme antiélitiste par les expert∙e∙s interrogé∙e∙s, mais souscrit cependant à l’autre aspect du populisme observé, soit le fait de tenir un discours axé sur le peuple à des fins électoralistes (people centrism)14. À ce sujet, M. Penafiel explique que le projet de loi 21 sur la laïcité s’est inscrit dans une démarche visant à satisfaire une partie de l’électorat québécois, même s’il allait à l’encontre des chartes des droits et libertés québécoise et canadienne. Une inquiétude corroborée par Mike Medeiros et Jean-Philippe Gauvin :
« Même si le gouvernement Legault ne propose pas de mécanismes de démocratie directe, il semble souvent ignorer l’aspect délibératif de la démocratie représentative. En effet, il a proposé en quelques mois des projets de loi qui pourraient avoir des conséquences importantes pour la démocratie délibérative. S’il est normal pour un nouveau gouvernement de chercher à se démarquer de son prédécesseur, certaines propositions semblent tout de même s’inspirer davantage du populisme que de la délibération. Par exemple, justifier un projet de loi avec des sondages selon lesquels la majorité des Québécois le soutiennent, c’est revenir essentiellement aux bases populistes de la démocratie directe […]. »15
« Si on regarde le mot populisme étymologiquement, c’est un système fondé sur le peuple et ça, ce n’est rien d’autre que la démocratie », nuance M. Penafiel. Pour M. Boily, le populisme était plus présent dans le discours caquiste en 2012 et en 2014 que depuis le début de la pandémie, « précisément parce que le populisme servait à la CAQ comme moyen de se distinguer des deux grands partis à ce moment-là (à savoir le PLQ et le PQ) et le populisme est souvent un instrument qui va permettre à un parti politique de troisième ou quatrième position […] de se faire une place au soleil ».
Maintenant que le parti s’est bel et bien taillé une place, ce ne sont pas les accents populistes du gouvernement qui inquiètent les spécialistes. « Ce qui m’a frappé, ça a été le ton paternaliste de François Legault […], ce ton du bon père qui parle à son peuple, mais qui en même temps n’est pas dans une relation trop verticale », commente M. Boily, pour qui la place donnée aux autres membres du gouvernement dans les communications gouvernementales a contribué à « casser » la verticalité que peut induire au discours la formule des conférences de presse. Isabelle Gusse souligne quant à elle l’emploi de vocabulaire du registre du sacré (les travailleur∙euse∙s de la santé désigné∙e∙s « anges gardien∙ne∙s ») et de la guerre, parfois déplacé : « dans les sociétés démocrates libérales, les gens ont continué de manger, ils ont continué d’avoir un toit, ils avaient la possibilité, même chez eux, d’être dans une chambre à part si quelqu’un était malade », affirme-t-elle, précisant que, même au Québec, la situation n’est pas toujours aussi rose pour les personnes les plus précaires.
Le vocabulaire guerrier, d’abord introduit par le Président français Emmanuel Macron, a été récupéré par les politiques et les médias d’ici. « Les commodités que nous avons face à la COVID font en sorte que parler de guerre, c’est un peu indécent parce qu’il y a, dans nos sociétés, des infrastructures médicales et gouvernementales pour prendre soin des gens », poursuit Mme Gusse.
Avec des investissements mensuels de 13 millions de dollars en placements publicitaires, la stratégie communicationnelle d Québec est loin de faire face à une pénurie. En dépit des quelques bavures, elle ne semble pas non plus avoir été contaminée par la vague de populisme qui fait rage chez nos voisins du Sud et ailleurs16.